<p style="text-align: center;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:24px;"><strong><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">R&ocirc;le et &eacute;volution de l&rsquo;empathie dans l&rsquo;&oelig;uvre de Caravage</span></strong></span></span></p> <p><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Dimitri Stauss</span><a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span style="color:#000099;">[1]</span></a></span></span></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Introduction</span></span></span></strong></p> <p style="margin-left: 40px;"><em><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">D&eacute;finition de l&rsquo;empathie&nbsp;: de la terminologie aux sens&nbsp;</span></span></span></em></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Lorsque l&rsquo;on commence &agrave; s&rsquo;int&eacute;resser au sujet de l&rsquo;empathie, de nombreuses occurrences apparaissent&nbsp;: compassion, piti&eacute;, <em>pathos</em>, mis&eacute;ricorde, charit&eacute;, bienveillance, sollicitude, compr&eacute;hension, altruisme. Aussi, il nous semble essentiel de pr&eacute;ciser les termes que nous allons employer dans cet article. Nous n&rsquo;aurons pas ici la pr&eacute;tention de poser des d&eacute;finitions exhaustives car nous savons que celles-ci peuvent varier l&eacute;g&egrave;rement d&rsquo;un sp&eacute;cialiste &agrave; un autre, qu&rsquo;il soit philosophe, neurologue, psychoth&eacute;rapeute ou autre. Nous ne saurions nous substituer &agrave; leurs d&eacute;finitions car chacun a son domaine de comp&eacute;tence, nous entendons juste ici d&eacute;limiter les contours de notre r&eacute;flexion de mani&egrave;re &agrave; ce que nos propos reposent sur des bases claires. La d&eacute;finition d&rsquo;Olga Klimecki de l&rsquo;Universit&eacute; de Gen&egrave;ve, mais actuellement &agrave; la Technische Universit&auml;t de Dresde, semble &eacute;clairer &agrave; la fois la notion de l&rsquo;empathie et celle de la compassion&nbsp;: &laquo;&nbsp;Alors que l&rsquo;empathie fonctionne comme un simple miroir des &eacute;motions d&rsquo;autrui, la compassion implique un sentiment de bienveillance, avec la volont&eacute; d&rsquo;aider la personne qui souffre [&hellip;]. L&rsquo;empathie initiale est n&eacute;cessaire pour &ecirc;tre touch&eacute;. Mais ensuite il faut de la compassion pour se prot&eacute;ger des &eacute;motions n&eacute;gatives g&eacute;n&eacute;r&eacute;es par l&rsquo;empathie.&nbsp;&raquo; (Klimecki, 2014, p. 3). Pour r&eacute;sumer, l&rsquo;empathie est donc la capacit&eacute; &agrave; ressentir et m&ecirc;me &agrave; &eacute;pouser le sentiment de d&eacute;tresse d&rsquo;autrui et la compassion semble faire intervenir la recherche d&rsquo;un moyen pour r&eacute;soudre la ou les causes de cette d&eacute;tresse et pour trouver une solution adapt&eacute;e. La r&eacute;ponse apport&eacute;e par la compassion peut &ecirc;tre physique mais elle peut aussi &ecirc;tre spirituelle, elle peut m&ecirc;me rev&ecirc;tir un caract&egrave;re religieux, &agrave; ce moment-l&agrave; on pourra &eacute;ventuellement parler de mis&eacute;ricorde ou de commis&eacute;ration. Ces derniers mots renvoient &agrave; l&rsquo;id&eacute;e de pardon divin ou inspir&eacute; par le divin, envers un vaincu ou un coupable, il peut s&rsquo;agir &eacute;galement d&rsquo;une extr&ecirc;me bienveillance en concordance avec les pr&eacute;ceptes d&rsquo;une religion. La piti&eacute;, quant &agrave; elle, peut pr&eacute;senter deux nuances&nbsp;: d&rsquo;une part elle peut d&eacute;finir un sentiment proche de l&rsquo;empathie mais plut&ocirc;t envers une personne faible ou fragile. D&rsquo;autre part, elle peut quasiment aller jusqu&rsquo;&agrave; une forme de m&eacute;pris ou de d&eacute;dain. Quoiqu&rsquo;il en soit la piti&eacute; est li&eacute;e &agrave; une id&eacute;e de sup&eacute;riorit&eacute; de celui qui regarde et qui peut choisir, ou pas, d&rsquo;intervenir. Tous ces termes sont proches les uns des autres mais avec des valeurs nuanc&eacute;es, nous ne manquerons pas lors de notre expos&eacute; d&rsquo;apporter des pr&eacute;cisions sur les mots &eacute;voqu&eacute;s ci-dessus en fonction des contextes &eacute;tudi&eacute;s.</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px; text-align: justify;"><em><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">De l&rsquo;expression de la complexit&eacute; de l&rsquo;empathie&nbsp;en peinture</span></span></span></em></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Nous allons voir s&rsquo;il est concevable que la peinture puisse se poser comme moyen d&rsquo;expression &eacute;motionelle. En effet, comment une surface inerte, fig&eacute;e, un objet, serait capable de v&eacute;hiculer une quelconque &eacute;motion. C&rsquo;est l&agrave; tout le paradoxe de la &laquo;&nbsp;Silencieuse puissance qui ne parle qu&rsquo;aux yeux, et qui gagne et s&rsquo;empare de toutes les facult&eacute;s de l&rsquo;&acirc;me !&nbsp;&raquo; (Delacroix,&nbsp;1893, p.&nbsp;113), c&rsquo;est ici-m&ecirc;me un n&oelig;ud probl&eacute;matique primordial. La peinture communique, parle, montre, s&rsquo;exprime en silence, mais elle va encore plus loin, comme le disait Hubert Damisch : &laquo;&nbsp;La peinture ne montre pas seulement, elle pense.&nbsp;&raquo; (Damisch, 1972, p.127). Oui elle pense. Au m&ecirc;me titre qu&rsquo;un livre, un trait&eacute; ou un essai, elle pense, dans le sens o&ugrave; elle est le produit d&rsquo;une r&eacute;flexion profonde et affin&eacute;e mais aussi dans le sens o&ugrave; elle ouvre vers de nouvelles r&eacute;flexions &ndash; n&rsquo;y a-t-il pas des centaines d&rsquo;interpr&eacute;tations pour la&nbsp;<em>Joconde</em>, la&nbsp;<em>Temp&ecirc;te</em>&nbsp;de Giorgione ou encore le&nbsp;<em>Printemps</em>&nbsp;de Botticelli&nbsp;? Chacun de nous, avec son exp&eacute;rience, ses r&eacute;f&eacute;rences, son ressenti, ses fantasmes, per&ccedil;oit de mani&egrave;re diff&eacute;rente les &oelig;uvres d&rsquo;art. Ainsi, chacune avec ses caract&eacute;ristiques, ces &oelig;uvres nous parlent, nous envoutent, nous emportent par l&rsquo;interm&eacute;diaire de leur cadre, corniche, ch&acirc;ssis ou pigments&nbsp;; n&rsquo;est-ce pas l&agrave; la preuve que la peinture peut transmettre des sentiments comme l&rsquo;empathie&nbsp;? Mais alors, sous quelle forme ce sentiment se manifeste-t-il dans les tableaux ? Est-il pr&eacute;sent dans les gestes, les regards, les lignes de forces, les &eacute;clairages, les dynamiques&nbsp;? Ce qui est certain c&rsquo;est qu&rsquo;il peut concerner plusieurs personnes&nbsp;: du peintre vers le sujet qu&rsquo;il repr&eacute;sente, entre les personnages du tableau ou encore des personnages du tableau vers le spectateur.</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px; text-align: justify;"><em><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Caravage&nbsp;: peintre de passions et de sentiments &ndash; un cas d&rsquo;&eacute;tude id&eacute;al</span></span></span></em></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans le contexte pictural que nous &eacute;voquons plus haut, il est un peintre dont le parcours &eacute;motionnel a &eacute;t&eacute; tr&egrave;s r&eacute;v&eacute;lateur &agrave; la fois des m&eacute;canismes mais aussi de l&rsquo;intensit&eacute; des sentiments, il s&rsquo;agit de Caravage. Michelangelo Merisi de son vrai nom, n&eacute; en 1571 &agrave; Milan, s&rsquo;est illustr&eacute; dans l&rsquo;histoire de l&rsquo;art de mani&egrave;re significative. Son influence sur ses contemporains fut telle qu&rsquo;aujourd&rsquo;hui encore, on continue &agrave; l&rsquo;imiter, &agrave; s&rsquo;en inspirer, &agrave; l&rsquo;&eacute;tudier et ce de mani&egrave;re encore plus &eacute;vidente depuis 1951 et l&rsquo;exposition dirig&eacute;e par Roberto Longhi. Il fait partie des grands ma&icirc;tres qui ont marqu&eacute; l&rsquo;&eacute;volution tant technique que th&eacute;matique et qui proposent un compl&eacute;ment personnel et ind&eacute;finissable dans leurs &oelig;uvres. Peut-&ecirc;tre justement un rapport particulier &agrave; l&rsquo;empathie. Caravage fut l&#39;un des premiers artistes &agrave; proposer une peinture aussi proche de son v&eacute;cu quotidien, et il fut s&ucirc;rement celui qui pla&ccedil;a la composante populaire et humaine le plus en avant. Cependant, l&rsquo;homme &eacute;volue et son art avec lui, nous allons voir dans quelle mesure l&rsquo;empathie appara&icirc;t dans ses toiles, se d&eacute;veloppe, change, se transforme pour parvenir vers la fin de sa vie &agrave; un puissant paroxysme. En effet, ses derni&egrave;res toiles n&#39;ont plus grand-chose &agrave; voir avec les &oelig;uvres de jeunesse, &agrave; son arriv&eacute;e &agrave; Rome vers 1592. La vie de Caravage change de mani&egrave;re radicale et ce, plusieurs fois&nbsp;: quand il arrive dans la capitale, apr&egrave;s 1600 quand il devient un peintre r&eacute;put&eacute; et couru, en 1606 l&rsquo;ann&eacute;e du meurtre de Tommassoni et de la fuite ou enfin apr&egrave;s son d&eacute;part de Malte en 1609.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ainsi notre &eacute;tude se centre sur lui car la richesse, non seulement d&rsquo;expression du sentiment mais aussi son &eacute;volution, sont uniques et ont sans aucun doute contribu&eacute; &agrave; fa&ccedil;onner la gloire de l&rsquo;artiste. Nous trouvons ici une ouverture id&eacute;ale pour &eacute;tudier les formes de l&rsquo;empathie et des sentiments connexes dans l&rsquo;art pictural.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Nous allons donc d&eacute;crire, caract&eacute;riser, d&eacute;finir et analyser les apparitions de l&rsquo;empathie d&rsquo;une mani&egrave;re chronologique pour pouvoir prendre toute la mesure du sentiment et de son &eacute;volution et ce, m&ecirc;me si pour des raisons techniques &eacute;videntes, nous ne pourrons pas traiter tous les tableaux.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Les premi&egrave;res ann&eacute;es apr&egrave;s l&rsquo;arriv&eacute;e &agrave; Rome &ndash; L&rsquo;acc&egrave;s &agrave; la notori&eacute;t&eacute; et l&rsquo;orgueil</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Pour bien saisir l&rsquo;importance de l&rsquo;empathie chez Caravage il faut &eacute;tablir sa pr&eacute;sence et sa repr&eacute;sentation dans ses premi&egrave;res &oelig;uvres. S&rsquo;agit-il d&rsquo;un peintre d&eacute;j&agrave; orient&eacute; vers ce sentiment d&egrave;s ses &oelig;uvres de jeunesse ou en est-il autrement&nbsp;? Pour le comprendre nous allons prendre quelques exemples concrets. Il nous faut donc chercher des &oelig;uvres dans lesquelles la tristesse, la douleur ou la peine sont pr&eacute;sentes. Un des exemples parmi les plus &eacute;vidents est celui du&nbsp;<em>Gar&ccedil;on mordu par un l&eacute;zard&nbsp;</em>dont nous connaissons aujourd&rsquo;hui deux versions, l&rsquo;une se trouvant &agrave; la National Gallery de Londres et l&rsquo;autre &agrave; la Fondation Longhi &agrave; Florence.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img height="336" src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_caravage1.jpg" width="264" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Figure&nbsp;1&nbsp;- <em>Gar&ccedil;on mordu par un l&eacute;zard</em>&nbsp;(1594)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le tableau qui date de 1594 repr&eacute;sente un jeune homme aux g&eacute;n&eacute;reuses boucles brunes, v&ecirc;tu d&rsquo;une chemise blanche (un sous-v&ecirc;tement typique de l&rsquo;&eacute;poque) sur laquelle est nou&eacute;e en travers de la poitrine une sorte de toge brun&acirc;tre. Le jeune homme a les sourcils fronc&eacute;s et le corps est en retrait, son &eacute;paule droite est en train de se relever comme pour se prot&eacute;ger alors que sa main gauche se soul&egrave;ve brusquement. La premi&egrave;re chose que nous voyons est donc bien le visage, avec cet air m&ecirc;lant &agrave; la fois stupeur et douleur. Ce n&rsquo;est qu&rsquo;en observant en d&eacute;tail le tableau que nous d&eacute;couvrons le l&eacute;zard qui lui mord le majeur de la main droite alors que le gar&ccedil;on voulait juste saisir des cerises. Le rictus du jeune homme pourrait nous inciter &agrave; ressentir de l&rsquo;empathie, mais le sentiment d&eacute;gag&eacute; ici se rapproche plut&ocirc;t de la compassion car il appara&icirc;t presque perdu et sans d&eacute;fense devant cet insignifiant l&eacute;zard fermement agripp&eacute; &agrave; son doigt, ce qui rend la sc&egrave;ne presque grotesque. Caravage, m&ecirc;me s&rsquo;il l&rsquo;a rendu c&eacute;l&egrave;bre, n&rsquo;a pas invent&eacute; ce motif. On le retrouve dans la peinture lombarde&nbsp;: chez Sofonisba Anguissola en 1554 lorsqu&rsquo;elle repr&eacute;sente dans un dessin son fr&egrave;re Asdrubale, encore jeune enfant, qui se fait pincer le doigt par l&#39;&eacute;crevisse toujours vigoureuse qui &eacute;tait rest&eacute;e cach&eacute;e dans un panier de crustac&eacute;s, le tout avec sa s&oelig;ur juste &agrave; c&ocirc;t&eacute; qui rit et se moque presque de l&rsquo;infortune de l&rsquo;enfant. On retrouve &agrave; nouveau le motif chez Vincenzo Campi avec ses<em>&nbsp;Mangeurs de haricots</em>&nbsp;de 1578 o&ugrave; l&rsquo;on voit un b&eacute;b&eacute; se faire griffer par un chat alors qu&rsquo;un solide campagnard, en train de l&rsquo;imiter, se moque de lui, juste &agrave; c&ocirc;t&eacute; de la propre m&egrave;re hilare. <em>Le&nbsp;Gar&ccedil;on mordu par un l&eacute;zard</em>&nbsp;de Caravage n&rsquo;a donc pas vocation &agrave; d&eacute;clencher l&rsquo;empathie car c&rsquo;est bien la recherche technique de la capture de l&rsquo;instant qui int&eacute;resse le peintre.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Nous venons d&rsquo;&eacute;voquer la moquerie de la s&oelig;ur d&rsquo;Asdrubale face &agrave; la douleur de son fr&egrave;re, nous retrouvons aussi cette moquerie l&agrave; o&ugrave; Caravage aurait pu faire &eacute;merger de l&rsquo;empathie de la part du spectateur face aux personnages repr&eacute;sent&eacute;s. Deux tableaux de la premi&egrave;re p&eacute;riode se d&eacute;tachent de l&rsquo;ensemble : il s&rsquo;agit de la&nbsp;<em>Diseuse de bonne aventure</em>&nbsp;et des&nbsp;<em>Tricheurs</em>, qui datent tous deux de 1596-1597. Dans les deux cas, un jeune bourgeois richement v&ecirc;tu se fait escroquer par des gens de la rue qui trichent et qui mentent. Dans la<em>&nbsp;Diseuse de bonne aventure,&nbsp;</em>Caravage met en sc&egrave;ne un jeune homme noble (puisqu&rsquo;il porte l&rsquo;&eacute;p&eacute;e) compl&egrave;tement subjugu&eacute; par le regard envo&ucirc;tant d&rsquo;une jeune tsigane qui lui lit les lignes de la main.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img height="302" src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_caravage2.jpg" width="408" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Figure&nbsp;2&nbsp;- <em>Diseuse de bonne aventure</em>&nbsp;(1596-97)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Celle-ci use de sensualit&eacute; en d&eacute;tournant &eacute;galement son attention par le toucher, puisque de son pouce gauche, elle caresse une partie de la main qui s&rsquo;appelle le &laquo;&nbsp;mont de V&eacute;nus&nbsp;&raquo;. Si on se limitait &agrave; cette description la sc&egrave;ne pourrait &ecirc;tre des plus d&eacute;licates et sensuelles, mais lorsqu&rsquo;on regarde mieux, on s&rsquo;aper&ccedil;oit que la jeune femme est en train de faire glisser l&rsquo;anneau d&rsquo;or du jeune homme pour le lui voler. Mais m&ecirc;me lorsqu&rsquo;on voit ce d&eacute;tail on ne peut s&rsquo;emp&ecirc;cher de prendre le parti de la gitane qui se retrouve oblig&eacute;e de voler pour survivre alors que le jeune gar&ccedil;on, encore inexp&eacute;riment&eacute; et surprot&eacute;g&eacute; par sa position sociale, appara&icirc;t comme puni pour sa pr&eacute;tention et sa candeur, qui l&rsquo;avaient pouss&eacute; &agrave; surestimer son pouvoir de s&eacute;duction aupr&egrave;s de la jeune fille. Francesca Cappelletti nous dit d&rsquo;ailleurs qu&rsquo;il s&rsquo;agit &laquo;&nbsp;des affects que l&rsquo;artiste [&hellip;] sait traiter avec subtilit&eacute;, comme on le voit dans sa fa&ccedil;on de rendre la &quot;<em>fourberie</em>&quot;&nbsp;souriante de la jeune boh&eacute;mienne, et la na&iuml;vet&eacute; b&eacute;ate du jeune homme&nbsp;&raquo; (Cappelletti, 2008, p.&nbsp; 114)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans les&nbsp;<em>Tricheurs,&nbsp;</em>un autre jeune noble se trouve au milieu d&rsquo;une intrigue qui implique les deux complices que l&rsquo;on voit, l&rsquo;un qui joue aux cartes, l&rsquo;autre qui lui fait des signes pour indiquer le jeu du jeune homme&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La gestuelle et la grimace du tricheur paraissent excessives, elles font de lui un personnage digne de la&nbsp;<em>commedia dell&rsquo;arte</em>, presque une caricature. Les gants trou&eacute;s accentuent l&rsquo;aspect picaresque de l&rsquo;homme, qui semble quelque peu pr&eacute;occup&eacute;&nbsp;; en levant les trois doigts de la main droite, il indique clairement &agrave; son complice que le jeune ing&eacute;nu a un jeu potentiellement gagnant, un brelan.&nbsp;(Zuffi, 2016, p. 191)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img height="291" src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_caravage3.jpg" width="399" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Figure&nbsp;3&nbsp;-&nbsp;<em>les Tricheurs</em>&nbsp;(1596-97)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans ces deux tableaux, m&ecirc;me si les deux nobles sont escroqu&eacute;s, la r&eacute;action du spectateur est plus de l&rsquo;ordre de la moquerie que de celle de l&rsquo;empathie. En effet, nous devons nous rappeler que ces toiles &eacute;taient pr&eacute;sent&eacute;es chez le cardinal del Monte et les eccl&eacute;siastiques, les nobles ou les banquiers qui c&ocirc;toyaient sa cour ne pouvaient manquer de s&rsquo;amuser de ces &eacute;pisodes que la plupart avait v&eacute;cu de pr&egrave;s ou de loin ; cela devait s&ucirc;rement les inviter &agrave; la taquinerie les uns envers les autres.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ainsi l&rsquo;empathie semble ne pas exister dans les &oelig;uvres de jeunesse&nbsp;? N&rsquo;y a-t-il aucun tableau qui puisse apporter une quelconque r&eacute;action face aux malheurs repr&eacute;sent&eacute;s&nbsp;? Int&eacute;ressons-nous &agrave; une toile qui a marqu&eacute; les esprits &agrave; l&rsquo;&eacute;poque, le&nbsp;<em>Judith et Holopherne,</em>&nbsp;peint en 1598, alors que Caravage se trouve employ&eacute; par le cardinal del Monte &agrave; Palazzo Madama.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img height="287" src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_caravage4.jpg" width="386" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Figure&nbsp;4&nbsp;- <em>Judith et Holopherne</em>&nbsp;(1598)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans cette toile nous voyons sur la droite une vieille servante qui, s&ucirc;rement par impatience, &eacute;tire son cou pour mieux voir ce qu&rsquo;il se passe. Elle tend son tablier ou tient le sac dans lequel la t&ecirc;te du g&eacute;n&eacute;ral Holopherne va &ecirc;tre ramen&eacute;e &agrave; B&eacute;thulie. Juste &agrave; c&ocirc;t&eacute; d&rsquo;elle se trouve Judith qui est en train de proc&eacute;der &agrave; la d&eacute;collation du g&eacute;n&eacute;ral assyrien, lequel se r&eacute;veille instantan&eacute;ment au moment o&ugrave; la lame lui coupe la carotide, laissant jaillir une gicl&eacute;e de sang qui vient maculer la draperie blanche du lit. Un rideau rouge et sombre occupe le quart sup&eacute;rieur gauche du tableau. On pourrait se dire qu&rsquo;<em>a priori</em>&nbsp;rien dans ce tableau ne devrait laisser de place &agrave; l&rsquo;empathie&nbsp;mais plut&ocirc;t &agrave; la vengeance et &agrave; la hargne : un g&eacute;n&eacute;ral barbare qui utilise la violence pour soumettre un peuple, une jeune fille qui, avec l&rsquo;aide de Dieu, vient sauver sa ville et une servante avide qui n&rsquo;en peut plus d&rsquo;attendre la t&ecirc;te coup&eacute;e. Et pourtant en y regardant de plus pr&egrave;s on d&eacute;couvre &agrave; la fois sur le visage, mais aussi dans la posture, une attitude assez surprenante de la part de Judith et en compl&egrave;te opposition avec les yeux &eacute;carquill&eacute;s de la vieille, les muscles hypercontract&eacute;s, les poings serr&eacute;s et la m&acirc;choire inf&eacute;rieure avanc&eacute;e et crisp&eacute;e. Judith penche son corps vers l&rsquo;arri&egrave;re, exactement dans le sens oppos&eacute; &agrave; son action, le mouvement de sa robe la dirige directement vers l&rsquo;ext&eacute;rieur droit du cadre, et son visage est d&rsquo;une grande &eacute;loquence. La bouche est tr&egrave;s l&eacute;g&egrave;rement entrouverte et les l&egrave;vres sont pouss&eacute;es vers l&rsquo;avant comme dans un sanglot, le double menton qui se dessine indique que la t&ecirc;te, de m&ecirc;me que le corps, part en arri&egrave;re comme pour sortir de l&rsquo;action, les joues sont ros&eacute;es par un afflux sanguin t&eacute;moignant d&rsquo;un r&eacute;el et profond inconfort, les muscles du bas du cou (&agrave; la base du muscle sterno-cl&eacute;ido-masto&iuml;dien) sont extr&ecirc;mement tendus, enfin ses yeux sont pliss&eacute;s et ses sourcils fronc&eacute;s, comme lorsque que quelque chose nous d&eacute;go&ucirc;te. Ceci peut sembler contradictoire avec le r&ocirc;le de la jeune femme d&eacute;sign&eacute;e par Dieu et pourtant nous touchons ici du doigt une th&eacute;matique caravagesque qui va tendre &agrave; se d&eacute;velopper &eacute;norm&eacute;ment voire &agrave; devenir essentielle dans les derni&egrave;res ann&eacute;es. Le coupable (surtout s&rsquo;il s&rsquo;agit de violence physique) peut quand m&ecirc;me pr&eacute;tendre &agrave; un peu de mis&eacute;ricorde voire &agrave; l&rsquo;absolution compl&egrave;te selon les cas (comme nous le verrons plus loin avec le&nbsp;<em>David et Goliath&nbsp;</em>Borghese). C&rsquo;est une id&eacute;e ch&egrave;re &agrave; Caravage, lui qui s&rsquo;est rendu plusieurs fois coupable de violences, d&rsquo;insultes, de non-respect de la loi en vigueur, lui qui fut enferm&eacute; plusieurs fois dans la prison de Tor di Nona. Finalement, ce coupable c&rsquo;est une part de lui-m&ecirc;me et la Judith tout aur&eacute;ol&eacute;e de gr&acirc;ce, de bont&eacute;, ce n&rsquo;est ni plus ni moins que l&rsquo;Eglise romaine qu&rsquo;il courtise. Ainsi, &agrave; travers sa Judith, il invite l&rsquo;Eglise &agrave; &eacute;prouver de la compassion pour le coupable, &agrave; envisager de renoncer &agrave; un ch&acirc;timent irr&eacute;versible et &agrave; appliquer les principes de la religion chr&eacute;tienne&nbsp;: accorder le pardon (ce qui en pleine p&eacute;riode post-tridentine et dans un contexte &eacute;tabli de Contre-R&eacute;forme ne devait pas &ecirc;tre une mince affaire). </span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans la&nbsp;<em>Judith et Holopherne</em>&nbsp;deux sentiments semblent donc s&rsquo;opposer&nbsp;: celui de la servante et celui de Judith, car &laquo;&nbsp;c&rsquo;est [&hellip;] une p&eacute;riode o&ugrave; l&rsquo;artiste se serait passionn&eacute; pour l&rsquo;&eacute;tude des contrastes dramatiques violents.&nbsp;&raquo; (Berne Joffroy, 1999, p.&nbsp; 335). La premi&egrave;re repr&eacute;sente le c&ocirc;t&eacute; voyeur, profiteur, agressif, acharn&eacute; et avide de l&rsquo;&ecirc;tre humain, l&rsquo;autre illustre la candeur (m&ecirc;me la peau de Judith est blanche par rapport &agrave; celle de la servante, beaucoup plus teint&eacute;e et tann&eacute;e par le soleil), la cl&eacute;mence (m&ecirc;me si c&rsquo;est elle le bourreau), presque le repentir, on a l&rsquo;impression qu&rsquo;elle est forc&eacute;e par son destin &agrave; r&eacute;aliser cet acte de cruaut&eacute; mais qu&rsquo;une part d&rsquo;elle-m&ecirc;me se refuse &agrave; l&rsquo;accomplir. Nous pouvons presque parler d&rsquo;empathie ici, mais le terme de mis&eacute;ricorde ou de commis&eacute;ration semble plus adapt&eacute;, en tout cas en ce qui concerne le sentiment que Judith exprime physiquement. Elle se sent coupable et en m&ecirc;me temps salvatrice, son &eacute;tat d&rsquo;esprit oscille entre assurance et doute, entre d&eacute;termination et d&eacute;go&ucirc;t. Quoiqu&rsquo;il en soit, le pardon li&eacute; &agrave; la mis&eacute;ricorde que nous &eacute;voquions plus haut, semble bien s&rsquo;&ecirc;tre invit&eacute; dans cette sc&egrave;ne o&ugrave; normalement il n&rsquo;avait rien &agrave; faire. Ainsi, et ce pour la premi&egrave;re fois dans un tableau de Caravage, le sentiment empathique semble timidement appara&icirc;tre et nous permet d&rsquo;&eacute;tablir une base d&rsquo;&eacute;tude. Rappelons qu&rsquo;&agrave; cette &eacute;poque le peintre s&rsquo;&eacute;tait d&eacute;j&agrave; rendu coupable de plusieurs d&eacute;lits dont les complications avaient &eacute;t&eacute; &eacute;vit&eacute;es par le cardinal del Monte. Il commence donc &agrave; comprendre que lui aussi peut trouver un certain profit &agrave; susciter l&rsquo;empathie autour de lui.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le&nbsp;<em>Martyre de saint Matthieu&nbsp;</em>dans la chapelle Contarelli en 1600 &ndash; Le premier chef-d&rsquo;&oelig;uvre dont la cl&eacute; est l&rsquo;empathie</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">En 1599, par l&rsquo;entremise du cardinal, Caravage obtient la commande de la d&eacute;coration de la Chapelle Cointrel (Contarelli en italien) dans l&rsquo;&eacute;glise de Saint-Louis-des-Fran&ccedil;ais. Les trois tableaux doivent &ecirc;tre termin&eacute;s et install&eacute;s pour le jubil&eacute; de l&rsquo;ann&eacute;e 1600. Le peintre y travaille sans rel&acirc;che et change parfois radicalement ses compositions. Il va livrer en temps et en heure, la&nbsp;<em>Vocation de saint Matthieu</em>&nbsp;puis le&nbsp;<em>Martyre de saint Matthieu</em>&nbsp;et c&rsquo;est ce dernier qui va lui poser le plus de probl&egrave;mes car m&ecirc;me si le contrat est clair et &eacute;voque d&eacute;j&agrave; un certain <em>pathos</em>, il peine &agrave; trouver sa composition&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">[un] long et vaste lieu, plus ou moins en forme de temple et, dans la partie sup&eacute;rieure, l&rsquo;autel isol&eacute;, sur&eacute;lev&eacute; de 3,4 ou 5 marches, sur lequel saint Matthieu, en habit liturgique, c&eacute;l&egrave;bre la messe. Il faut qu&rsquo;il soit tu&eacute; par quelques soldats, et il serait plus subtil de le repr&eacute;senter au moment o&ugrave; on le tue, ayant d&eacute;j&agrave; re&ccedil;u quelques blessures, et qu&rsquo;il soit d&eacute;j&agrave; tomb&eacute; ou en train de tomber, mais pas encore mort. Et dans ce temple il devrait y avoir un grand nombre d&rsquo;hommes et de femmes de toute sorte, des vieux, des jeunes et des enfants, priant pour la plupart, et v&ecirc;tus selon leur statut et rang de noblesse, sur des bancs, des tapis et autres mobiliers et pour la plupart effray&eacute;s par l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, suscitant le m&eacute;pris chez certains et la compassion chez les autres.&nbsp;(Puglisi, 2007, p.&nbsp; 154)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img height="371" src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_caravage5.jpg" width="394" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Figure&nbsp;5&nbsp;- <em>Martyre de saint Matthieu&nbsp;</em>(1600)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Il reprend plusieurs fois la disposition des personnages (comme le montrent les radiographies) et opte finalement pour une repr&eacute;sentation du saint au centre de l&rsquo;image, jet&eacute; au sol avec le bourreau juste au-dessus de lui brandissant son &eacute;p&eacute;e, pr&ecirc;t &agrave; frapper une deuxi&egrave;me fois pour accomplir sa mission (le sang coulant discr&egrave;tement sur l&rsquo;aube blanche laisse penser qu&rsquo;il a d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; touch&eacute; une premi&egrave;re fois). Cette fois-ci l&rsquo;intention devient plus palpable, le bourreau tient fermement la main du saint qui cherche &agrave; reprendre ses appuis prenant ainsi une pose proche de celle d&rsquo;un crucifi&eacute;. Autour, les r&eacute;actions sont d&rsquo;une vari&eacute;t&eacute; &eacute;tonnante pour un tableau de cette taille. Tout se m&eacute;lange, ce qui cr&eacute;e un peu la m&ecirc;me confusion que lorsque l&rsquo;on regarde la&nbsp;<em>C&egrave;ne</em>&nbsp;de L&eacute;onard de Vinci, mais comme si tout &eacute;tait plus nerveux, plus exacerb&eacute;, plus d&eacute;mesur&eacute;. En effet, nous sommes d&rsquo;abord attir&eacute;s par les deux&nbsp;<em>ignudi&nbsp;</em>du premier plan qui sont tellement d&eacute;tach&eacute;s par rapport &agrave; l&rsquo;horreur qui se d&eacute;roule qu&rsquo;on a l&rsquo;impression qu&rsquo;ils sont ext&eacute;rieurs au tableau. Ils s&rsquo;opposent aux autres personnages qui sont totalement agit&eacute;s comme le jeune homme barbu compl&egrave;tement terroris&eacute; qui fait face au saint et l&egrave;ve les mains en &eacute;cartant les doigts. Dans cette &oelig;uvre l&rsquo;empathie appara&icirc;t comme une cl&eacute; de lecture essentielle. Rappelons encore une fois que nous sommes dans un contexte de Contre-R&eacute;forme et les artistes avaient re&ccedil;u pour instruction, lors du Concile de Trente, de repr&eacute;senter les supplices et les tortures avec le plus de v&eacute;racit&eacute;, voire d&rsquo;exag&eacute;ration possible, de mani&egrave;re &agrave; exacerber l&rsquo;admiration et la d&eacute;votion des fid&egrave;les. C&rsquo;est ce qu&rsquo;exprime le cardinal Gabriele Paleotti dans son&nbsp;<em>De Imaginibus sacris</em>&nbsp;en 1594&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Sentire narrare il martirio di un santo, lo zelo e la costanza di una vergine, la stessa passione di Cristo, sono cose che sicuramente ci toccano nel vivo, ma se il santo martirizzato, la vergine che soffre e il Cristo inchiodato ci vengono posti sotto gli occhi, la nostra devozione non pu&ograve; che aumentare e penetrare nel profondo, e chi non prova queste sensazioni &egrave; totalmente privo di sensibilit&agrave;.&nbsp;</span><a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span style="color:#000099;">[2]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;(Paleotti, [1594] 2002, p. 79)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ainsi, d&eacute;veloppe le couple Hagen, les images doivent &ecirc;tre marquantes et sans compromis par rapport &agrave; la cruaut&eacute; des souffrances inflig&eacute;es&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Il ne faut pas craindre, &eacute;crivait en 1594 le cardinal Paleotti dans&nbsp;<em>De Imaginibus Sacris</em>, de peindre les supplices des chr&eacute;tiens dans toute leur horreur, les roues, les grils, les chevalets, les croix. L&rsquo;Eglise veut, de la sorte, glorifier le courage des martyrs mais elle veut aussi enflammer l&rsquo;&acirc;me de ses fils.&nbsp;(Hagen Rose-Marie et Rainer, 1996, p. 88)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;Il serait d&rsquo;ailleurs int&eacute;ressant, en travail compl&eacute;mentaire &agrave; celui-ci, de se concentrer sur l&rsquo;explosion des repr&eacute;sentations faisant intervenir un pathos paroxystique. Voyons donc maintenant les diff&eacute;rents groupes de figures et leur r&ocirc;le dans le d&eacute;clenchement de ce v&eacute;ritable tourbillon de sentiments qui habite la toile.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Nous avons commenc&eacute; par citer les deux jeunes hommes presque nus devant les fonts baptismaux. Dire qu&rsquo;ils sont indiff&eacute;rents serait un euph&eacute;misme. Celui au premier plan semble se redresser pour r&eacute;tablir son assise, il tourne la t&ecirc;te vers la sc&egrave;ne un peu comme s&rsquo;il &eacute;tait &eacute;tonn&eacute;, tandis que le deuxi&egrave;me gar&ccedil;on, juste derri&egrave;re lui, est p&eacute;niblement avachi, immobile et regarde l&rsquo;action comme s&rsquo;il &eacute;tait totalement blas&eacute;, on pourrait presque l&rsquo;entendre soupirer. Ceci est assez incroyable car un homme, un saint, est en train d&rsquo;&ecirc;tre mis &agrave; mort &agrave; moins d&rsquo;un m&egrave;tre d&rsquo;eux&nbsp;! La fonction de ces personnages n&rsquo;est pas vraiment claire dans ce tableau&nbsp;: s&rsquo;ils allaient se faire baptiser, ils devraient &ecirc;tre plus impliqu&eacute;s dans le drame et s&rsquo;ils ne sont que spectateurs, pourquoi sont-ils &agrave; moiti&eacute; nus&nbsp;? Comment font-ils pour garder leur calme devant cette horreur&nbsp;? Accompagnent-ils le bourreau&nbsp;? Dans ce cas, pourquoi ne sont-ils pas eux aussi debout et dans l&rsquo;action&nbsp;? Ce qui est s&ucirc;r, c&rsquo;est qu&rsquo;ils contrebalancent l&rsquo;agitation des autres personnages, ils apparaissent quasiment comme des rep&egrave;res neutres, une sorte de degr&eacute; z&eacute;ro du sentiment&nbsp;: ils ne sont ni pour, ni contre, ni touch&eacute;s, ni indiff&eacute;rents, ni joyeux, ni tristes, ce sont des points de rep&egrave;re qui se caract&eacute;risent tout de m&ecirc;me par la plus compl&egrave;te impassibilit&eacute; (en tout cas vu de l&rsquo;ext&eacute;rieur).</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Les autres personnages humains sont tous dans une confusion extr&ecirc;me, l&rsquo;empathie est v&eacute;cue &agrave; son paroxysme. Il n&rsquo;est plus question d&rsquo;une simple piti&eacute; dans laquelle ils seraient soulag&eacute;s de ne pas subir le ch&acirc;timent auquel ils assistent, au contraire, chacun d&rsquo;eux ressent et exprime la douleur qu&rsquo;il &eacute;prouve &agrave; la vue du vieil homme jet&eacute; &agrave; terre. Certains vont m&ecirc;me jusqu&rsquo;&agrave; reproduire, refl&eacute;ter le geste du saint comme le jeune homme &agrave; la barbiche que l&rsquo;on voit presque au premier plan sur la gauche&nbsp;: il l&egrave;ve les mains et, de mani&egrave;re plus condens&eacute;e, reproduit les bras en croix de Matthieu. Les autres, tant&ocirc;t s&rsquo;enfuient, tant&ocirc;t observent sid&eacute;r&eacute;s le martyre. Le jeune enfant de ch&oelig;ur sur la droite (dans une citation du&nbsp;<em>Martyre de saint Pierre de V&eacute;rone</em>&nbsp;du Titien, autrefois dans l&rsquo;&eacute;glise San Zanipolo de Venise) pousse un cri qui d&eacute;chire le silence de la chapelle et contribue &agrave; transporter l&rsquo;&eacute;motion vive et puissante des personnages de la toile aux spectateurs calmes et muets de l&rsquo;&eacute;glise. C&rsquo;est certainement une des figures les plus marquantes de cette &oelig;uvre. Par ailleurs, il est int&eacute;ressant de noter que tous les personnages du tableau sont en d&eacute;s&eacute;quilibre, ils sont instables. Aucun ne tient sur ses jambes de mani&egrave;re affirm&eacute;e et d&eacute;termin&eacute;e, jusqu&rsquo;au bourreau qui est dans une torsion forc&eacute;e, presque mani&eacute;riste. M&ecirc;me l&rsquo;ange sur son nuage est oblig&eacute; de tendre une de ses jambes pour rester droit et ne pas tomber. Les personnages de gauche sont sur le point de tomber, le jeune enfant de ch&oelig;ur est pench&eacute; vers l&rsquo;avant et n&rsquo;inspire pas du tout la stabilit&eacute;, au contraire, il personnifie l&rsquo;effervescence et la perte de contr&ocirc;le. Tout ceci porte l&rsquo;empathie pr&eacute;sente au plus fort de son expression pour le spectateur qui ne peut rester insensible devant tant d&rsquo;agitation, tant de d&eacute;s&eacute;quilibre, comme si eux (nous) &eacute;taient sur le point de tomber, de perdre la gr&acirc;ce divine, de glisser dans les t&eacute;n&egrave;bres.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img height="211" src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_caravage6.jpg" width="155" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Figure 6. <em>Martyre de Saint-Mathieu</em> (1600, d&eacute;tail de l&rsquo;autoportrait)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Seul un personnage d&eacute;passe tout cela. Paradoxalement on ne le voit quasiment pas. Cet homme dont la t&ecirc;te pench&eacute;e &eacute;voque la plus profonde m&eacute;lancolie, dont le menton pliss&eacute; derri&egrave;re sa barbe et les yeux mi-clos indiquent l&rsquo;imminence du sanglot, dont le regard est fixe, stable, tout comme sa position. C&rsquo;est Caravage lui-m&ecirc;me. Il s&rsquo;agit l&agrave; du premier autoportrait en situation et c&rsquo;est un portrait compatissant. Il ne se borne pas &agrave; regarder furtivement la sc&egrave;ne, il l&rsquo;observe. Il ne court pas, ne bouge pas, semble presque fich&eacute; dans le sol comme le pilier &agrave; c&ocirc;t&eacute; de lui. Seule sa t&ecirc;te &eacute;merge du chaos ambiant, au fond de la sc&egrave;ne. Nous avons utilis&eacute; le mot &laquo;&nbsp;compatissant&nbsp;&raquo; car c&rsquo;est de compassion qu&rsquo;il s&rsquo;agit ici. Le peintre d&eacute;ploie ce sentiment par des tr&eacute;sors d&rsquo;inventivit&eacute; th&eacute;matique, ce ne sont pas seulement les traits de son visage qui le traduisent, c&rsquo;est aussi son emplacement dans la sc&egrave;ne, son insertion par rapport aux autres personnages, sa stabilit&eacute; &eacute;tablie face au d&eacute;s&eacute;quilibre g&eacute;n&eacute;ral. Nous pouvons parler de compassion ici encore plus que d&rsquo;une simple empathie car non seulement il ressent et accompagne la douleur du saint mais il se transcende pour trouver un moyen de lui venir en aide, de le soutenir, de l&rsquo;aider. Matthieu voulait porter la bonne parole, baptiser de nouveaux chr&eacute;tiens&nbsp;? Caravage va porter cette mission. Son tableau, dont la renomm&eacute;e d&eacute;passa tout de suite celle d&rsquo;un simple tableau d&rsquo;autel (on faisait la queue pour venir l&rsquo;admirer) va continuer &agrave; montrer ce que le saint a subi pour aller jusqu&rsquo;au bout de ses id&eacute;es, de sa foi. Ce tableau est presque un appel &agrave; la m&eacute;ditation, &agrave; la pri&egrave;re et Caravage (physiquement dans le tableau mais aussi devant le tableau) se pose en trait d&rsquo;union entre le chaos menant &agrave; la mort que l&rsquo;on voit sous nos yeux et le chaos pouvant mener &agrave; la chute des catholiques face &agrave; l&rsquo;h&eacute;r&eacute;sie protestante. Ce tableau, en dehors de ses qualit&eacute;s techniques, notamment dans le clair-obscur, n&rsquo;existe que par l&rsquo;empathie et la compassion qui luttent face &agrave; la cruaut&eacute; et &agrave; la violence &ndash; une sorte de message, de le&ccedil;on d&rsquo;amour destin&eacute;e aux fid&egrave;les.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Au d&eacute;but des ann&eacute;es 1600, la pr&eacute;sence de l&rsquo;empathie chez Caravage est assez irr&eacute;guli&egrave;re, dans le sens o&ugrave; elle appara&icirc;t parfois de mani&egrave;re subtile et puissante et d&rsquo;autres fois o&ugrave; elle semble presque artificielle ou surfaite. Dans le&nbsp;<em>Sacrifice d&rsquo;Isaac</em>&nbsp;de 1602, Caravage introduit, ou plut&ocirc;t r&eacute;introduit, un th&egrave;me particulier, celui du regard directement orient&eacute; vers le spectateur (d&eacute;j&agrave; utilis&eacute; dans certains portraits comme le&nbsp;<em>Petit Bacchus malade</em>, le&nbsp;<em>Gar&ccedil;on &agrave; la corbeille de fruits</em>, le&nbsp;<em>Joueur de luth</em>&nbsp;ou encore dans des tableaux &agrave; personnages multiples comme le&nbsp;<em>Concert de jeunes gens</em>). Ici, c&rsquo;est bel et bien la recherche de l&rsquo;empathie qui est mise en avant, seulement cette fois-ci la personne vis&eacute;e n&rsquo;est plus fictive, il s&rsquo;agit clairement d&rsquo;un &ecirc;tre r&eacute;el et pas seulement fig&eacute; dans un tableau : le spectateur. Le sentiment ressenti par ce dernier est clairement la compassion, le peintre fait appel &agrave; l&rsquo;&oelig;il qui regarde mais surtout au c&oelig;ur, sans cela l&rsquo;&oelig;uvre n&rsquo;existerait pas. Caravage opte encore une fois pour une repr&eacute;sentation puissante symbolis&eacute;e par la lourde et robuste main du patriarche qui &eacute;crase quasiment la t&ecirc;te de son fils sur le billot et par ce pouce qui s&rsquo;enfonce dans la chair de la joue. On comprend imm&eacute;diatement qu&rsquo;Isaac ne peut pas s&rsquo;en sortir sans la mis&eacute;ricorde de Dieu mais qu&rsquo;&agrave; la diff&eacute;rence de son p&egrave;re il n&rsquo;est pas r&eacute;solu devant la mort.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img height="281" src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_caravage7.jpg" width="364" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Figure&nbsp;7&nbsp;- <em>Sacrifice d&#39;Isaac&nbsp;</em>(1601-02)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Caravage nous interroge sur le sens m&ecirc;me du sacrifice et ainsi emm&egrave;ne le spectateur dans le tableau par la compassion qu&rsquo;il &eacute;prouve pour l&rsquo;enfant qui semble l&#39;appeler &agrave; l&rsquo;aide. Ce cri et ce regard dirig&eacute;s vers le spectateur le forcent quasiment &agrave; r&eacute;agir, on ne peut pas rester sans &eacute;prouver au minimum de l&rsquo;empathie et au mieux de la compassion, l&rsquo;envie de venir en aide ; le sentiment &eacute;prouv&eacute; est donc le lien entre le monde pictural et le monde r&eacute;el. Mais la compassion suscit&eacute;e trouve malgr&eacute; tout une r&eacute;ponse&nbsp;: celle de l&rsquo;ange. Il est la main de Dieu et v&eacute;hicule le message divin (<em>ἄ&gamma;&gamma;&epsilon;&lambda;&omicron;&sigmaf;/Aggelo</em>s&nbsp;en grec signifie justement messager) et ce message est celui de la mis&eacute;ricorde c&eacute;leste qui d&eacute;montre sa satisfaction devant le geste qu&rsquo;Abraham &eacute;tait pr&ecirc;t &agrave; accomplir. Nous avons parl&eacute; du cri et du regard, mais l&rsquo;empathie et la compassion sont mises en sc&egrave;ne par d&rsquo;autres moyens&nbsp;: le jeu des mains, les regards et les lignes de forces. En effet, les mains traduisent parfaitement le jeu d&rsquo;action/r&eacute;action/&eacute;motion qui se trame ici&nbsp;: la main gauche d&rsquo;Abraham repr&eacute;sente la puissance physique, l&rsquo;action pure. Sa main droite est habilement li&eacute;e &agrave; la main de l&rsquo;ange qui l&rsquo;arr&ecirc;te, cet ensemble symbolise la volont&eacute; de Dieu&nbsp;: l&rsquo;action humaine stopp&eacute;e par l&rsquo;action divine. Enfin la main de l&rsquo;ange qui montre le b&eacute;lier apporte la solution au sacrifice. Il est int&eacute;ressant de constater que nous ne voyons aucunement les mains d&rsquo;Isaac et ceci est parfaitement normal car il est incapable d&rsquo;agir. Ainsi le jeu des mains vient s&rsquo;ajouter au cri et au regard dans la mani&egrave;re avec laquelle Caravage r&eacute;ussit &agrave; transmettre le sentiment&nbsp;; tous ces &eacute;l&eacute;ments sont clairement mis en &eacute;vidence par la ligne de force diagonale port&eacute;e par la lumi&egrave;re et qui part de l&rsquo;&eacute;paule de l&rsquo;ange, descendant en droite ligne jusqu&rsquo;au visage d&rsquo;Isaac&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La force inou&iuml;e de la composition r&eacute;side essentiellement dans l&rsquo;encha&icirc;nement des gestes et les &eacute;changes de regards. La sombre d&eacute;termination du patriarche qui se retourne, tout &eacute;tonn&eacute;, vers l&rsquo;ange, comme la protestation empreinte de panique d&rsquo;Isaac, constituent ind&eacute;niablement une innovation de la part de Caravage [&hellip;]. Dans le contexte militant de la Contre-R&eacute;forme, de nombreux trait&eacute;s tent&egrave;rent de r&eacute;agir &agrave; la position protestante en s&rsquo;appuyant pr&eacute;cis&eacute;ment sur cet &eacute;pisode de la Gen&egrave;se&nbsp;: le patriarche t&eacute;moignait de sa confiance aveugle dans les desseins de Dieu et Isaac, humanis&eacute; par sa r&eacute;action, devenait le symbole d&rsquo;une humanit&eacute; souffrante et d&eacute;chue en attente de son sauveur symbolis&eacute; ici par le b&eacute;lier.&nbsp;(Hilaire, 2012, p.&nbsp;72-74)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Nous d&eacute;couvrons au fur et &agrave; mesure de notre travail les diverses ressources symboliques et techniques que le peintre utilise pour faire passer ses messages. Il appara&icirc;t maintenant &eacute;vident que plusieurs tableaux dans cette p&eacute;riode du d&eacute;but des ann&eacute;es 1600 font intervenir une certaine empathie, seulement nous pouvons aussi constater que, jusqu&rsquo;alors, cette empathie ne se manifeste pas avec une grande r&eacute;gularit&eacute;. En effet, si des toiles telles que le&nbsp;<em>Martyre de saint Matthieu</em>&nbsp;ou le&nbsp;<em>Sacrifice d&rsquo;Isaac</em>&nbsp;sont de bons exemples, plusieurs autres n&rsquo;ont pas le m&ecirc;me impact, comme la&nbsp;<em>Vocation de saint Paul</em> (les deux versions) de la chapelle Cerasi, <em>la&nbsp;Mise au tombeau</em>&nbsp;ou encore le&nbsp;<em>Baiser de Judas</em>,&nbsp;car les gestes et les intentions sont parfois trop marqu&eacute;s voire artificiels ou exag&eacute;r&eacute;s. Ainsi, le mouvement des bras de Marie-Madeleine dans la&nbsp;<em>Mise au tombeau</em>, ou encore celui du personnage de gauche qui s&rsquo;enfuit en criant dans le&nbsp;<em>Baiser de Judas</em>&nbsp;exprime avec certitude une agitation, une r&eacute;action mais leur c&ocirc;t&eacute; trop codifi&eacute; ne d&eacute;clenche pas avec autant de force que dans les tableaux &eacute;tudi&eacute;s plus haut le sentiment d&rsquo;empathie. On est certes surpris, choqu&eacute;, interpell&eacute; par l&rsquo;ensemble de ces gestes et regards qui s&#39;entrecroisent, mais l&rsquo;importance de l&rsquo;empathie s&rsquo;en trouve amoindrie. Ce qui est remarquable c&rsquo;est qu&rsquo;il en est de m&ecirc;me dans la vie de l&rsquo;artiste&nbsp;: il est tant&ocirc;t adul&eacute;, lou&eacute;, reconnu, tant&ocirc;t moqu&eacute;, rejet&eacute; ou m&ecirc;me arr&ecirc;t&eacute;. A cette &eacute;poque-l&agrave; le nom de Merisi appara&icirc;t r&eacute;guli&egrave;rement dans les registres des autorit&eacute;s ou celui des prisons. Par exemple, on sait que le 28 novembre 1600, il pourchasse et attaque &agrave; coups de b&acirc;ton un certain Girolamo Stampa da Montepulciano&nbsp;; en 1603 il est jug&eacute; pour propos diffamatoires &agrave; l&rsquo;encontre de son rival Giovani Baglione&nbsp;; entre mai et octobre 1604 il est arr&ecirc;t&eacute; &agrave; plusieurs reprises pour port d&rsquo;arme ill&eacute;gal (seul les nobles pouvait porter l&rsquo;&eacute;p&eacute;e)&nbsp;; la m&ecirc;me ann&eacute;e il est arr&ecirc;t&eacute; pour avoir jet&eacute; un plat d&rsquo;artichauts au visage d&rsquo;un serveur&nbsp;; en 1605 il doit fuir plusieurs semaines &agrave; G&ecirc;nes apr&egrave;s avoir gri&egrave;vement bless&eacute; un notaire de la capitale, un certain Mariano Pasqualone da Accumuli. Ainsi l&rsquo;empathie tient une place particuli&egrave;re dans la vie de Caravage &agrave; cette p&eacute;riode. Il sait qu&rsquo;il a besoin de susciter le sentiment chez ses protecteurs pour que ceux-ci puissent lui venir en aide au moment voulu, mais son imp&eacute;tuosit&eacute; le pousse &agrave; se sentir quasiment hors d&rsquo;atteinte de toutes accusations presque comme s&rsquo;il &eacute;tait au-dessus des lois. N&eacute;anmoins, cela ne va pas durer.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">1606 &ndash; L&rsquo;ann&eacute;e d&eacute;cisive, le d&eacute;but de la fin</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Caravage ne semble pas vraiment avoir le profil de l&rsquo;empathe (personne qui ressent avec force les sentiments des autres) tout du moins pas dans cette p&eacute;riode mais on peut se demander si le terrain de son caract&egrave;re n&rsquo;est pas fertile et s&rsquo;il ne cache pas derri&egrave;re ses violences et son insubordination, une hypersensibilit&eacute;.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Quoiqu&rsquo;il en soit, le 28 mai 1606 l&rsquo;irr&eacute;parable se produit. Lors d&rsquo;une partie de jeu de paume &acirc;prement disput&eacute;e et pour un motif incertain (dettes, jeux, amours), Caravage sort son &eacute;p&eacute;e et blesse mortellement son adversaire Ranuccio Tommassoni da Terni qui d&eacute;c&eacute;dera le lendemain. D&egrave;s lors le peintre est condamn&eacute; &agrave; mort et quiconque le croisera dans Rome pourra ex&eacute;cuter la sentence sans justification. Mais ce qui nous int&eacute;resse ce sont les tableaux et, en 1606, Caravage essuie un cuisant refus pour l&rsquo;un d&rsquo;eux&nbsp;: la&nbsp;<em>Mort de la Vierge</em>.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img height="267" src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_caravage8.jpg" width="178" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Figure&nbsp;8&nbsp;- <em>Mort de la Vierge&nbsp;</em>(1606)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ce tableau est particuli&egrave;rement repr&eacute;sentatif de la peinture de Caravage &agrave; cette &eacute;poque. La Vierge est &eacute;tendue sur une table trop courte et ses pieds nus pendent dans le vide. Les douze ap&ocirc;tres qui sont r&eacute;unis autour du corps pleurent la mort de Marie dans un lieu qui ressemble &agrave; un hospice insalubre tel que l&rsquo;on pouvait en trouver &agrave; Rome. Un long rideau rouge court dans le tiers sup&eacute;rieur de l&rsquo;&oelig;uvre alors qu&rsquo;une femme est assise en train de pleurer au premier plan. Cette &oelig;uvre est refus&eacute;e par le commanditaire Laerzio Cherubini ainsi que par les moines de l&rsquo;&eacute;glise de Santa Maria della Scala in Trastevere, qui la jugent obsc&egrave;ne et anticonformiste. Cependant, le tableau sera lou&eacute; par de nombreux artistes et Rubens, qui l&rsquo;avait achet&eacute; pour le compte du duc de Mantoue, devra l&rsquo;exposer plusieurs jours dans sa r&eacute;sidence priv&eacute;e avant de le transf&eacute;rer. Pour notre &eacute;tude ce tableau &eacute;tablit d&eacute;finitivement les pr&eacute;occupations de Caravage, sa mani&egrave;re de concevoir ses &oelig;uvres et donc le caract&egrave;re empathique. Ce que le peintre repr&eacute;sente ici est aux antipodes de ce qu&rsquo;il se faisait sur le sujet. Si l&rsquo;on regarde l&rsquo;<em>Assomption de la Vierge</em>&nbsp;du Titien ou encore la&nbsp;<em>Dormition de la Vierge&nbsp;</em>de Mantegna, pour ne citer que des exemples ayant connu une grande fortune, nous pouvons constater que les lumi&egrave;res sont vives, les couleurs chatoyantes, les s&eacute;parations entre les mondes terrestres et spirituels respect&eacute;es. Chez Caravage, la Vierge semble &ecirc;tre morte de fa&ccedil;on soudaine, son corps est l&eacute;g&egrave;rement gonfl&eacute; (certains sp&eacute;cialistes pensent que le mod&egrave;le utilis&eacute; fut celui d&rsquo;une prostitu&eacute;e morte noy&eacute;e dans le Tibre) alors que selon la tradition catholique il n&rsquo;en est rien&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Trois jours avant son d&eacute;part d&eacute;finitif, Marie re&ccedil;oit la visite du grand ange qui n&rsquo;est autre que Saint Michel. L&rsquo;envoy&eacute; de Dieu lui annonce que ce laps de temps &eacute;coul&eacute;, &laquo;&nbsp;elle d&eacute;poserait son corps&nbsp;&raquo;. Il lui remet &eacute;galement une branche cueillie sur un palmier du paradis gage de l&rsquo;amiti&eacute; de Dieu, gage aussi de s&eacute;curit&eacute; et de salut. &laquo;&nbsp;Cette branche, lui recommande le messager c&eacute;leste, confie-la aux ap&ocirc;tres pour qu&rsquo;ils la portent devant toi (pendant le parcours du cort&egrave;ge fun&egrave;bre) en chantant des hymnes&nbsp;&raquo;. Il lui apprend que les ap&ocirc;tres r&eacute;unis autour d&rsquo;elle avant sa mort pourvoiront &agrave; sa s&eacute;pulture. Enfin il lui r&eacute;v&egrave;le que les trois jours &eacute;coul&eacute;s il reviendra mais non pas seul. Dieu lui-m&ecirc;me descendra aupr&egrave;s d&rsquo;elle, escort&eacute; de toutes les arm&eacute;es ang&eacute;liques qui chanteront en sa pr&eacute;sence. &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;elle prenne soin, insiste-t-il une nouvelle fois, de garder pr&eacute;cieusement la branche de palmier. (Duhr, 1950, p.&nbsp;136)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ce n&rsquo;est donc pas une mort &agrave; proprement parler. Pour les catholiques il est question d&rsquo;une assomption corps et &acirc;me de la Vierge vers le paradis, pour les orthodoxes il s&rsquo;agit d&rsquo;une dormition. Cela &eacute;tant dit on comprendra tout de suite ce qui put choquer lorsque Caravage proposa son interpr&eacute;tation. Ce n&rsquo;est ni une assomption, ni une dormition&nbsp;: c&rsquo;est la mort mis&eacute;rable d&rsquo;une femme du peuple. C&rsquo;est cela que le peintre va mettre en avant et c&rsquo;est cela qui va susciter non pas la d&eacute;votion mais l&rsquo;empathie du spectateur, car tous les &eacute;l&eacute;ments de l&rsquo;&oelig;uvre vont aller dans ce sens&nbsp;: le bassin qui tra&icirc;ne au premier plan, la chaise trop petite sur laquelle est assise Marie-Madeleine, la civi&egrave;re trop courte dont les pieds semblent avoir disparu, l&rsquo;arri&egrave;re-plan obscur, le grand rideau rouge qui s&rsquo;entortille au plafond et surtout la d&eacute;tresse extr&ecirc;me de ces hommes qui viennent de perdre une proche et non pas de gagner une&nbsp;<em>Regina Caeli</em>. Caravage dans ce tableau ne parle pas aux instances religieuses, il parle aux fid&egrave;les, aux hommes et aux femmes qui, dans cette p&eacute;riode mouvement&eacute;e o&ugrave; la mort est omnipr&eacute;sente, se rendent &agrave; l&rsquo;&eacute;glise et prient pour leur salut. Il ram&egrave;ne le divin sur terre. La Vierge n&rsquo;est pas une entit&eacute; extatique et intouchable, c&rsquo;est une femme du peuple, modeste et charitable et l&rsquo;artiste veut sinc&egrave;rement exacerber la d&eacute;votion mais &agrave; travers l&rsquo;empathie la plus totale et pour cela il doit trouver le moyen de toucher le c&oelig;ur du peuple et pas simplement respecter un protocole &eacute;tabli de symboles attach&eacute;s &agrave; Marie. Voil&agrave; un point que nous pressentions jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent mais qui est d&eacute;sormais clairement &eacute;tabli, Caravage peint un monde qui ressemble trait pour trait &agrave; celui dans lequel le peuple vit, c&rsquo;est ce qui va faire la puissance d&rsquo;expression de ses &oelig;uvres&nbsp;: le divin descend sur terre et l&rsquo;humain se hisse au rang de divinit&eacute;. Dans la&nbsp;<em>Mort de la Vierge</em>&nbsp;c&rsquo;est encore une fois l&rsquo;empathie du spectateur qui va permettre de d&eacute;passer le syst&egrave;me codifi&eacute; de repr&eacute;sentation de Marie pour acc&eacute;der au sentiment v&eacute;ritable, &agrave; la compassion et, par r&eacute;percussion directe, &agrave; la d&eacute;votion et &agrave; la pi&eacute;t&eacute; la plus profonde et la plus sinc&egrave;re.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">1606-1609&nbsp;: L&rsquo;espoir et la qu&ecirc;te de Salut, la souffrance des autres et la souffrance de soi</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&Agrave; partir de 1606 les choses vont s&rsquo;acc&eacute;l&eacute;rer pour Caravage. Si au d&eacute;but de sa carri&egrave;re il jouissait d&rsquo;une belle r&eacute;putation et que ses diff&eacute;rents m&eacute;c&egrave;nes &eacute;taient pr&ecirc;ts &agrave; le prot&eacute;ger de la justice, plus les ann&eacute;es avancent et plus les choses changent. Nous l&rsquo;avons vu, &agrave; partir de 1600, cette sensibilit&eacute; qu&rsquo;il a en lui mais qui ne s&rsquo;&eacute;tait gu&egrave;re exprim&eacute;e, commence &agrave; prendre forme. Au fur et &agrave; mesure que sa vie &eacute;volue, c&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo;il prend confiance en son statut de peintre reconnu, l&rsquo;iconographie de ces &oelig;uvres prend un nouvel essor. Dans le d&eacute;but des ann&eacute;es 1600 Caravage r&eacute;v&egrave;le un caract&egrave;re souvent bagarreur et certainement orgueilleux. Parall&egrave;lement, sa peinture s&rsquo;affirme et l&rsquo;empathie s&rsquo;invite plus r&eacute;guli&egrave;rement et plus efficacement. Il prend conscience qu&rsquo;avec son attitude il ne peut pas compter que sur lui-m&ecirc;me, il a besoin d&rsquo;appuis, peut-&ecirc;tre m&ecirc;me les cherche-t-il de mani&egrave;re plus ou moins inconsciente. Mais en 1606 sa vie va prendre une nouvelle tournure apr&egrave;s le meurtre de Tommassoni. Certes il b&eacute;n&eacute;ficie encore de solides soutiens, comme ceux de la famille Colonna avec qui il est li&eacute; depuis son enfance dans le village de Caravage pr&egrave;s de Milan, mais la condamnation &agrave; mort dont il est l&rsquo;objet commence r&eacute;ellement &agrave; l&rsquo;obs&eacute;der et, d&egrave;s lors, il n&rsquo;aura de cesse de retrouver une situation similaire &agrave; celle pr&eacute;c&eacute;dant son crime. Il va donc s&rsquo;efforcer par ses &oelig;uvres et par ses actes de retrouver une vie fructueuse. N&#39;oublions pas que la condamnation courait sur tout le territoire pontifical et qu&rsquo;au XVIIe si&egrave;cle celui-ci s&rsquo;&eacute;tendait de Florence jusqu&rsquo;au nord de Naples, recouvrant environ un tiers de l&rsquo;Italie. Cette qu&ecirc;te de salut, va se r&eacute;v&eacute;ler dans ses toiles et lui permettre de mettre en sc&egrave;ne de mani&egrave;re toujours plus accrue l&rsquo;empathie dont il esp&egrave;re &ecirc;tre l&rsquo;objet.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ainsi, lorsqu&rsquo;il fuit Rome, il passe par un des fiefs de la famille Colonna (peut-&ecirc;tre Zagarolo) puis gagne la ville de Naples (sous domination espagnole et donc en dehors de l&rsquo;influence du pape). La ville est alors en plein essor artistique mais n&#39;h&eacute;berge pas de ma&icirc;tre reconnu qui fasse briller son &eacute;tendard. Ainsi, sa r&eacute;putation d&rsquo;excellent peintre l&rsquo;ayant pr&eacute;c&eacute;d&eacute;, il re&ccedil;oit rapidement des commandes et, certainement par l&rsquo;entremise de Luigi Carafa-Colonna, il obtient la charge d&rsquo;un retable d&rsquo;autel pour la congr&eacute;gation du Pio Monte della Misericordia. Il est &agrave; noter ici qu&rsquo;il s&rsquo;agit du tableau pour lequel Caravage sera le mieux pay&eacute; de sa carri&egrave;re, soit 400 ducats. Cette toile conna&icirc;t un tel succ&egrave;s que la congr&eacute;gation du Pio Monte sp&eacute;cifie que l&rsquo;&oelig;uvre ne pourra jamais &ecirc;tre vendue et qu&rsquo;elle devra toujours &ecirc;tre conserv&eacute;e dans son lieu d&rsquo;origine. M&ecirc;me si le peintre est re&ccedil;u avec les honneurs et que, temporairement, il a un lieu o&ugrave; peindre &agrave; l&rsquo;abri des forces pontificales, le souvenir du meurtre le hante et ses sentiments tendent &agrave; changer. Il commence &agrave; se poser des questions sur son avenir.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img height="499" src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_caravage9.jpg" width="335" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Figure&nbsp;9&nbsp;- <em>Sept &oelig;uvres de mis&eacute;ricorde&nbsp;</em>(1607)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Les&nbsp;<em>Sept &oelig;uvres de mis&eacute;ricorde</em>&nbsp;d&eacute;gagent une empathie largement marqu&eacute;e, la toile toute enti&egrave;re est vou&eacute;e &agrave; exprimer et &agrave; susciter ce sentiment. Les &oelig;uvres dites &laquo;&nbsp;corporelles&nbsp;&raquo; ici pr&eacute;sentes, sont toutes soigneusement imbriqu&eacute;es les unes dans les autres.&nbsp;L&rsquo;ensemble respire une grande harmonie &agrave; tel point que l&rsquo;on pourrait avoir l&rsquo;impression de voir une sc&egrave;ne de genre, comme s&rsquo;il s&rsquo;agissait du clich&eacute; d&rsquo;une vieille ruelle de Naples avec un peuple affair&eacute; &agrave; ses besognes quotidiennes. Nous sommes ici dans une composition qui fait &eacute;cho au&nbsp;<em>Martyre de saint Matthieu&nbsp;</em>dans le sens o&ugrave; tous les personnages cohabitent dans une coh&eacute;rence soulign&eacute;e par une lumi&egrave;re qui vient les frapper avec vigueur et en m&ecirc;me temps, avec beaucoup de d&eacute;licatesse. Il n&rsquo;y a pas de centre, pas de personnage qui prend le dessus sur les autres, chacun a une place, un r&ocirc;le, une raison d&rsquo;&ecirc;tre. On ne peut mettre en doute le fait que Caravage porte ici un regard empreint d&rsquo;une affection certaine sur le peuple napolitain. Comme &agrave; son habitude, il choisit ses mod&egrave;les dans la rue ou dans les tavernes, il veut plus que tout &eacute;tablir un rapport direct avec le r&eacute;el, de mani&egrave;re &agrave; rendre son tableau vraisemblable &laquo;&nbsp;cette toile est tr&egrave;s repr&eacute;sentative de la volont&eacute; du peintre &agrave; figurer, avec r&eacute;alisme, la vie des &ecirc;tres humains, et de son ironie sarcastique habituelle. Il choisit de peindre des gens issus des classes modestes de la soci&eacute;t&eacute;, insistant sur la n&eacute;cessit&eacute; pour les gens du peuple de s&rsquo;entraider&nbsp;&raquo; (Witting et Patrizi, 2012, p. 87)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ce tableau condense &agrave; la fois ce qu&rsquo;on reproche alors &agrave; Caravage mais aussi ce qui fait son style et sa force. On dit de lui qu&rsquo;il ne sait pas distinguer le beau du laid. Il doit s&rsquo;agir l&agrave; de la r&eacute;flexion d&rsquo;un d&eacute;tracteur incapable de saisir que, dans une &oelig;uvre comme celle-ci, le peintre magnifie le peuple et ne se borne pas &agrave; un simple instantan&eacute; des habitants de la cit&eacute; parth&eacute;nop&eacute;enne. Il ne veut pas choisir un visage noble, doux, d&eacute;licat, il cherche le visage de celles ou de ceux qui ont v&eacute;cu les difficult&eacute;s et qui les vivent encore, les visages aux mille d&eacute;fauts, ceux qui contiennent le plus d&rsquo;expression, le plus de relief. Caravage n&rsquo;est pas un noble qui peint pour les nobles, c&rsquo;est un homme qui peint pour les hommes. Ses enseignements ne sont pas qu&rsquo;un simple cat&eacute;chisme, il s&rsquo;agit, au contraire, de le&ccedil;ons d&rsquo;une grande profondeur et d&rsquo;une grande humilit&eacute; dans la lign&eacute;e de celles de Filippo Neri. Oui, Caravage peint le laid mais c&rsquo;est pour mieux le valoriser et ce dans le but que les spectateurs, comme ceux des&nbsp;Sept &oelig;uvres de mis&eacute;ricorde, puissent s&rsquo;identifier, se reconna&icirc;tre et ainsi s&rsquo;ouvrir &agrave; la vraie mis&eacute;ricorde&nbsp;: &laquo;&nbsp;En d&eacute;pit de son caract&egrave;re asocial, Caravage &eacute;prouvait une authentique compassion pour le genre humain et sut exprimer, dans ses &oelig;uvres, son empathie pour ses semblables confront&eacute;s &agrave; la faim, &agrave; la soif, au froid, aux affres de la vieillesse, &agrave; la prison et &agrave; la mort&nbsp;&raquo; (Witting et Patrizi, 2012, p.&nbsp;82)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Il est essentiel, &agrave; ce stade, de comprendre une id&eacute;e fondamentale concernant Caravage&nbsp;: &agrave; travers l&rsquo;estropi&eacute; que l&rsquo;on voit en bas du tableau, l&rsquo;aubergiste bedonnant, la figuration de Samson qui boit dans sa m&acirc;choire d&rsquo;&acirc;ne, le p&egrave;lerin au visage burin&eacute;, le vieillard en prison et la jeune femme qui le nourrit, le peintre ne peint pas la r&eacute;alit&eacute; de Naples mais il peint&nbsp;sa&nbsp;r&eacute;alit&eacute; de Naples. S&rsquo;il est capable de repr&eacute;senter aussi justement les gens du peuple, d&rsquo;en saisir les plus infimes particularit&eacute;s, la plus profonde nature, c&rsquo;est parce qu&rsquo;il en fait lui-m&ecirc;me partie. Il ne reproduit pas un monde qu&rsquo;il observe, qu&rsquo;il regarde de l&rsquo;ext&eacute;rieur, il peint son monde, celui dans lequel il vit. C&rsquo;est son &acirc;me qui s&rsquo;invite dans les pigments, qui point dans les &eacute;clats de ses blancs discrets et qui se fraie un chemin parmi ces insondables t&eacute;n&egrave;bres qui feront sa renomm&eacute;e.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">En 1607, Caravage r&eacute;alise une autre toile bien moins connue mais tout aussi significative, il s&rsquo;agit de la&nbsp;<em>Crucifixion de saint Andr&eacute;</em>. Tout dans ce tableau est fait pour susciter une profonde compassion aussi bien dans le tableau qu&rsquo;en dehors du tableau. Si nous regardons la vieille femme au pied de la croix sur la gauche, nous pouvons remarquer un motif que le peintre r&eacute;utilisera plusieurs fois durant ces quatre derni&egrave;res ann&eacute;es et qu&rsquo;il n&rsquo;avait pourtant jamais exploit&eacute; de cette mani&egrave;re jusque-l&agrave;. Il s&rsquo;agit des yeux rendus brillants par les sanglots contenus, par les larmes qui sont sur le point de couler. Par ailleurs, la vieille femme regarde saint Andr&eacute; en levant la t&ecirc;te, ce qui est un d&eacute;tail important. Pourquoi&nbsp;?&nbsp;&nbsp;Cela permet au spectateur de voir un go&icirc;tre sur son cou. Caravage nous r&eacute;v&egrave;le sans ambages le &laquo;&nbsp;petit&nbsp;&raquo; peuple, il nous montre cette femme afflig&eacute;e d&rsquo;une malformation s&ucirc;rement due &agrave; une contamination par l&rsquo;eau (ce qui n&rsquo;&eacute;tait pas rare &agrave; Naples &agrave; cette &eacute;poque-l&agrave;). Ses mains jointes devant le ventre montrent qu&rsquo;elle ne peut rien faire &agrave; part se r&eacute;signer et prier. Ce simple geste peut faire na&icirc;tre la piti&eacute; chez le spectateur, surtout quand celui-ci est noble&nbsp;: on sait que le tableau a &eacute;t&eacute; command&eacute; par le vice-roi de Naples le comte-duc de Benavente, Juan Alonso Pimentel de Herrera. Les trois personnages &agrave; droite cr&eacute;ent, avec la vieille femme, un cercle que le spectateur est invit&eacute; &agrave; fermer. Cette disposition permet &agrave; ce dernier de se sentir encore plus impliqu&eacute; dans la sc&egrave;ne, il est &laquo;&nbsp;pr&eacute;sent&nbsp;&raquo; au moment o&ugrave; saint Andr&eacute; rend son dernier soupir.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Alors qu&rsquo;il est &agrave; Naples, Caravage entend parler des chevaliers de Malte. Certes ce n&rsquo;est pas la premi&egrave;re fois, mais maintenant il apprend qu&#39;il y a peut-&ecirc;tre sur l&#39;&icirc;le une chance de retrouver une vie normale&nbsp;: la justice des chevaliers est ind&eacute;pendante de celle du pape, s&rsquo;il devient chevalier il pourra acc&eacute;der &agrave; une toute nouvelle libert&eacute;.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;espoir rena&icirc;t mais il sera de courte dur&eacute;e.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Le 14 juillet 1608 le peintre devient &laquo;&nbsp;chevalier de gr&acirc;ce&nbsp;&raquo;. Toutefois, apr&egrave;s une bagarre avec un chevalier de rang sup&eacute;rieur, il est arr&ecirc;t&eacute; et emprisonn&eacute; quelques mois plus tard. Le 6 octobre 1608, contre toute attente, il r&eacute;ussit &agrave; s&rsquo;enfuir et le 1er&nbsp;d&eacute;cembre il est radi&eacute; de l&rsquo;ordre avec pertes et fracas &laquo;&nbsp;et consortium nostrum tanquam membrum putridum et foetidum ejectus et separatus fuit&nbsp;&raquo;</span><a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span style="color:#000099;">[3]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;(Farrugia Random, 2006, p.&nbsp; 291).</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Et tout recommence.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cette fois-ci le choc sera encore plus dur, non seulement sa condamnation &agrave; mort dans les &eacute;tats pontificaux est toujours en vigueur mais voil&agrave; maintenant qu&rsquo;il est aussi pourchass&eacute; par les chevaliers de Malte. L&rsquo;horizon s&rsquo;obscurcit consid&eacute;rablement et cette derni&egrave;re ann&eacute;e va voir na&icirc;tre une&nbsp;<em>maniera&nbsp;</em>encore plus sombre et quasiment en permanence orient&eacute;e vers la mort. Il peint plus vite, plus flou et se limite de plus en plus &agrave; l&rsquo;essentiel, voire &agrave; l&rsquo;essence de son art. Susciter l&rsquo;empathie chez les autres va devenir vital, ces derni&egrave;res &oelig;uvres vont repr&eacute;senter une ultime possibilit&eacute; de salut. Sa seule chance d&eacute;sormais est d&rsquo;obtenir une gr&acirc;ce papale.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Apr&egrave;s son d&eacute;part pr&eacute;cipit&eacute; de Malte, Caravage fait une escale en Sicile, s&ucirc;rement accueilli par son ami de Rome, Mario Minniti. Il y r&eacute;alise deux tableaux monumentaux en taille (environ 4 m&egrave;tres sur 3 m&egrave;tres) mais aussi en implication &eacute;motionnelle. Le premier est l&rsquo;<em>Enterrement de sainte Lucie</em>, o&ugrave; l&rsquo;on voit la sainte, le cou entaill&eacute;, sans vie, pos&eacute;e &agrave; terre pendant que deux fossoyeurs &agrave; la puissante musculature creusent, au premier plan, une tombe dans le sol. Derri&egrave;re eux se tient un cort&egrave;ge de personnages, hommes et femmes, qui viennent v&eacute;n&eacute;rer le corps de la sainte. Caravage a consid&eacute;rablement r&eacute;duit sa palette de couleurs, il n&rsquo;y a plus de bleu, plus de jaune on ne trouve qu&rsquo;un voile rouge timidement plac&eacute; au centre de l&rsquo;&oelig;uvre sur un jeune homme encadr&eacute;e par deux pleureuses. Le geste de ses mains est rythm&eacute; par les mains des deux pleureuses, qui expriment &agrave; leur mani&egrave;re le d&eacute;sespoir et la compassion pour la sainte. Les doigts crois&eacute;s du jeune homme et sa t&ecirc;te inclin&eacute;e montrent son acceptation du destin fun&egrave;bre qui se joue sous ses yeux&nbsp;(une r&eacute;sonnance du geste de J&eacute;sus dans le&nbsp;Baiser de&nbsp;Judas de 1602): &laquo;&nbsp;[il] baisse les mains et croise les doigts.&nbsp;D&rsquo;apr&egrave;s la spiritualit&eacute; franciscaine, ce geste est le signe des vertus d&rsquo;ob&eacute;issance et d&rsquo;abn&eacute;gation, de l&rsquo;acceptation du martyre&nbsp;&raquo; (Zuffi, 2016, p.&nbsp; 203).&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img height="474" src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_caravage10.jpg" width="347" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Figure&nbsp;10&nbsp;- <em>Enterrement de sainte Lucie</em>&nbsp;(1608-09)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mais pourquoi ce jeune homme est-il si pein&eacute;&nbsp;? Pourquoi Caravage le met-il en valeur en le pla&ccedil;ant au centre et rev&ecirc;tu de ce voile rouge&nbsp;? La r&eacute;ponse pourrait &ecirc;tre tr&egrave;s simple. Le peintre erre d&eacute;sormais sans rep&egrave;res, sans perspective d&rsquo;avenir et voil&agrave; qu&rsquo;on lui demande de peindre l&rsquo;enterrement de sainte Lucie&nbsp;; cela ne pouvait manquer de lui rappeler l&rsquo;&eacute;v&egrave;nement le plus tragique de sa jeunesse&nbsp;: le d&eacute;c&egrave;s de sa m&egrave;re qui s&rsquo;appelait justement Lucie (Lucia Aratori). Finalement ce jeune homme au centre, c&rsquo;est peut-&ecirc;tre bien Caravage lui-m&ecirc;me, ce qui pourrait expliquer l&rsquo;incroyable charge &eacute;motionnelle de la toile. Il y a probablement ici la blessure d&rsquo;un gar&ccedil;on ravag&eacute; par le d&eacute;c&egrave;s de sa m&egrave;re (il a environ 18 ans lorsque celle-ci meurt) et qui, en cette p&eacute;riode pr&eacute;cise de sa vie, voit cette douleur raviv&eacute;e avec force. Lorsque nous traversons des moments difficiles, nous recherchons un soutien, un appui familier et r&eacute;confortant, mais le peintre n&rsquo;en a plus. Plus de m&egrave;re ni de p&egrave;re, une famille presque inexistante et peu d&rsquo;amis v&eacute;ritables. Par ailleurs, il souffre d&rsquo;une grande fatigue physique et d&rsquo;une lassitude mentale omnipr&eacute;sente, car les cons&eacute;quences de ses crimes et d&eacute;lits l&rsquo;obligent &agrave; vivre dans une crainte perp&eacute;tuelle. L&rsquo;&oelig;uvre pourrait finalement rev&ecirc;tir une fonction cathartique pour le peintre, une mani&egrave;re d&rsquo;exorciser ses propres souffrances de jeunesse.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img height="484" src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_caravage11.jpg" width="354" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Figure&nbsp;11&nbsp;- <em>R&eacute;surrection de Lazare</em>&nbsp;(1609)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le deuxi&egrave;me grand tableau sicilien est du m&ecirc;me acabit. Il s&rsquo;agit de la<em>&nbsp;R&eacute;surrection de Lazare</em>&nbsp;conserv&eacute;e au Mus&eacute;e r&eacute;gionale de Messine. L&agrave; encore les dimensions sont proches de l&rsquo;&oelig;uvre pr&eacute;c&eacute;dente et la structure est la m&ecirc;me&nbsp;: la moiti&eacute; sup&eacute;rieure est vide (comme pour rapetisser la foule), les personnages s&rsquo;accumulent et s&rsquo;entrem&ecirc;lent en bas autour du corps de Lazare dont les bras forment &agrave; nouveau une croix. Sur la gauche, J&eacute;sus le d&eacute;signe d&rsquo;une main rappelant celle de Dieu, peinte par Michel-Ange dans la&nbsp;<em>Cr&eacute;ation de l&rsquo;homme</em>&nbsp;dans la chapelle Sixtine&nbsp;; geste que l&rsquo;artiste avait d&eacute;j&agrave; cit&eacute; dans la&nbsp;<em>Vocation de saint Matthieu</em>&nbsp;dans le cycle de Saint-Louis-des-fran&ccedil;ais. &Agrave; nouveau le motif des yeux larmoyants se retrouve, notamment dans le personnage plac&eacute; au bout de la main du Sauveur. Tous les personnages affichent des attitudes emplies de compassion m&ecirc;l&eacute;e de tristesse et d&rsquo;incompr&eacute;hension. Ces deux &oelig;uvres montrent bien comment la mort, la fatigue et le d&eacute;sespoir sont des concepts qui ont pris une place insoup&ccedil;onn&eacute;e dans la vie du peintre. Il les ma&icirc;trise parfaitement maintenant pour la simple et bonne raison qu&rsquo;il voudrait lui aussi b&eacute;n&eacute;ficier d&rsquo;une empathie et d&rsquo;une compassion aussi marqu&eacute;es.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">1610 &ndash; Entre d&eacute;sespoir et r&eacute;demption. L&rsquo;auto-empathie</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Il reste un dernier stade &agrave; franchir, celui du repentir et c&rsquo;est ce qui sera fait avec ses deux derni&egrave;res toiles&nbsp;: le&nbsp;<em>Martyre de sainte Ursule</em>&nbsp;et surtout le&nbsp;<em>David et Goliath</em>&nbsp;(Borghese). C&rsquo;est dans le&nbsp;<em>Martyre de sainte Ursule</em>&nbsp;aujourd&rsquo;hui expos&eacute; Via Toledo &agrave; Naples dans les locaux de la Banca Commerciale Italiana que la fin de l&rsquo;histoire tragique de la r&eacute;demption de Caravage va prendre racine.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img height="345" src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_caravage12.jpg" width="392" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Figure&nbsp;12&nbsp;- <em>Martyre de sainte Ursule</em>&nbsp;(1609-10)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La sainte se tient sur la droite et regarde, de mani&egrave;re impassible, la fl&egrave;che enfonc&eacute;e dans sa poitrine que le roi des Huns (sur la gauche) vient de d&eacute;cocher. Autour d&rsquo;Ursule se trouvent des soldats qui veillent &agrave; ne pas la laisser fuir alors que derri&egrave;re elle se tient un homme. Il est barbu et a des yeux caverneux pleins de larmes, sa bouche est entrouverte comme s&rsquo;il laissait &eacute;chapper un dernier r&acirc;le, mais pourtant c&rsquo;est la sainte qui a re&ccedil;u la fl&egrave;che, pas lui. Le visage est familier, et pour cause&nbsp;: il s&rsquo;agit d&rsquo;un autoportrait. Cette toile &eacute;tait une commande priv&eacute;e pour le banquier g&eacute;nois Marcantonio Doria, il n&rsquo;avait donc aucune raison de s&#39;y repr&eacute;senter si ce n&rsquo;&eacute;tait pour une raison priv&eacute;e. L&rsquo;autoportrait semble correspondre &agrave; l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;esprit du peintre, tout du moins symboliquement. C&rsquo;est comme s&rsquo;il existait une sorte de correspondance entre le Caravage peint et le Caravage peintre. Ce mim&eacute;tisme nous rapprocherait-il des fameux neurones miroirs dont on parle beaucoup en neuroscience et qui ont &eacute;t&eacute; d&eacute;couverts et &eacute;tudi&eacute;s depuis les ann&eacute;es 1990&nbsp;? Ces derniers expliqueraient comment l&rsquo;empathie pousserait un sujet &agrave; reproduire une posture ou une action par le simple fait de la voir&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Au-dessus de cette fonction de base, d&rsquo;autres fonctions d&eacute;pendent elles aussi du m&eacute;canisme des neurones miroirs ; certaines ne sont pr&eacute;sentes que chez l&rsquo;homme. L&rsquo;une d&rsquo;elles est l&rsquo;imitation. Imiter a deux aspects : la capacit&eacute; de reproduire une action observ&eacute;e, et celle d&rsquo;apprendre une nouvelle action par l&rsquo;observation. Or le syst&egrave;me neuronal miroir, par sa capacit&eacute; de fournir des copies motrices d&rsquo;actions observ&eacute;es, semble le m&eacute;canisme id&eacute;al pour ces deux classes d&rsquo;imitation. Il a &eacute;t&eacute; clairement &eacute;tabli qu&rsquo;il est impliqu&eacute; tout &agrave; la fois dans la r&eacute;p&eacute;tition imm&eacute;diate des actions de l&rsquo;autre et dans l&rsquo;apprentissage par imitation.&nbsp;(Rizzolatti, 2006, p. 1)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Jennifer L. Goetz et Emiliana Simon-Thomas dans le&nbsp;<em>Oxford Handbook of compassion science</em>&nbsp;publi&eacute; en 2017 pr&eacute;sentent et d&eacute;taillent les diff&eacute;rents types de sentiments li&eacute;s &agrave; l&rsquo;empathie et cr&eacute;ent un lien avec l&rsquo;effet miroir (<em>affective empathy</em>) qui illustre le rapport entre Merisi et son autoportrait&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Researchers have made distinctions between the more cognitively complex and effortful&nbsp;<em>cognitive empathy</em> and&nbsp;phylogenetically older&nbsp;<em>affective empathy.</em> In&nbsp;<em>cognitive empathy</em>, an individual consciously adopts another person&rsquo;s perspective and tries to understand how he or she is felling or thinking. [&hellip;] In<em>&nbsp;affective empathy </em>(also called emotionnal empathy by Klimecki and Singer), a person experiences elements of felling that are similar to another&rsquo;s emotions. <em>Affective empathy</em> is considered a more automatic process that originates in part from&nbsp;<em>mimicry</em>, on wich a person mirrors another&rsquo;s expression or physical demeanor.</span><a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><span style="color:#000099;">[4]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;(Goetz et Simon-Thomas, 2017, p.6)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Caravage en 1610 est fatigu&eacute;, voil&agrave; quatre ann&eacute;es qu&rsquo;il fuit, il est condamn&eacute; &agrave; mort, poursuivi par les chevaliers de Malte, peut-&ecirc;tre malade (il avait une constitution assez fragile), il continue &agrave; se battre r&eacute;guli&egrave;rement et il n&rsquo;a pas vraiment de grandes perspectives d&rsquo;avenir. L&rsquo;empathie qu&rsquo;il recherche, la compassion qu&rsquo;il esp&egrave;re de tout son c&oelig;ur obtenir du pape, il ne peut l&rsquo;atteindre s&rsquo;il n&rsquo;a pas proc&eacute;d&eacute; &agrave; un v&eacute;ritable&nbsp;<em>mea culpa</em>.&nbsp;Et dans ce tableau, il se confesse et se punit lui-m&ecirc;me. Le ch&acirc;timent qu&rsquo;il pense devoir m&eacute;riter c&rsquo;est la mort. Mais si l&rsquo;attitude de la sainte ne d&eacute;clenche que peu d&rsquo;empathie, l&#39;autoportrait du peintre, lui, ne peut manquer d&rsquo;&eacute;mouvoir.&nbsp;A ce propos Maurizio Calvesi nous explique&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">La sintassi &egrave; ormai disperatamente ridotta ai minimi termini di un luminismo baluginante ed emotivo, quasi sbozzato, che segna il trapasso da Tiziano a Remdrandt, ma attraverso un&rsquo;interiorizzazione drammatica che [&hellip;] non trova in realt&agrave; confronto in nessun altro momento della storia dell&rsquo;arte.</span><a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><span style="color:#000099;">[5]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;(Calvesi, 1999, p.&nbsp;&nbsp;62)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img height="259" src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_caravage13.jpg" width="236" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Figure 13. <em>Martyre de Saint Ursule</em> (1609-10, d&eacute;tail de l&#39;autoportrait)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Une fois qu&rsquo;il a mis en sc&egrave;ne cette prise de conscience il ne lui reste plus qu&rsquo;&agrave; la partager et &agrave; l&rsquo;utiliser dans l&rsquo;espoir de recevoir la gr&acirc;ce. Pour cela il va peindre un ultime tableau, aujourd&rsquo;hui &agrave; la Galerie Borghese &agrave; Rome : le<em>&nbsp;David et Goliath</em>&nbsp;(ce tableau, accompagn&eacute; d&rsquo;une lettre de demande de pardon, avait d&rsquo;ailleurs &eacute;t&eacute; envoy&eacute; &agrave; Scipione Borghese, le neveu du pape d&#39;alors, Paul V). Certes, ce n&rsquo;est pas la premi&egrave;re fois qu&rsquo;il repr&eacute;sente la c&eacute;l&egrave;bre sc&egrave;ne biblique, mais cette fois-ci il va y inclure quelque chose de plus&nbsp;: son repentir. Il va tenter de persuader le pape qu&rsquo;il a compris son erreur, qu&rsquo;il est pr&ecirc;t &agrave; en payer les cons&eacute;quences, il va en appeler &agrave; toute la compassion du souverain pontife. Le tableau est d&rsquo;une extr&ecirc;me simplicit&eacute;&nbsp;: David, repr&eacute;sent&eacute; &agrave; mi-figure sur un fond noir, se tient debout en plein centre de l&rsquo;&oelig;uvre. De la main droite il tient une &eacute;p&eacute;e, de la main gauche il tient la t&ecirc;te du g&eacute;ant d&eacute;capit&eacute;. Il est de grande notori&eacute;t&eacute; que le visage tum&eacute;fi&eacute; de Goliath reprend fid&egrave;lement les traits de Caravage, jusque dans la blessure au front que le peintre avait re&ccedil;ue lors d&rsquo;une bagarre devant l&rsquo;auberge du Cerriglio &agrave; Naples. Cela change toute la lecture de l&rsquo;&oelig;uvre.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img height="488" src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_caravage14.jpg" width="388" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Figure&nbsp;14&nbsp;- <em>David et Goliath&nbsp;</em>(1610)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Il faut &eacute;galement pr&eacute;ciser que l&rsquo;attitude de David n&rsquo;est en rien conventionnelle (m&ecirc;me s&rsquo;il existe quelques&nbsp;<em>David</em>&nbsp;accabl&eacute;s avant lui, comme celui de Giorgione par exemple). En effet, le jeune berger regarde avec m&eacute;lancolie la t&ecirc;te coup&eacute;e, cette m&eacute;lancolie extr&ecirc;me g&eacute;n&egrave;re une compassion d&rsquo;une grande force, &agrave; la fois chez David, qui semble presque pr&ecirc;t &agrave; s&rsquo;excuser, mais aussi chez le spectateur, et surtout chez le principal int&eacute;ress&eacute;&nbsp;: le pape. Catherine Puglisi va dans ce sens en pr&eacute;cisant : &laquo;&nbsp;David semble troubl&eacute;, son visage exprimant &agrave; la fois tristesse et compassion. On se souvient de la vertueuse h&eacute;ro&iuml;ne de&nbsp;<em>Judith et Holopherne</em>, presque dix ans plus t&ocirc;t, et de cette m&ecirc;me ambivalence qui l&rsquo;habitait en accomplissant son crime&nbsp;&raquo; (Puglisi, 2007, p.&nbsp;363). Enfin, n&rsquo;oublions pas l&rsquo;&eacute;p&eacute;e, le troisi&egrave;me et dernier &eacute;l&eacute;ment de la toile. Elle a servi &agrave; couper la t&ecirc;te mais elle a surtout une fonction symbolique car on peut lire quelques lettres sur la lame &laquo;&nbsp;H AS O S&nbsp;&raquo; qui ont &eacute;t&eacute; interpr&eacute;t&eacute;es comme l&#39;abr&eacute;viation de &laquo;&nbsp;Humilitas Occidit Superbiam&nbsp;&raquo;&nbsp;: l&rsquo;humilit&eacute; tue la fiert&eacute;. Nous avons donc trois &eacute;l&eacute;ments&nbsp;: Goliath, David et l&rsquo;&eacute;p&eacute;e et chacun d&rsquo;entre eux transmet un message. Goliath montre comment Caravage se condamne en se donnant le r&ocirc;le d&rsquo;un des pires ennemis de Dieu dans l&rsquo;Ancien Testament, un de ceux qui provoquent le plus de haine et de d&eacute;go&ucirc;t. Mais il se ch&acirc;tie par la mort et celui qui ex&eacute;cute la sentence c&rsquo;est ce David lumineux et m&eacute;lancolique qui m&eacute;dite sur Goliath/Caravage. Finalement le jeune berger est en quelque sorte aussi un autoportrait, certes pas formel, mais spirituel. Celui qui condamne l&rsquo;ancien Caravage, c&rsquo;est le nouveau Caravage, voil&agrave; pourquoi il &eacute;prouve de la compassion envers le g&eacute;ant. Enfin l&rsquo;&eacute;p&eacute;e indique que le seul moyen pour une personne de changer c&rsquo;est de tuer son ancien &laquo;&nbsp;moi&nbsp;&raquo; et d&rsquo;en cr&eacute;er un nouveau et cela n&rsquo;est rendu possible que par l&rsquo;humilit&eacute;. En somme, tout dans ce dernier tableau tourne autour de la compassion&nbsp;: celle de David pour Goliath, celle de Caravage pour lui-m&ecirc;me et enfin celle du pape pour Caravage.&nbsp;Il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;une &laquo;&nbsp;espressivit&agrave; di forza irripettibile che racchiude in s&eacute; l&rsquo;intera poetica di Caravaggio secondo la quale la coscienza contemplativa, dolorosa e piena di infinita commiserazione compiange un&rsquo;umanit&agrave; colpevole, impossibile da salvare.&nbsp;&raquo;</span><a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><span style="color:#000099;">[6]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;(Strinati, 2010, p.&nbsp; 231)&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img height="274" src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_caravage15.jpg" width="210" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Figure 15. <em>David et Goliath</em> (1610, d&eacute;tail de l&#39;autoportrait)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Avec cet ultime tableau, Caravage boucle l&rsquo;&eacute;volution du sentiment empathique dans son &oelig;uvre. Comme nous l&rsquo;avons vu lorsqu&rsquo;il commence &agrave; peindre, ce sentiment est certainement pr&eacute;sent en lui, mais il est clairement dissimul&eacute; derri&egrave;re l&rsquo;orgueil, l&rsquo;agressivit&eacute; et la moquerie. Puis, son statut et sa notori&eacute;t&eacute; &eacute;voluant, il commence &agrave; comprendre que l&rsquo;empathie n&#39;est finalement pas une faiblesse et qu&rsquo;elle peut m&ecirc;me avoir de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t&nbsp;: gr&acirc;ce &agrave; elle il peut se sortir de mauvais pas. Puis lorsqu&rsquo;il commet l&rsquo;irr&eacute;parable, ce sentiment se r&eacute;v&egrave;le en lui au fur et &agrave; mesure que ses options de retour &agrave; la normale disparaissent. Dans les deux derni&egrave;res ann&eacute;es il est m&ecirc;me submerg&eacute; par ce besoin d&rsquo;empathie, cette recherche de compassion, par ce sentiment de mort qui s&rsquo;introduit toujours plus profond&eacute;ment dans son existence et dans son &oelig;uvre. C&rsquo;est &agrave; cette &eacute;poque qu&rsquo;il ressent au plus fort la douleur des autres, qu&rsquo;il retrouve le souvenir des siens, qu&rsquo;il pousse &agrave; l&rsquo;extr&ecirc;me sa conception de Dieu, qu&rsquo;il comprend la n&eacute;cessit&eacute; du repentir. Sa&nbsp;<em>maniera</em>, au d&eacute;but nette, pr&eacute;cise, tranchante, s&rsquo;est mu&eacute;e en un toucher plus flou, plus profond avec une palette largement r&eacute;duite aux ocres et aux bruns, un peu comme celle de Titien une quarantaine d&rsquo;ann&eacute;es plus t&ocirc;t. Enfin arrive le&nbsp;<em>David et Goliath</em>&nbsp;qui montre que l&rsquo;artiste, de par son art, est capable de pousser le sentiment empathique jusqu&rsquo;&agrave; se l&rsquo;appliquer &agrave; lui-m&ecirc;me&nbsp;: Caravage devient le propre sujet de son empathie. Car il est ind&eacute;niable que, dans chaque &oelig;uvre, l&rsquo;homme/artiste d&eacute;pose consciemment ou inconsciemment une certaine parcelle de son &ecirc;tre, un certain fragment de son &acirc;me, livrant aussi une partie de son myst&egrave;re, ainsi que l&#39;&eacute;crit Oscar Wilde :</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tout portrait peint compr&eacute;hensivement est un portrait de l&rsquo;artiste, non du mod&egrave;le. Le mod&egrave;le est, purement l&rsquo;accident, l&rsquo;occasion. Ce n&rsquo;est pas lui qui est r&eacute;v&eacute;l&eacute; par le peintre ; c&rsquo;est plut&ocirc;t le peintre qui, sur la toile color&eacute;e, se r&eacute;v&egrave;le lui-m&ecirc;me. La raison pour laquelle je n&rsquo;exhiberai pas ce portrait consiste dans la terreur que j&rsquo;ai de montrer par lui le secret de mon &acirc;me !&nbsp;(Wilde, 1983, p.&nbsp;22-23)</span></span></span></p> <div style="page-break-after: always"><span style="display: none;">&nbsp;</span></div> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align:start; text-indent:0px; -webkit-text-stroke-width:0px; margin-bottom:11px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><strong>&OElig;uvres picturales&nbsp;cit&eacute;es (ordre chronologique)</strong></span></span></span></p> <ul> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>La Joconde</i>, L&eacute;onard de Vinci, 1513-19, Louvre, Paris&nbsp;</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>La temp&ecirc;te</i>, Giorgione, 1510, Galerie de l&rsquo;Acad&eacute;mie, Venise</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Le printemps</i>, Botticelli, 1478-82, Mus&eacute;e des Offices, Florence</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Le gar&ccedil;on mordu par un l&eacute;zard</i>, Caravage, 1593-94, Fondation Longhi, Florence</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Le gar&ccedil;on mordu par un l&eacute;zard</i>, Caravage, 1593-94, National Gallery, Londres</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Asdrubale mordu par une &eacute;crevisse</i>, Sofonisba Anguissola, 1554, Cabinet des estampes du mus&eacute;e Capodimonte, Naples</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Les mangeurs de haricots</i>, Vincenzo Campi, 1578, Collection priv&eacute;e</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>La diseuse de bonne aventure</i>, Caravage, 1596-97, Louvre, Paris</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Les tricheurs</i>, Caravage, 1596-97, Mus&eacute;e d&rsquo;art de Kimbell, Etats-Unis</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Judith et Holopherne</i>, Caravage, 1598, Palais Barberini, Rome</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>David et Goliath</i>, Caravage, 1610, Galerie Borgh&egrave;se, Rome</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>La vocation de saint Matthieu</i>, Caravage, 1599-600, Eglise Saint-Louis-des-Fran&ccedil;ais, Rome</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Le martyre de saint Matthieu</i>, Caravage, 1599-600, Eglise Saint-Louis-des-Fran&ccedil;ais, Rome</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>La C&egrave;ne</i>, L&eacute;onard de Vinci, 1494-98, Couvent Santa Maria delle Grazie, Milan</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Le martyre de saint Pierre de V&eacute;rone</i>, Titien, d&eacute;truit mais autrefois &agrave; &eacute;glise San Zanipolo, Venise</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Le sacrifice d&rsquo;Isaac</i>, Caravage, 1602-03, Mus&eacute;e des Offices, Florence</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Le petit Bacchus malade</i>, Caravage, 1592-93, Galerie Borgh&egrave;se, Rome</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Le gar&ccedil;on &agrave; la corbeille de fruits</i>, Caravage, 1593-94, Galerie Borgh&egrave;se, Rome</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Le joueur de luth</i>, Caravage, 1593-94, Mus&eacute;e de l&rsquo;Hermitage, Saint-P&eacute;tersbourg</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Le concert de jeunes gens</i>, Caravage, 1595, M&eacute;tropolitan museum, New-York</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>La vocation de saint Paul</i>, Caravage, 1600-04, Collection Balbi-Odescalchi, Rome</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>La vocation de saint Paul</i>, Caravage, 1600-04, &eacute;glise Santa Maria del popolo, Rome</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>La mise au tombeau</i>, Caravage, 1602-03, Pinacoth&egrave;que vaticane, Vatican</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Le baiser de Judas</i>, Caravage, 1602, National Gallery of Irland, Irlande&nbsp;</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>La mort de la Vierge</i>, Caravage, 1606, Louvre, Paris</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>L&rsquo;Assomption de la Vierge</i>, Titien, 1516, &eacute;glise des Frari, Venise</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>La dormition de la Vierge</i>, Mantegna, 1462-64, Mus&eacute;e du Prado, Madrid&nbsp;</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Les sept &oelig;uvres de Mis&eacute;ricorde</i>, Caravage, 1607, &eacute;glise du Pio Monte della Misericordia, Naples</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>La crucifixion de saint Andr&eacute;</i>, Caravage, 1608, Mus&eacute;e d&rsquo;art de Cleveland, Etats-Unis</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>L&rsquo;enterrement de sainte Lucie</i>, Caravage, 1608-09, &eacute;glise Santa Lucia al sepolcro, Syracuse</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>La cr&eacute;ation de l&rsquo;homme</i>, Michel-Ange, 1508-12, Chapelle Sixtine, Vatican</span></span></span></span></li> <li style="margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>La r&eacute;surrection de Lazare</i>, Caravage, 1608-09, Mus&eacute;e r&eacute;gional de Messine, Italie</span></span></span></span></li> <li style="margin-bottom:11px; margin-left:8px"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><i>Le martyre de sainte Ursule</i>, Caravage, 1609-10, Palais Zevallos Stigliano, Naples</span></span></span></span></li> </ul> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Bibliographie</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Berne Joffroy Andr&eacute;, 1999,&nbsp;<em>Le dossier Caravage</em>,&nbsp;Paris, Flammarion.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Calvesi Maurizio, 1999,&nbsp;<em>Caravaggio</em>, Florence, Art dossier.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cappelletti Francesca, 2008,&nbsp;<em>Le Caravage et les caravagesques</em>, Roma, Scala.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Castellotti Marco Bona, 1998,&nbsp;<em>Il paradosso Caravaggio</em>,&nbsp;Milan, RCS libri.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Damish Hubert, 1972,&nbsp;<em>Th&eacute;orie du nuage</em>, Paris, Seuil.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Delacroix&nbsp;Eug&egrave;ne,&nbsp;1893,&nbsp;<em>Journal</em>,&nbsp;Tome 1, Paris, Plon.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Duhr Joseph, 1950,&nbsp;&nbsp;&laquo;&nbsp;la Dormition de de Marie dans l&rsquo;art chr&eacute;tien&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Nouvelle revue th&eacute;ologique</em>, vol.&nbsp;72, n&deg;2.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Farrugia Random Philip, 2006,&nbsp;<em>Caravaggio knight of Malta</em>, Malte, AVC publishers.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Fried Mickael, 2016,&nbsp;<em>Le moment Caravage</em>,&nbsp;Paris, Hazan.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Goetz Jennifer L.,&nbsp;Simon-Thomas Emiliana (eds),&nbsp;2017,&nbsp;<em>The Oxford Handbook of Compassion Science</em>, Oxford, Oxford University press.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Hagen Rose-Marie et Rainer, 1996,&nbsp;<em>Les dessous des chefs-d&rsquo;&oelig;uvre</em>, K&ouml;ln,Taschen.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Hilaire Michel et H&eacute;mery Axel, 2012,&nbsp;<em>Corps et ombres, Caravage et le caravagisme europ&eacute;en</em>, Milan, 5 continents.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Klimecki&nbsp;Olga,&nbsp;2014,&nbsp;<em>Le Journal</em>, Gen&egrave;ve, Universit&eacute; de Gen&egrave;ve.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Paleotti Gabriele, [1594] 2002,&nbsp;<em>Discorso intorno alle immagini sacre e profane</em>, Citt&agrave; del Vaticano, Libreria Editrice Vaticana Cad &amp; Welness.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Puglisi Catherine, 2007,&nbsp;<em>Caravage</em>, Paris, Phaidon.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Rizzolatti Giacomo, 2006,&nbsp;<em>Les syst&egrave;mes de neurones miroirs (</em>discours du 12 d&eacute;cembre 2006),&nbsp;Paris, Institut de France /&nbsp;Acad&eacute;mie des sciences, [en ligne]. URL:&nbsp;https://www.academie-sciences.fr/pdf/membre/s121206_rizzolatti.pdf&nbsp;(consult&eacute; le 8 juin 2022)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Strinati Claudio, 2010,&nbsp;<em>Caravaggio</em>, Milano, Skira.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Wilde Oscar, 1983,&nbsp;<em>Le portrait de Dorian Gray</em>, Paris, Livre de poche.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Witting F&eacute;lix et Patrizi M.L., 2012,&nbsp;<em>Le Caravage</em>, Paris, Parkstone international.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Zuffi Stefano, 2016,&nbsp;<em>Le Caravage</em>, Paris, Hazan.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <div> <hr size="1" /> <div id="ftn1"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://BD73EB6F-B8E4-4C4A-8B71-D880652E2B8B#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span style="color:#000099;">[1]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;<strong>Dimitri Stauss</strong>,&nbsp;Professeur certifi&eacute;, charg&eacute; de cours et conf&eacute;rencier,&nbsp;Universit&eacute; de Montpellier III, email de contact&nbsp;:&nbsp;</span><a href="mailto:dimitri.stauss@univ-montp3.fr"><span style="color:#000099;">dimitri.stauss@univ-montp3.fr</span></a></span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://BD73EB6F-B8E4-4C4A-8B71-D880652E2B8B#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span style="color:#000099;">[2]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;&laquo; Entendre narrer le martyre d&rsquo;un saint, le z&egrave;le et la constance d&rsquo;une vierge, m&ecirc;me la Passion du Christ, sont des choses qui assur&eacute;ment nous touchent grandement, mais si le saint martyris&eacute;, la vierge qui souffre et le Christ clou&eacute; nous sont mis sous les yeux, notre d&eacute;votion ne pourra qu&rsquo;augmenter et p&eacute;n&eacute;trer au plus profond, et celui qui n&rsquo;&eacute;prouve pas ces sensations est totalement priv&eacute; de sensibilit&eacute; &raquo;.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://BD73EB6F-B8E4-4C4A-8B71-D880652E2B8B#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span style="color:#000099;">[3]</span></a><span style="color:#000000;">&laquo;&nbsp;Et il a &eacute;t&eacute; chass&eacute; et exclu de l&rsquo;association &eacute;tablie avec nous, en tant que membre pourri et f&eacute;tide&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://BD73EB6F-B8E4-4C4A-8B71-D880652E2B8B#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span style="color:#000099;">[4]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;&laquo;&nbsp;Les chercheurs ont fait des distinctions entre&nbsp;l<em>&#39;empathie cognitive</em>&nbsp;plus complexe et laborieuse et&nbsp;l&#39;<em>empathie affective&nbsp;</em>phylog&eacute;n&eacute;tiquement plus ancienne. Dans&nbsp;l&#39;<em>empathie cognitive</em>, un individu adopte consciemment le point de vue d&#39;une autre personne et essaie de comprendre ce qu&rsquo;il ressent ou comment il pense. [&hellip;] Dans&nbsp;l&#39;<em>empathie affective</em>&nbsp;(&eacute;galement appel&eacute;e&nbsp;<em>empathie &eacute;motionnelle</em>&nbsp;par Klimecki et Singer), une personne &eacute;prouve des &eacute;l&eacute;ments de sentiment qui sont similaires aux &eacute;motions d&#39;une autre personne.&nbsp;L&#39;<em>empathie affective</em>&nbsp;est consid&eacute;r&eacute;e comme un processus plus automatique qui provient en partie du mim&eacute;tisme, avec lequel une personne refl&egrave;te l&#39;expression ou le comportement physique d&#39;une autre.&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://BD73EB6F-B8E4-4C4A-8B71-D880652E2B8B#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span style="color:#000099;">[5]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;&laquo;&nbsp;La syntaxe est d&eacute;sormais d&eacute;sesp&eacute;r&eacute;ment r&eacute;duite aux termes minimaux d&rsquo;un luminisme scintillant et &eacute;motif, comme &agrave; peine &eacute;bauch&eacute;, et qui marque le passage de Titien &agrave; Rembrandt, mais &agrave; travers une int&eacute;riorisation dramatique qui [&hellip;] ne trouve en r&eacute;alit&eacute; aucun &eacute;quivalent dans quelque autre moment de l&rsquo;histoire de l&rsquo;art&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://BD73EB6F-B8E4-4C4A-8B71-D880652E2B8B#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><span style="color:#000099;">[6]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;&laquo;&nbsp;Expressivit&eacute; d&rsquo;une force in&eacute;galable qui renferme en elle l&rsquo;enti&egrave;re po&eacute;tique de Caravage selon laquelle la conscience contemplative, douloureuse et pleine d&rsquo;une infinie commis&eacute;ration d&eacute;plore une humanit&eacute; coupable, impossible &agrave; sauver.&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> </div> </div>