<p style="text-align: center;"><span style="font-size:24px;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&laquo;&nbsp;A woeful pageant have we here beheld&nbsp;&raquo;&nbsp;: Esquisse d&rsquo;une esth&eacute;tique de la compassion dans le th&eacute;&acirc;tre de William Shakespeare</span></span></strong></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Marie-Christine Munoz-Levi</span><a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span style="color:#000099;">[1]</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans l&rsquo;Angleterre de la premi&egrave;re modernit&eacute;, la notion de compassion s&rsquo;entend et s&rsquo;&eacute;labore peu &agrave; peu comme un point d&rsquo;intersection complexe entre des discours et des pratiques anthropologiques, esth&eacute;tiques, politiques, th&eacute;ologiques, philosophiques. Elle s&rsquo;exprime dans les productions litt&eacute;raires de William Shakespeare sous la forme d&rsquo;une expression &eacute;motionnelle consubstantielle &agrave; la repr&eacute;sentation th&eacute;&acirc;trale et au r&eacute;cit que le dramaturge d&eacute;ploie &agrave; l&rsquo;intention de son public. Ce faisant, elle participe &agrave; la construction de l&rsquo;identit&eacute; des personnages, sur la sc&egrave;ne de th&eacute;&acirc;tre, tout comme &agrave; celle des spectateurs, dans la salle, car elle oriente fondamentalement la relation entre l&rsquo;intimit&eacute; de l&rsquo;individu et ses contemporains.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Post&eacute;rieurement aux &oelig;uvres qui nous int&eacute;ressent ici, le d&eacute;bat du dix-huiti&egrave;me si&egrave;cle anglais -&nbsp;port&eacute; par les travaux de Hume et de Burke, par exemple, o&ugrave; l&rsquo;on distingue la sympathie, comprise comme jugement moral, de l&rsquo;empathie -&nbsp;&eacute;labore une analyse philosophique plus formalis&eacute;e de ces notions, que ce que nous donnent &agrave; voir les drames shakespeariens. Nous resterons d&eacute;lib&eacute;r&eacute;ment au plus pr&egrave;s des propositions sc&eacute;niques et dramatiques du th&eacute;&acirc;tre de Shakespeare, sans entrer en dialogue avec ce d&eacute;bat des Lumi&egrave;res.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">En revanche, la d&eacute;finition de la compassion entendue comme ma&icirc;tre-&eacute;talon de l&rsquo;humanit&eacute;, dans la pens&eacute;e de Levinas, invite dans un mouvement r&eacute;trospectif &agrave; une &eacute;tude de l&rsquo;esth&eacute;tique de la compassion, dans le corpus des pi&egrave;ces historiques, trag&eacute;dies et romances que William Shakespeare &eacute;labore au fil de sa carri&egrave;re de dramaturge et po&egrave;te de la premi&egrave;re modernit&eacute; anglaise. &Agrave; l&rsquo;occasion de l&rsquo;un des tout derniers entretiens qu&rsquo;il a accord&eacute;s, Levinas affirmait en effet&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La socialit&eacute; n&rsquo;est pas simplement le fait que l&rsquo;on est en nombre. Ce n&rsquo;est pas la multiplicit&eacute; humaine qui fait la socialit&eacute; humaine, c&rsquo;est une relation &eacute;trange qui commence dans la douleur, dans la mienne o&ugrave; je fais appel &agrave; l&rsquo;autre, et dans la sienne qui me trouble, dans celle de l&rsquo;autre qui ne m&rsquo;est pas indiff&eacute;rente. C&rsquo;est l&rsquo;amour de l&rsquo;autre ou la compassion. [&hellip;] Le fait qu&rsquo;autrui puisse compatir &agrave; la souffrance de l&rsquo;autre est le grand &eacute;v&eacute;nement humain, le grand &eacute;v&eacute;nement ontologique. On n&rsquo;a pas fini de s&rsquo;&eacute;tonner de cela&nbsp;; c&rsquo;est un signe de la folie humaine, inconnu des animaux. (Levinas, 1994, pp. 133-134 et p. 135)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Autre regard litt&eacute;raire de la modernit&eacute; sur la notion de compassion, Milan Kundera analyse dans&nbsp;<em>L&rsquo;Insoutenable l&eacute;g&egrave;ret&eacute; de l&rsquo;&ecirc;tre</em>, l&rsquo;&eacute;tymologie du terme dans les langues latines, mais aussi dans celles d&eacute;riv&eacute;es d&rsquo;autres racines&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Toutes les langues issues du latin, forment le mot&nbsp;<em>compassion&nbsp;</em>avec le pr&eacute;fixe &laquo;<em>&nbsp;cum</em>&nbsp;&raquo; et la racine &laquo;&nbsp;<em>passio</em>&nbsp;&raquo; qui, originellement, signifie &laquo;&nbsp;souffrance&nbsp;&raquo;. Dans d&rsquo;autres langues, par exemple en tch&egrave;que, en polonais, en allemand, en su&eacute;dois, ce mot se traduit par un substantif form&eacute; avec un pr&eacute;fixe &eacute;quivalent suivi du mot &laquo;&nbsp;sentiment&nbsp;&raquo; (en tch&egrave;que&nbsp;:&nbsp;<em>sou-cit&nbsp;</em>; en polonais, en allemand, en su&eacute;dois). Dans les langues d&eacute;riv&eacute;es du latin, le mot compassion signifie que l&rsquo;on ne peut regarder d&rsquo;un c&oelig;ur froid la souffrance d&rsquo;autrui&nbsp;; autrement dit&nbsp;: on a de la sympathie pour celui qui souffre. Un autre mot, qui a &agrave; peu pr&egrave;s le m&ecirc;me sens,&nbsp;<em>piti&eacute;</em>&nbsp;(en anglais&nbsp;<em>pity,</em> en italien&nbsp;<em>piet&agrave;</em>, etc.), sugg&egrave;re m&ecirc;me une sorte d&rsquo;indulgence envers l&rsquo;&ecirc;tre souffrant. (Kundera, 1989, p. 36)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ce bref excursus dans la p&eacute;riode contemporaine nous donne un &eacute;clairage pertinent sur la notion de compassion, notamment par la mention de l&rsquo;indulgence &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de l&rsquo;&ecirc;tre souffrant, qui induit une forme de bienveillance de la part du spectateur &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de celui qui souffre. Nous retiendrons cet aspect induit car il oriente le regard que le spectateur porte sur les &ecirc;tres de fiction qui s&rsquo;incarnent devant lui, sous l&rsquo;angle d&rsquo;une adh&eacute;sion &eacute;motionnelle aux passions repr&eacute;sent&eacute;es.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Les dictionnaires de la premi&egrave;re modernit&eacute; anglaise, et notamment ceux d&rsquo;Henry Cockeram, (<em>The English Dictionary&nbsp;: or, an Interpreter of Hard English&nbsp;Words</em>, 1623) et de Cotgrave (Cotgrave, Randle,&nbsp;<em>A French-English Dictionary</em>, 1650) tr&egrave;s usit&eacute;s alors, nous donnent comme d&eacute;finition pour le terme de&nbsp;compassion&nbsp;celle de&nbsp;pity, mercie, qui sont les plus commun&eacute;ment associ&eacute;es. Ces d&eacute;finitions tirent la notion vers un sens religieux, celui de la charit&eacute;, et soulignent le pacte &eacute;motionnel entre les protagonistes de l&rsquo;exp&eacute;rience&nbsp;: il s&rsquo;agit de partager la souffrance d&rsquo;autrui (souffrir avec) et des traductions comme &laquo;&nbsp;apitoiement&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;commis&eacute;ration&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;piti&eacute;&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;mis&eacute;ricorde&nbsp;&raquo;, voire &laquo;&nbsp;mansu&eacute;tude&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;indulgence&nbsp;&raquo;, que l&rsquo;on retrouve dans des textes fran&ccedil;ais contemporains de ceux de Shakespeare &eacute;voquent ce contexte en filigrane. Du point de vue anthropologique, on observe une forme de lien profond&eacute;ment empathique, qui inspire une communaut&eacute; de sentiment, dans le partage d&rsquo;une exp&eacute;rience existentielle.&nbsp;<em>De facto</em>, le lien qui se tisse alors, instaure une relation dans laquelle s&rsquo;exprime une forme d&rsquo;amour humain, face &agrave; la souffrance d&eacute;plor&eacute;e, et induit un geste de compassion vers l&rsquo;autre souffrant.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Au-del&agrave; de l&rsquo;exp&eacute;rience strictement anthropologique, la notion de souffrance, si pr&eacute;sente dans la r&eacute;alit&eacute; des seizi&egrave;me et dix-septi&egrave;me si&egrave;cles en Angleterre, est encore repr&eacute;sent&eacute;e en termes esth&eacute;tiques, essentiellement &agrave; la lumi&egrave;re des textes bibliques. L&rsquo;h&eacute;ritage du th&eacute;&acirc;tre m&eacute;di&eacute;val d&rsquo;inspiration religieuse, centr&eacute; sur la repr&eacute;sentation de la souffrance de l&rsquo;homme-Dieu, est incontestablement tr&egrave;s vivant dans les mentalit&eacute;s de la premi&egrave;re modernit&eacute; anglaise et Shakespeare s&rsquo;en fait abondamment l&rsquo;&eacute;cho.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;exemple d&rsquo;une pi&egrave;ce anonyme du Cycle de York (<em>mystery play</em>, 14th c.), intitul&eacute;e&nbsp;<em>The Crucifixion&nbsp;; Crucifixio Christi</em>, nous donne un &eacute;chantillon des proc&eacute;d&eacute;s mis en &oelig;uvre par le dramaturge anonyme afin de souligner la dimension doloriste des &eacute;v&eacute;nements. Cette &oelig;uvre d&eacute;peint la mise en croix du Christ par quatre soldats qui &eacute;changent des consid&eacute;rations pour le moins p&eacute;destres, alors qu&rsquo;ils accomplissent leur t&acirc;che. Il est question de la solidit&eacute; de la croix et de l&rsquo;efficacit&eacute; du dispositif, tandis qu&rsquo;ils enfoncent les clous dans les membres du crucifi&eacute;. Le contraste patent entre la trivialit&eacute; du propos et ce que le spectateur imagine &ecirc;tre la souffrance du Christ &agrave; cet instant, sans parler de la d&eacute;sacralisation de la sc&egrave;ne dans l&rsquo;esprit du spectateur croyant, est particuli&egrave;rement choquant par sa facture burlesque. Ce contraste oriente la repr&eacute;sentation vers un registre r&eacute;aliste, qui amplifie la dimension humaine du personnage de J&eacute;sus (et cela oriente la compr&eacute;hension th&eacute;ologique de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement). Force est de constater que cette pi&egrave;ce occupe une place toute embl&eacute;matique dans le corpus th&eacute;&acirc;tral du Moyen &Acirc;ge anglais, car elle met un accent tr&egrave;s sensible sur la nature r&eacute;aliste de la souffrance bien humaine de la figure du Messie, livr&eacute; aux mains de ses bourreaux.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le proc&eacute;d&eacute; utilis&eacute; par le dramaturge, afin de souligner cet aspect pour les spectateurs de th&eacute;&acirc;tre, repose tout d&rsquo;abord sur le contraste entre la description verbale de la sc&egrave;ne et le spectacle donn&eacute; &agrave; voir, puis sur une forme de r&eacute;f&eacute;rence indirecte &agrave; la souffrance du crucifi&eacute;. En effet, lorsque les soldats d&eacute;crivent les mauvais traitements qu&rsquo;ils infligent aux membres de J&eacute;sus, ils occultent soigneusement la douleur que ceux-ci peuvent entra&icirc;ner. Le spectateur est cens&eacute; reconstruire la souffrance du personnage qu&rsquo;il voit tortur&eacute; sur la sc&egrave;ne, tout en &eacute;coutant les commentaires de personnages parfaitement indiff&eacute;rents aux tourments inflig&eacute;s&nbsp;: le mode de l&rsquo;&eacute;cart entre le verbe et la repr&eacute;sentation sc&eacute;nique conditionne l&rsquo;empathie, voire la compassion du spectateur. Ce prisme th&eacute;orique nous servira de fil conducteur dans l&rsquo;analyse des pi&egrave;ces &eacute;voqu&eacute;es ici, fussent-elles m&eacute;di&eacute;vales ou propres au canon shakespearien. En d&rsquo;autres termes, la tension induite sur la sc&egrave;ne par la mise &agrave; distance affective que produit la narration qui vient se superposer &agrave; l&rsquo;action, alors m&ecirc;me qu&rsquo;elle g&eacute;n&egrave;re un contraste puissant &agrave; la violence crue de la repr&eacute;sentation, fera l&rsquo;objet d&rsquo;une analyse, dans ses diff&eacute;rentes d&eacute;clinaisons.&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La repr&eacute;sentation de la crucifixion se prolonge dans le m&ecirc;me cycle, par la mort et la descente de croix du Christ, sous le titre de&nbsp;<em>The Death and Burial&nbsp;; Mortificatio Cristi</em>.&nbsp;L&rsquo;atmosph&egrave;re est fort diff&eacute;rente de la pi&egrave;ce pr&eacute;c&eacute;dente, car sont pr&eacute;sents sur la sc&egrave;ne les t&eacute;moins de la crucifixion, Marie et Jean, entre autres personnages. L&rsquo;interaction de ces deux personnages clef, avec le Christ en croix, donne une coloration path&eacute;tique aux &eacute;changes entre le fils mourant et sa m&egrave;re, per&ccedil;us dans leur humanit&eacute; criante, puis entre l&rsquo;ap&ocirc;tre et la m&egrave;re de J&eacute;sus. La pr&eacute;sence de t&eacute;moins compatissants, sur la sc&egrave;ne, offre un relais &eacute;motionnel au spectateur de th&eacute;&acirc;tre, qui intensifie les &eacute;motions que ce dernier peut &eacute;prouver &agrave; la vue d&rsquo;un tel spectacle. Conform&eacute;ment au r&eacute;cit &eacute;vang&eacute;lique (Evangile de Jean), l&rsquo;ap&ocirc;tre prend alors la m&egrave;re du Christ sous sa protection, en promettant de consoler sa peine. L&rsquo;&eacute;motion induite par la repr&eacute;sentation trouve ainsi un exutoire narratif, dans l&rsquo;acceptation du deuil par Marie et la promesse d&rsquo;une consolation &agrave; venir.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le&nbsp;<em>planctus Mariae</em></span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Les &oelig;uvres de Shakespeare t&eacute;moignent tout particuli&egrave;rement de la tradition de la d&eacute;ploration, appliqu&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;poux d&eacute;funt ou &agrave; l&rsquo;enfant disparu. Elles &eacute;voquent &agrave; cet &eacute;gard le genre du&nbsp;<em>planctus Mariae&nbsp;</em>(forme th&eacute;&acirc;tralis&eacute;e centr&eacute;e sur la d&eacute;ploration mariale). La part r&eacute;serv&eacute;e &agrave; la dramatisation de la souffrance des proches de J&eacute;sus sur la croix se d&eacute;veloppe ainsi, jusqu&rsquo;&agrave; devenir un moment essentiel de ces repr&eacute;sentations. La figure de la Vierge est alors r&eacute;v&eacute;r&eacute;e pour son extr&ecirc;me compassion devant la souffrance de son fils crucifi&eacute;, souffrance qu&rsquo;elle reprend &agrave; son compte moralement et physiquement.</span><a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span style="color:#000099;">[2]</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Il est incontestable que cette forme dramaturgique rec&egrave;le un &eacute;norme potentiel &eacute;motionnel, corr&eacute;l&eacute; &agrave; l&rsquo;expression de la souffrance incommensurable de cette m&egrave;re embl&eacute;matique. Sans conteste, les spectateurs des repr&eacute;sentations d&rsquo;inspiration liturgique, dans l&rsquo;Angleterre m&eacute;di&eacute;vale, ressentaient fortement l&rsquo;impact de cette dimension path&eacute;tique.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans une perspective analogue &agrave; celle h&eacute;rit&eacute;e du th&eacute;&acirc;tre religieux m&eacute;di&eacute;val, si populaire dans l&rsquo;Angleterre d&rsquo;avant la R&eacute;forme, les artistes contemporains de Shakespeare, qui se donnent pour projet de d&eacute;peindre les implications de la perception de la souffrance humaine, utilisent largement le mode th&eacute;&acirc;tral comme v&eacute;hicule de transmission, afin de toucher au plus intime le public de leur &eacute;poque. En d&rsquo;autres termes, la repr&eacute;sentation de la souffrance accessible au plus grand nombre est, dans la seconde moiti&eacute; du seizi&egrave;me si&egrave;cle, tout autant de nature th&eacute;&acirc;trale qu&rsquo;iconographique (r&eacute;f&eacute;rence &agrave; l&rsquo;iconographie religieuse du Moyen &Acirc;ge et de la Renaissance italienne). Le th&eacute;&acirc;tre supplante l&rsquo;image pieuse dans le sillage de la r&eacute;volution iconoclaste inspir&eacute;e par la R&eacute;forme.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&Agrave; la faveur des nombreuses pi&egrave;ces o&ugrave; Shakespeare nous donne &agrave; entendre le discours de la souffrance, s&rsquo;&eacute;labore une r&eacute;flexion sur la compassion comme signe d&rsquo;humanit&eacute; (et nous retrouvons-l&agrave; ce que Levinas d&eacute;crira quatre si&egrave;cles plus tard). Cet &eacute;lan identificatoire, qui inspire aux t&eacute;moins de la souffrance d&rsquo;un de leurs contemporains, un geste d&rsquo;union, donne la mesure de leur humanit&eacute; face &agrave; la barbarie responsable de la souffrance d&eacute;plor&eacute;e. L&rsquo;&eacute;tude de ces personnages-t&eacute;moins nous montre qu&rsquo;il est essentiel, du point de vue dramatique, que ces derniers expriment leur &eacute;lan empathique vers la victime, afin que s&rsquo;&eacute;tablisse avec le spectateur dans la salle, de mani&egrave;re sym&eacute;trique, un jeu et un lien d&rsquo;identification.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Souffrance et compassion</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Comme le souligne l&rsquo;Abb&eacute; de Westminster dans&nbsp;<em>The Tragedy of King Richard the Second</em>, l&rsquo;expression de la souffrance peut rev&ecirc;tir un caract&egrave;re spectaculaire propice &agrave; l&rsquo;&eacute;motion&nbsp;: &laquo;&nbsp;A woeful pageant have we here beheld&nbsp;&raquo; (4,1,311). La r&eacute;f&eacute;rence m&eacute;tath&eacute;&acirc;trale induite par le terme &laquo;&nbsp;pageant&nbsp;&raquo; ne peut manquer de souligner le caract&egrave;re ritualis&eacute; de cette expression. Mais outre l&rsquo;habilet&eacute; du personnage/com&eacute;dien, c&rsquo;est &eacute;galement la r&eacute;action du public sur sc&egrave;ne qui est analys&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;I see your brows are full of discontent / your hearts of sorrow, and your eyes of tears&nbsp;&raquo; (320-21) [<em>Je vois le malaise sur votre visage, le chagrin dans vos c&oelig;urs, et les larmes dans vos yeux</em>]</span><a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><span style="color:#000099;">[3]</span></a><span style="color:#000000;">. Ce commentaire souligne le ph&eacute;nom&egrave;ne de compassion &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre, qui s&rsquo;apparente dans une certaine mesure &agrave; celui qui caract&eacute;rise la contemplation des images pieuses, mentionn&eacute;e plus haut. L&rsquo;analogie se trouve renforc&eacute;e par la parent&eacute; christique de la figure du roi Richard, dans sa dimension sacrificielle. L&rsquo;effet d&rsquo;osmose avec la souffrance repr&eacute;sent&eacute;e rec&egrave;le m&ecirc;me des vertus r&eacute;demptrices, &agrave; en croire le personnage de la reine&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;[&hellip;] behold/&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">That thou in pity may dissolve to dew,/&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">And wash him fresh again with true love tears/&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">&nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp;(5,1,8-15)</span><a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><span style="color:#000099;">[4]</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La th&eacute;orie d&eacute;velopp&eacute;e ici par ce personnage f&eacute;minin est conforme au cadre conceptuel chr&eacute;tien, qui sous-tend la pi&egrave;ce dans son ensemble. Les larmes de compassion, vers&eacute;es par les t&eacute;moins de la souffrance du roi, repr&eacute;sentent m&eacute;taphoriquement l&rsquo;eau lustrale, et peut-&ecirc;tre m&ecirc;me par analogie le saint-chr&ecirc;me, au pouvoir r&eacute;g&eacute;n&eacute;rant.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La r&eacute;flexion sur les vertus de la contemplation de la souffrance d&rsquo;autrui, et de la compassion qu&rsquo;elle suscite, est reprise dans&nbsp;<em>The History of King Lear&nbsp;</em>par le personnage d&rsquo;Edgar, cons&eacute;cutivement &agrave; la parodie de proc&egrave;s de Regan mis en sc&egrave;ne par le vieux Lear, lui-m&ecirc;me : &laquo;&nbsp;Let them anatomize Regan&nbsp;&raquo; 3,6,99-107. Edgar, touch&eacute; par le spectacle de la souffrance du roi Lear, d&eacute;crit l&rsquo;apaisement que la contemplation des tourments d&rsquo;autrui peut engendrer, en ces mots&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">When we our betters see bearing our woes,&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">We scarcely think our miseries our foes.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Who alone suffers, suffers most i&rsquo;the mind,&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Leaving free things and happy shows behind.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">But then the mind much sufferance doth o&rsquo;erskip,&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">When grief hath mates and bearing fellowship.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">How light and portable my pain seems now,&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">When that which makes me bend makes the King bow,&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">He childed as I fathered.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">(12, 95-103)</span><a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><span style="color:#000099;">[5]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cette situation met bien l&rsquo;accent sur la notion de partage de la souffrance et de commune humanit&eacute;. Le spectacle de la souffrance du roi fonctionne comme un rem&egrave;de &agrave; la souffrance d&rsquo;Edgar. Bien que tous deux souffrent, la condition royale du monarque le place au-dessus de tous, y compris dans l&rsquo;exp&eacute;rience de son tourment. Dans le r&eacute;f&eacute;rentiel politico-th&eacute;ologique de la monarchie de droit divin, la place supr&ecirc;me est accord&eacute;e au souverain, en toutes choses. Une telle sup&eacute;riorit&eacute; dans l&rsquo;exp&eacute;rience de la souffrance att&eacute;nue celle d&rsquo;Edgar, car la compassion que ce dernier &eacute;prouve face aux tourments du roi fonctionne en quelque sorte comme un baume sur ses propres plaies.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Un autre t&eacute;moignage empathique de la souffrance observ&eacute;e nous est propos&eacute; au cours de la sc&egrave;ne 17, par l&rsquo;un des gentilshommes t&eacute;moins. Nous en donnerons ici l&rsquo;int&eacute;gralit&eacute;, afin de disposer de la totalit&eacute; des &eacute;l&eacute;ments pertinents &agrave; l&rsquo;analyse du&nbsp;<em>pathos</em>&nbsp;de ce r&eacute;cit&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ay sir. She took them, read them in my presence,&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">And, now and then an ample tear trilled down&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Her delicate cheek. It seemed she was a queen&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Over her passion who, most rebel-like,&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Sought to be king o&rsquo;er her.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;(12-16)</span><a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><span style="color:#000099;">[6]</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Not to a rage. Patience and sorrow strove&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Who should express her goodliest. You have seen</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Sunshine and rain at once; her smiles and tears&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Were like, a better way. Those happy smilets&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">That played on her ripe lip seemed not to know&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">What guests were in her eyes, which parted thence&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">As pearls from diamonds dropped. In brief,&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Sorrow would be a rarity most beloved&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">If all could so become it.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;(17-25)</span><a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><span style="color:#000099;">[7]</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Faith, once or twice she heaved the name of &lsquo;father&rsquo;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Pantingly forth as if it pressed her heart,&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cried &lsquo;Sisters, sisters, shame of ladies, sisters,&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Kent, fathers, sisters, what I&rsquo;th&rsquo;storm, I&rsquo;th&rsquo;night,&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Let piety not be believed! There she shook&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">The holy water from her heavenly eyes&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">And clamour mastered, then away she started&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">To deal with grief alone.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;(26-32)</span><a href="#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><span style="color:#000099;">[8]</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le personnage t&eacute;moin d&eacute;crit longuement l&rsquo;&eacute;motion de Cord&eacute;lia &agrave; la r&eacute;ception de la lettre de Kent, l&rsquo;informant de l&rsquo;infortune de Lear. L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de cet exemple r&eacute;side dans la nature narrative du compte-rendu ainsi produit. Le chagrin de Cord&eacute;lia nous est donn&eacute; &agrave; voir par l&rsquo;interm&eacute;diaire du discours du t&eacute;moin de la sc&egrave;ne. Nous pouvons observer ici une forme de mise en abyme, dans la mesure o&ugrave; la souffrance du personnage de Cord&eacute;lia est elle-m&ecirc;me cons&eacute;cutive &agrave; la lecture d&rsquo;un r&eacute;cit &eacute;pistolaire&nbsp;: &laquo;&nbsp;Did your letters pierce the Queens to any demonstration of grief&nbsp;? [<em>Votre lettre a-t-elle arrach&eacute; &agrave; la reine quelque signe de chagrin</em>&nbsp;?]&nbsp;&raquo; (10/11). Le t&eacute;moin d&eacute;crit tr&egrave;s pr&eacute;cis&eacute;ment la succession des &eacute;motions douloureuses qui &eacute;treignent Cord&eacute;lia au fil de sa lecture. Il semble qu&rsquo;il nous donne &agrave; voir une sc&egrave;ne exemplaire, durant laquelle le personnage d&eacute;voile une dimension quasi-mariale&nbsp;: &laquo;&nbsp;There she shook / The holy water from her heavenly eyes&nbsp;&raquo; (vers 29-30). Les qualificatifs utilis&eacute;s d&eacute;signent une figure de pleureuse arch&eacute;typale, soulignant par l&agrave; m&ecirc;me la valeur fondamentale du personnage. Cette image survient en conclusion d&rsquo;un d&eacute;veloppement sur le conflit int&eacute;rieur &eacute;prouv&eacute; par Cord&eacute;lia, dans sa lutte pour dominer la violente &eacute;motion cons&eacute;cutive &agrave; la lecture des tourments de Lear (vers 12-16). L&rsquo;intensit&eacute; de la compassion observ&eacute;e chez Cord&eacute;lia signe la qualit&eacute; exceptionnelle de ce personnage, comme l&rsquo;illustre la nature de ses larmes. Par une analogie qui pr&eacute;figure l&rsquo;esth&eacute;tique baroque (&laquo;&nbsp;What guest were in her eyes, which parted thence / As pearls from diamonds dropped.&nbsp;&raquo;, vers 22-23), ou une r&eacute;f&eacute;rence directe &agrave; l&rsquo;univers th&eacute;ologique chr&eacute;tien (&laquo;&nbsp;The holy water&nbsp;&raquo;, vers 30), le dramaturge signale la singularit&eacute; de son personnage. Par ailleurs, le personnage se trouve investi d&rsquo;une dimension sup&eacute;rieure au commun par la qualit&eacute; quasi-divine des yeux qui versent les larmes (&laquo;&nbsp;heavenly eyes&nbsp;&raquo;). Sur ce point, nous pouvons &eacute;tablir une analogie avec la repr&eacute;sentation de certaines saintes, dont les productions lacrymales font office d&rsquo;&eacute;vocation des larmes de J&eacute;sus.&nbsp;&nbsp;Selon une logique similaire, l&rsquo;aptitude de la jeune femme &agrave; dominer son chagrin donne la mesure de sa qualit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;To deal with grief alone&nbsp;&raquo;&nbsp;&nbsp;(25). Le spectacle ainsi d&eacute;crit prend valeur d&rsquo;exemplum, pour les personnages du drame et la figure de Cord&eacute;lia incarne un mod&egrave;le de compassion envers la souffrance d&rsquo;autrui.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;&eacute;vocation mariale attach&eacute;e &agrave; Cord&eacute;lia donne une r&eacute;sonance christique toute singuli&egrave;re, au commentaire qu&rsquo;Edgar fait &agrave; propos du roi, dans la sc&egrave;ne 20, vers 81&nbsp;: &laquo;&nbsp;O thou side-piercing sight&nbsp;! [<em>O vision qui fait saigner notre flanc&nbsp;!</em>]&nbsp;&raquo;. Ces paroles &eacute;voquent la sc&egrave;ne arch&eacute;typale de d&eacute;ploration que l&rsquo;on trouve dans les Evangiles, lors de la crucifixion. Celle-ci &eacute;tait parfaitement famili&egrave;re aux contemporains de Shakespeare car les peintres de la Renaissance, qu&rsquo;ils soient italiens ou flamands, l&rsquo;avaient maintes fois illustr&eacute;e. Le roi p&eacute;lican, crucifi&eacute; sur l&rsquo;autel de la paternit&eacute;, devient la source d&rsquo;un transfert de blessure, aux yeux du spectateur de la sc&egrave;ne. Par un jeu rh&eacute;torique, la souffrance expos&eacute;e devient une arme tourn&eacute;e contre l&rsquo;observateur compatissant. La compassion renouvelle la souffrance et la sublime dans une certaine mesure.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Dans la sc&egrave;ne 18, Cord&eacute;lia d&eacute;crit elle-m&ecirc;me le ph&eacute;nom&egrave;ne de compassion &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans le regard qu&rsquo;elle porte sur le personnage de Lear&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">All blest secrets,&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">All you unpublished virtues of the earth,&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Spring with my tears, be aidant and remediate&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">In the good man&rsquo;s distress!&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;18, (16-19)</span><a href="#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><span style="color:#000099;">[9]</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;invocation formul&eacute;e par le personnage souligne les vertus consolatrices des larmes, qui pourraient peut-&ecirc;tre parvenir &agrave; assurer la r&eacute;demption du roi, dont nous savons qu&rsquo;il est ch&acirc;ti&eacute; par l&rsquo;objet m&ecirc;me de sa faute initiale. La vision des larmes d&eacute;velopp&eacute;e par le personnage de Lear est de nature diff&eacute;rente. Il n&rsquo;est nullement question des qualit&eacute;s r&eacute;paratrices de celles-ci, mais bien au contraire des tourments qu&rsquo;elles engendrent pour le personnage lui-m&ecirc;me, lorsqu&rsquo;il se d&eacute;crit comme soumis &agrave; la torture&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">You do me wrong to take me out o&rsquo;th&rsquo;grave.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Thou art a soul in bliss, but I am bound&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Upon a wheel of fire, that mine own tears&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Do scald like molten lead.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;21, (43-46)</span><a href="#_ftn11" name="_ftnref11" title=""><span style="color:#000099;">[10]</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Il est ais&eacute; de rep&eacute;rer dans ces propos la pr&eacute;sence en filigrane du mythe d&rsquo;Ixion, avec l&rsquo;&eacute;vocation de la roue de feu &agrave; laquelle Lear se trouve m&eacute;taphoriquement attach&eacute;. Toutefois cette mention n&rsquo;interdit en rien une lecture qui consisterait &agrave; voir dans cette description une forme de reprise de la situation de crucifixion, avec l&rsquo;&eacute;ventail des douleurs aff&eacute;rentes. D&rsquo;autant qu&rsquo;il a &eacute;t&eacute; fait explicitement r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la Passion du Christ pr&eacute;c&eacute;demment, &agrave; propos du spectacle du roi Lear rong&eacute; par le d&eacute;sespoir, (&laquo;&nbsp;O thou side-piercing sight&nbsp;&raquo;, Edgar (20, 81). La m&eacute;tamorphose des larmes en gouttes de plomb fondu d&eacute;crit une sorte de processus alchimique, au cours duquel la mati&egrave;re change de nature. L&rsquo;insistance du personnage sur la blessure engendr&eacute;e par l&rsquo;expression m&ecirc;me de sa souffrance est tout &agrave; fait singuli&egrave;re, dans la mesure o&ugrave; il semble que le cycle des douleurs ne connaisse jamais de r&eacute;pit. La souffrance donne naissance &agrave; une souffrance encore plus vive. Un peu plus t&ocirc;t dans le d&eacute;roulement chronologique de la pi&egrave;ce, Lear a d&eacute;fini les fondements de la condition humaine comme une propension &agrave; verser des larmes sur l&rsquo;injustice du sort in&eacute;luctable, qui unit tous les hommes&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">We came crying hither.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Thou know&rsquo;st the first time that we smell the air&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">We wail and cry.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">[&hellip;]</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">When we are born, we cry that we are come</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">To this great stage of fools.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;20, (171-172/180-181)</span><a href="#_ftn12" name="_ftnref12" title=""><span style="color:#000099;">[11]</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Conform&eacute;ment &agrave; cette analyse, les larmes marquent le d&eacute;but de la vie et jalonnent celle-ci jusqu&rsquo;&agrave; la mort. Cette perspective &eacute;pouse parfaitement la vision chr&eacute;tienne de la vie, repr&eacute;sent&eacute;e comme une vall&eacute;e de douleurs, depuis la naissance jusqu&rsquo;au tr&eacute;pas, dans la perspective d&rsquo;assurer le rachat de l&rsquo;homme p&eacute;cheur. Les larmes repr&eacute;sentent la trace tangible de cette souffrance, auquel nul ne saurait &eacute;chapper.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le proc&eacute;d&eacute; narratif utilis&eacute; dans&nbsp;<em>The History of King Lear</em>&nbsp;pour rendre compte de la souffrance de Cord&eacute;lia, est repris dans&nbsp;<em>The Winter&rsquo;s Tale</em>, lorsque l&rsquo;un des courtisans nous livre sa version des retrouvailles entre Perdita et le roi Leontes&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;[&hellip;] at the relation of the&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Queen&rsquo;s death, with the manner how she came to&rsquo;t</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Bravely confessed and lamented by the King, how</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Attentiveness wounded his daughter till from one sign</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Of dolour to another she did, with an &lsquo;Alas&rsquo; I would</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Fain say bleed tears; for I am sure my heart wept blood.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Who was most marble there changed colour. Some</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Swooned, all sorrowed. If all the world could have</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Seen&rsquo;t, the woe had been universal.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;5,2, (83-91)</span><a href="#_ftn13" name="_ftnref13" title=""><span style="color:#000099;">[12]</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;accent est mis, tout d&rsquo;abord, sur l&rsquo;expression des &eacute;motions ressenties par la jeune Perdita &agrave; l&rsquo;&eacute;coute des tourments de sa m&egrave;re&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;How attentiveness wounded his daughter till from one sign</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Of dolour to another she did, with an &ldquo;Alas&rdquo; I would</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Fain say bleed tears.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;(86-88)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cette expression d&rsquo;un intense chagrin, donne &agrave; son tour naissance &agrave; une souffrance empathique chez le spectateur&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;For I am sure my heart wept blood.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Who was most marble there changed colour. Some</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Swooned, all sorrowed. If all the world could have</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Seen&rsquo;t, the woe had been universal.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;(88-91)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;effet de contagion se traduit en termes linguistiques par le chiasme &laquo;&nbsp;bleed tears&nbsp;&raquo;/&laquo;&nbsp;wept blood&nbsp;&raquo; (88). L&rsquo;utilisation de cette figure de l&rsquo;&eacute;change diffracte le sens des r&eacute;f&eacute;rences humorales, et parvient &agrave; donner une repr&eacute;sentation complexe des &eacute;motions des personnages. La premi&egrave;re composante du chiasme &eacute;voque directement la blessure au c&ocirc;t&eacute; du Christ en croix, d&rsquo;o&ugrave; s&rsquo;&eacute;chappent sang et eau. Ainsi les larmes vers&eacute;es par Perdita &agrave; l&rsquo;&eacute;coute de l&rsquo;histoire tragique de ses parents lui conf&egrave;rent-elles une parent&eacute; christique, qui autorise le rachat de la faute initiale de ceux-ci. Nous sommes alors dans une dynamique dramatique parfaitement conforme &agrave; l&rsquo;univers de ce que l&rsquo;on caract&eacute;rise de &laquo;&nbsp;<em>Romances</em>&nbsp;&raquo;. Le second terme du chiasme r&eacute;f&egrave;re &agrave; l&rsquo;&eacute;motion du spectateur de la sc&egrave;ne, qui s&rsquo;exprime par des larmes de sang. L&rsquo;expression est convenue, pour la p&eacute;riode, tout comme pour l&rsquo;ensemble des &oelig;uvres de Shakespeare. Cependant, elle souligne parfaitement le processus de transfert de l&rsquo;&eacute;motion qui passe d&rsquo;un sujet &agrave; l&rsquo;autre, par le truchement du renversement op&eacute;r&eacute; sur un mode rh&eacute;torique.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;extension de la souffrance observ&eacute;e &agrave; la dimension universelle donne, une fois encore, une qualit&eacute; exemplaire au spectacle d&eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Some swooned, all sorrowed.&nbsp;If all the world could have / seen&rsquo;t, the woe had been universal.&nbsp;&raquo;&nbsp;Ceci ne peut manquer d&rsquo;&eacute;voquer la sc&egrave;ne de d&eacute;ploration christique mentionn&eacute;e pr&eacute;c&eacute;demment. La souffrance n&eacute;e de la compassion &eacute;prouv&eacute;e par le spectateur &eacute;mu de la souffrance de ses contemporains s&rsquo;apparente &agrave; celle des personnages pleurant la mort du Christ. Avec un degr&eacute; suppl&eacute;mentaire dans le d&eacute;calage sp&eacute;culaire, la souffrance dont il est question &eacute;voque m&ecirc;me celle des spectateurs inclus dans les repr&eacute;sentations iconographiques ou dramatiques, figurant la d&eacute;ploration de la mort du Christ. Il est int&eacute;ressant d&rsquo;observer le jeu des couleurs dans la description de l&rsquo;auditoire subjugu&eacute;. Les larmes de sang (&laquo;&nbsp;my heart wept blood&nbsp;&raquo;) du narrateur t&eacute;moin se conjuguent &agrave; l&rsquo;alt&eacute;ration visible du &lsquo;marbre&rsquo; des autres t&eacute;moins (&laquo;&nbsp;Who was most marble there changed colour&nbsp;&raquo; 89). Cette derni&egrave;re image r&eacute;f&egrave;re &agrave; la fois &agrave; la densit&eacute; de la roche, pour traduire l&rsquo;insensibilit&eacute; des personnages, mais &eacute;galement &agrave; l&rsquo;aspect poli et translucide de cette mati&egrave;re, par analogie avec le teint des courtisans. Le changement de couleur pour une dominante rouge, qui traduit l&rsquo;&eacute;motion, mat&eacute;rialise l&rsquo;effet du chagrin des personnages en termes quasi-picturaux.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Un tel ph&eacute;nom&egrave;ne de contagion par la souffrance, dans le cadre de la repr&eacute;sentation, fonctionne sur des plans diff&eacute;rents selon que le spectateur est interne ou externe &agrave; la fiction. En ce qui concerne les pi&egrave;ces dont nous traitons ici, les spectateurs sont toujours internes &agrave; la fiction. Cependant l&rsquo;utilisation de ce proc&eacute;d&eacute; par Shakespeare autorise la multiplication des niveaux de repr&eacute;sentation et l&rsquo;int&eacute;gration du spectateur de th&eacute;&acirc;tre dans le r&eacute;seau des figures de compassion. La repr&eacute;sentation mim&eacute;tique de la souffrance autorise incontestablement une telle complexit&eacute;. De plus, l&rsquo;interaction du mode mim&eacute;tique et du mode di&eacute;g&eacute;tique, dans cet exemple pr&eacute;cis, sollicite l&rsquo;imaginaire du spectateur dans la salle, en l&rsquo;invitant &agrave; se repr&eacute;senter mentalement la sc&egrave;ne d&eacute;crite, alors m&ecirc;me que la situation sc&eacute;nique met en relief son propre fonctionnement de repr&eacute;sentation. Shakespeare met en pr&eacute;sence deux modes de repr&eacute;sentation afin qu&rsquo;ils se r&eacute;pondent et parviennent &agrave; restituer de fa&ccedil;on plus saisissante l&rsquo;&eacute;motion des personnages, tout en offrant au spectateur la possibilit&eacute; de m&eacute;diter sur la nature de la repr&eacute;sentation qui lui est propos&eacute;e.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Dans son ouvrage intitul&eacute;&nbsp;<em>Hurt and Pain&nbsp;: Literature and the Suffering Body</em> (2013), Susannah B. Mintz souligne l&rsquo;importance du genre litt&eacute;raire dans l&rsquo;&eacute;vocation de la souffrance et des r&eacute;actions qu&rsquo;elle inspire&nbsp;: &laquo;&nbsp;The subject of&nbsp;<em>Hurt and&nbsp;Pain</em> is how writers &ldquo;treat&rdquo; pain in language.&nbsp;More specifically, my interest lies in the particulars of literary form as they shape pain in unique ways. What effect does genre have on the representation of pain? Is the compressed pain of poetry different from embodied pain on the stage? How does autobiographical pain differ from fictionalized pain? What happens when pain is witnessed rather than felt? [&hellip;] the form in which an account of pain comes to us will affect our responses to that encounter; genre may matter to the meaning of pain as much as the authority of medical diagnosis or the larger constructs (like family and religion) that govern how we make sense of experience&nbsp;&raquo;&nbsp;(Mintz, 2013, p. 3)</span><a href="#_ftn14" name="_ftnref14" title=""><span style="color:#000099;">[13]</span></a><span style="color:#000000;">.&nbsp;Le th&eacute;&acirc;tre, de l&rsquo;&eacute;poque antique &agrave; la modernit&eacute;, a en effet pour caract&eacute;ristique la capacit&eacute; d&rsquo;inclure le spectateur d&rsquo;une mani&egrave;re directe, qui engage le corps. Il l&rsquo;interpelle directement dans le lieu th&eacute;&acirc;tral et sur le plateau sc&eacute;nique, en mettant en sc&egrave;ne des spectateurs internes. Le jeu sp&eacute;culaire entre spectateurs externes et internes conna&icirc;t de toute &eacute;vidence une &eacute;volution au fil des si&egrave;cles de repr&eacute;sentation&nbsp;: l&rsquo;identification fonctionnait certainement tr&egrave;s bien &agrave; l&rsquo;&eacute;poque moderne, pour les pi&egrave;ces qui nous occupent ici, et l&rsquo;on peut se questionner sur la p&eacute;rennit&eacute; de ce processus identificatoire quatre si&egrave;cles plus tard. Sauf &agrave; envisager le talent du metteur en sc&egrave;ne comme un passeur d&rsquo;&eacute;motions et de reflets identificatoires, permettant l&rsquo;identification cathartique du spectateur externe. Le principe aristot&eacute;licien fonctionne particuli&egrave;rement bien dans les pi&egrave;ces historiques et les trag&eacute;dies de Shakespeare&nbsp;; le m&eacute;canisme cathartique semble s&rsquo;att&eacute;nuer dans ses &lsquo;romances&rsquo;, comme&nbsp;<em>The Tempest</em>, sans pour autant perdre de son efficacit&eacute;, mais plut&ocirc;t gagner en finesse et subtilit&eacute;.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Il est int&eacute;ressant de noter que, dans le th&eacute;&acirc;tre de Shakespeare, l&rsquo;aptitude &agrave; la compassion constitue &eacute;galement un atout politique, car elle est reconnue comme une vertu louable pour un pr&eacute;tendant au tr&ocirc;ne, selon la formule du roi Henry IV, dans&nbsp;<em>The Second Part of Henry the Fourth</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;For he is gracious, if he be observed&nbsp;; / He hath a tear for pity&nbsp;&raquo; (4, 3, 30-31) [<em>Car &agrave; bien le regarder, il est bienveillant&nbsp;: il verse une larme de compassion</em>]. En d&eacute;pit de tous les travers du jeune prince, sa sensibilit&eacute; &agrave; la souffrance d&rsquo;autrui apporte la preuve d&rsquo;une nature noble, propre &agrave; assumer la charge royale &agrave; venir. N&eacute;anmoins, nous ne manquerons pas de nous rem&eacute;morer ce commentaire lors de la sc&egrave;ne de rejet de Falstaff (5,4,47-51/63-65 &laquo;&nbsp;I know thee not, old man&nbsp;&raquo; [<em>Je ne te connais pas vieillard</em>]), au cours de laquelle le jeune monarque fera preuve d&rsquo;une inflexibilit&eacute; totale, devant la supplique de son ancien compagnon de d&eacute;bauche. Il semble que le jeune Henry V puisse user de sa facult&eacute; de compassion &agrave; dessein, avec le sens politique qui le caract&eacute;rise.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;autre monarque shakespearien &agrave; incarner la vertu de compassion est bien &eacute;videmment le roi Henry VI. Grand d&eacute;plorateur de la souffrance d&rsquo;autrui, il use lui-m&ecirc;me de ce proc&eacute;d&eacute; en faisant appel &agrave; la compassion des t&eacute;moins de sa propre souffrance, lorsque cela est n&eacute;cessaire. Dans&nbsp;<em>The First Part of Henry VI</em>, 3,1,109-112, il r&eacute;clame l&rsquo;indulgence de Gloucester devant son tourment int&eacute;rieur. Il est entendu de ce dernier, qui acc&egrave;de &agrave; sa demande en ces termes&nbsp;: &laquo;&nbsp;Compassion on the King commands me stoop [<em>La compassion envers le roi requiert que je m&rsquo;incline</em>]&nbsp;&raquo; (122). En cette occasion, le recours &agrave; la compassion devient un moyen de pression politique, ce qui ajoute une dimension &agrave; notre propos.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Pour compl&eacute;ter notre examen du traitement du ph&eacute;nom&egrave;ne de compassion envers la souffrance d&rsquo;autrui dans le th&eacute;&acirc;tre de Shakespeare penchons-nous sur&nbsp;<em>The Tempest</em>, o&ugrave; le dramaturge met en sc&egrave;ne l&rsquo;&eacute;change entre un personnage compatissant et un personnage commentateur du ph&eacute;nom&egrave;ne &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre. Au cours de la sc&egrave;ne 2 de l&rsquo;acte 1, Miranda s&rsquo;&eacute;meut de la souffrance des naufrag&eacute;s qu&rsquo;elle a vu engloutis par les flots, inconsciente de l&rsquo;artifice exerc&eacute; par son p&egrave;re Prospero dans le but de provoquer une rencontre avec les auteurs de son exil.&nbsp;&laquo;&nbsp;O, I have suffered/With those that I saw suffer [<em>Ah, comme j&rsquo;ai souffert / Avec ceux que j&rsquo;ai vus souffrir&nbsp;!</em>]&nbsp;&raquo; (5-6) sont les paroles qui introduisent l&rsquo;expression de sa commis&eacute;ration pour les tourments des cr&eacute;atures livr&eacute;es aux flots (5-9). Le spectacle de la souffrance fait vibrer la sensibilit&eacute; de Miranda, au point qu&rsquo;elle ressente &agrave; son tour une souffrance &eacute;gale&nbsp;: &laquo;&nbsp;The direful spectacle of the wreck, which touched/The very virtue of compassion in thee&nbsp;[<em>L&rsquo;effroyable spectacle de ce naufrage / qui &eacute;veilla ta compassion, si vertueuse</em>]&raquo; (26-27). La nature spectaculaire du naufrage est ici soulign&eacute;e, ce qui rejoint incidemment la probl&eacute;matique de l&rsquo;illusion propre &agrave; cette pi&egrave;ce. L&rsquo;accent est mis sur le potentiel &eacute;motif de la sc&egrave;ne donn&eacute;e &agrave; voir et sur le ressort m&eacute;tath&eacute;&acirc;tral en action. Miranda est qualifi&eacute;e de bonne spectatrice par Prospero, pour sa promptitude &agrave; adh&eacute;rer aux &eacute;motions exprim&eacute;es. Plus tard dans la m&ecirc;me sc&egrave;ne, &agrave; l&rsquo;&eacute;coute des tourments endur&eacute;s par Prospero lors de sa fuite, que ce dernier d&eacute;crit comme &laquo;&nbsp;our sea-sorrow [<em>notre chagrin maritime</em>]&nbsp;&raquo; (170), la jeune fille exprime &agrave; nouveau sa compassion pour celui qui souffre en ces termes&nbsp;: &laquo;&nbsp;O my heart bleeds&nbsp;[<em>Ah, mon c&oelig;ur saigne</em>]&nbsp;&raquo; (63). En cela, le personnage de Miranda apporte une dimension &eacute;motionnelle, et donc humaine, &agrave; l&rsquo;acte d&rsquo;&eacute;coute de la narration que livre Prospero. Elle fonctionne de ce fait comme un t&eacute;moin visible, pour le spectateur dans la salle, du&nbsp;<em>pathos&nbsp;</em>contenu dans le r&eacute;cit produit. Un ph&eacute;nom&egrave;ne comparable &agrave; certains &eacute;gards est d&eacute;crit dans&nbsp;<em>Othello</em>, lorsque le personnage &eacute;ponyme relate la gen&egrave;se de l&rsquo;attachement que lui voue Desdemona&nbsp;: &laquo;&nbsp;She loved me for the dangers I had passed,/And I loved her that she did pity them [<em>Elle s&rsquo;&eacute;prit de moi pour les dangers que j&rsquo;avais affront&eacute;s / Et je m&rsquo;&eacute;pris d&rsquo;elle pour la compassion qu&rsquo;elle me t&eacute;moigna</em>]&nbsp;&raquo; (1,3,155-157/166-167). L&rsquo;intensit&eacute; de l&rsquo;&eacute;motion identificatoire ressentie par Desdemona, &agrave; l&rsquo;&eacute;coute des discours d&rsquo;Othello, donne naissance au lien intime entre ces deux personnages. Le path&eacute;tique du r&eacute;cit touche le c&oelig;ur de la jeune femme, au point de faire na&icirc;tre l&rsquo;amour. Processus qui rel&egrave;ve d&rsquo;une logique chr&eacute;tienne o&ugrave; la compassion et l&rsquo;amour du prochain sont indissociables. &Agrave; la nuance pr&egrave;s qu&rsquo;il s&rsquo;agit ici d&rsquo;un amour conjugal, donc n&eacute;cessairement plus prosa&iuml;que. Cependant nous pouvons encore une fois observer le recours, par le dramaturge, au proc&eacute;d&eacute; d&rsquo;empathie avec celui qui souffre, dans le cadre d&rsquo;une r&eacute;flexion sur les propri&eacute;t&eacute;s de contagion de l&rsquo;&eacute;motion repr&eacute;sent&eacute;e ou narr&eacute;e.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Vers la fin de la pi&egrave;ce, la corr&eacute;lation entre l&rsquo;aptitude &agrave; s&rsquo;&eacute;mouvoir de la souffrance d&rsquo;autrui et le degr&eacute; d&rsquo;humanit&eacute; est reprise de fa&ccedil;on saisissante par Ariel, le serviteur non humain de Prospero&nbsp;: [&hellip;]&nbsp;&laquo;&nbsp;if you now beheld them, your affections/Would become tender [&hellip;]/Mine would, sir, were I human.&nbsp;[<em>Vous en auriez compassion/Si vous pouviez les voir en cette minute./J&rsquo;en aurais, mon ma&icirc;tre, si j&rsquo;&eacute;tais humain.</em>]&raquo; (5, 1, 11-19/20). Il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;une v&eacute;ritable le&ccedil;on d&rsquo;humanit&eacute; &agrave; l&rsquo;adresse de Prospero, de la part d&rsquo;une cr&eacute;ature attestant d&rsquo;une r&eacute;elle capacit&eacute; &agrave; s&rsquo;&eacute;mouvoir, alors que sa nature &eacute;th&eacute;r&eacute;e ne le laissait pas soup&ccedil;onner. Il est visible que l&rsquo;ensemble de la pi&egrave;ce permet au dramaturge d&rsquo;explorer la notion d&rsquo;humanit&eacute;, en ses divers aspects (Caliban, Ariel, les courtisans, les marins naufrag&eacute;s, etc.). Dans cette perspective, l&rsquo;exp&eacute;rience de la compassion donne une indication sur la qualit&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre humain du personnage concern&eacute;, par opposition &agrave; l&rsquo;animalit&eacute; ou &agrave; la barbarie. Prospero exprime sa prise de conscience de l&rsquo;importance de l&rsquo;empathie avec ceux qui souffrent en ces termes :</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Hast thou, which art but air, a touch, a feeling&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Of their afflictions, and shall not myself,&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">One of their kind, that relish all as sharply&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Passion, as they, be kindlier moved than thou art?</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;(21-24)</span><a href="#_ftn15" name="_ftnref15" title=""><span style="color:#000099;">[14]</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;opposition entre l&rsquo;humain et le non humain se trouve clairement expos&eacute;e dans ces propos, comme &eacute;tant li&eacute;e &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience de la compassion devant le spectacle de la souffrance humaine. Ceci r&eacute;f&egrave;re &agrave; la narration faite par Ariel de l&rsquo;affliction des courtisans naufrag&eacute;s.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;[&hellip;] The King,&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">His brother, and yours, abide all three distracted,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">And the remainder mourning over them&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Brimful of sorrow and dismay; but chiefly&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Him that you termed, sir, the good old Lord Gonzalo, /&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">His tears run down his beard like winter&rsquo;s drops&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">From eaves of reeds. Your charm so strongly works &lsquo;em</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">That if you now beheld them, your affections&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Would become tender.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;(11-19)</span><a href="#_ftn16" name="_ftnref16" title=""><span style="color:#000099;">[15]</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La r&eacute;v&eacute;lation en est d&rsquo;autant plus frappante qu&rsquo;elle vient d&rsquo;une cr&eacute;ature surnaturelle, qui d&eacute;voile l&rsquo;homme &agrave; lui-m&ecirc;me, par un effet de miroir. La pi&egrave;ce se cl&ocirc;t sur une sc&egrave;ne d&rsquo;absolution, cons&eacute;cutive &agrave; l&rsquo;attendrissement des c&oelig;urs endurcis. L&rsquo;effet r&eacute;manent de la compassion &eacute;prouv&eacute;e se d&eacute;finit une fois encore en r&eacute;f&eacute;rence &agrave; une morale jud&eacute;o-chr&eacute;tienne.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;aptitude &agrave; la compassion semble &ecirc;tre l&rsquo;apanage du monde naturel de l&rsquo;&icirc;le de Prospero, tandis qu&rsquo;elle fait l&rsquo;objet d&rsquo;un apprentissage pour les personnages qui arpentent cette terre magique. L&rsquo;&eacute;vocation de l&rsquo;emprisonnement d&rsquo;Ariel, (1, 2, 286-289), t&eacute;moigne de la capacit&eacute; &agrave; s&rsquo;&eacute;mouvoir qu&rsquo;ont les animaux de l&rsquo;&icirc;le, face aux lamentations d&rsquo;Ariel&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">[&hellip;] Thou best know&rsquo;st&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">What torment I did find thee in. Thy groans&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Did make wolves howl, and penetrate the breasts</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Of ever-angry bears [&hellip;].</span><a href="#_ftn17" name="_ftnref17" title=""><span style="color:#000099;">[16]</span></a><span style="color:#000099;">&nbsp;</span><span style="color:#000000;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La sensibilit&eacute; des b&ecirc;tes les plus sauvages d&eacute;passe celle de l&rsquo;homme, ou tout au moins celle de Prospero. Ce trait misanthrope, sous la plume de Shakespeare, conf&egrave;re une importance de premier plan aux situations d&rsquo;empathie avec ceux qui souffrent et place les personnages humains dans une probl&eacute;matique du rachat par l&rsquo;exp&eacute;rience de la compassion. Nous pourrions &eacute;galement voir l&agrave; un &eacute;cho &agrave; l&rsquo;opposition entre roi et simple citoyen que Shakespeare illustre dans&nbsp;<em>The History of King&nbsp;Lear</em>.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Conclusion</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Pour conclure mon propos, j&rsquo;aimerais revenir sur l&rsquo;impact du genre litt&eacute;raire sur le fonctionnement de la compassion dans le corpus qui m&rsquo;occupe. Le pouvoir du spectacle th&eacute;&acirc;tral sur le spectateur, constitue un sujet de r&eacute;flexion qui traverse l&rsquo;&oelig;uvre du dramaturge &eacute;lisab&eacute;thain&nbsp;; le ressort de la compassion lui permet de moduler les effets de la sc&egrave;ne, en jouant sur l&rsquo;impact &eacute;motionnel de la souffrance donn&eacute;e &agrave; voir. La probl&eacute;matique de la repr&eacute;sentation de la souffrance -&nbsp;f&ucirc;t-elle mim&eacute;tique ou di&eacute;g&eacute;tique -&nbsp;traverse divers drames, et permet d&rsquo;analyser le mode de perception de la souffrance chez les personnages et les spectateurs, ainsi que la nature spectaculaire de cette derni&egrave;re.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Une approche comparatiste des deux versions de la trag&eacute;die du roi Lear qui nous sont parvenues offre un exemple int&eacute;ressant de r&eacute;&eacute;valuation par le dramaturge du discours de la souffrance, et du ph&eacute;nom&egrave;ne de compassion &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre. Au cours de la sc&egrave;ne 14 de&nbsp;<em>The History of King Lear&nbsp;</em>(<em>in-quarto</em>&nbsp;de 1608), le personnage de Gloucester est &eacute;nucl&eacute;&eacute; de fa&ccedil;on visible pour tous. Cet acte de barbarie est d&eacute;nonc&eacute; par deux serviteurs qui expriment leur r&eacute;volte, ainsi que leur compassion pour la victime&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Second servant&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;I&rsquo;ll never care what wickedness I do</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;If this man come to good</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Third servant&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;If she live long</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;And in the end meet the old course of death,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Women will all turn monsters.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Second servant Let&rsquo;s follow the old Earl and get the bedlam</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;To lead him where he would. His roguish madness</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Allows itself to anything.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Third servant&nbsp;&nbsp;Go thou. I&rsquo;ll fetch some flax and whites of eggs</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;To apply to his bleeding face.&nbsp;Now heaven help him!</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;(97-105)</span><a href="#_ftn18" name="_ftnref18" title=""><span style="color:#000099;">[17]</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La fonction de ce commentaire&nbsp;<em>a posteriori&nbsp;</em>est d&rsquo;humaniser l&rsquo;acte de torture, d&rsquo;att&eacute;nuer le choc cons&eacute;cutif &agrave; la brutalit&eacute; de l&rsquo;acte, &agrave; l&rsquo;intention du spectateur interne &agrave; la fiction ou t&eacute;moin de la fiction&nbsp;; c&rsquo;est bien l&rsquo;expression de l&rsquo;&eacute;motion ressentie devant ce spectacle, qui permet cela. La r&eacute;volte exprim&eacute;e par ces deux serviteurs devant l&rsquo;horreur du spectacle, ainsi que leur sollicitude pour la victime, restituent une dimension humaine &agrave; la situation. L&rsquo;&eacute;motion n&rsquo;a pas d&eacute;sert&eacute; l&rsquo;univers tragique de la pi&egrave;ce. N&eacute;anmoins le personnage de Gloucester, lui, ne livre pas sa perception et la victime ne donne pas la mesure de sa souffrance. D&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;importance des paroles formul&eacute;es par les t&eacute;moins, pour relayer la r&eacute;ception d&rsquo;une telle horreur par le spectateur dans la salle. Le discours compassionnel souligne la dimension physique et morale de la souffrance du personnage. Il traduit une perception intime de cette souffrance, que le spectateur est invit&eacute; &agrave; partager, par effet de contigu&iuml;t&eacute;.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&Agrave; l&rsquo;inverse, dans&nbsp;The <em>Tragedy of King Lear</em>, version l&eacute;g&egrave;rement post&eacute;rieure du m&ecirc;me drame retenue pour l&rsquo;<em>in-folio&nbsp;</em>des &oelig;uvres compl&egrave;tes en 1623, la sc&egrave;ne d&rsquo;&eacute;nucl&eacute;ation de Gloucester se cl&ocirc;t par le renvoi de Gloucester et la blessure fatale de Cornwall. Les tirades des deux serviteurs ne figurent plus en conclusion de cette sc&egrave;ne insoutenable. L&rsquo;effet produit est celui d&rsquo;un renforcement de la brutalit&eacute; des traitements inflig&eacute;s &agrave; Gloucester et, par voie de cons&eacute;quence, il semble que le spectateur dans la salle fasse &eacute;galement l&rsquo;objet d&rsquo;une forme de violence. De fait, l&rsquo;horreur du spectacle des tortures inflig&eacute;es &agrave; Gloucester n&rsquo;est en rien euph&eacute;mis&eacute;e. Le spectateur reste sur une sc&egrave;ne terrifiante, sans pouvoir adh&eacute;rer &eacute;motionnellement &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience de la victime. Ce qui pourrait passer pour une mise &agrave; distance du spectateur, dans l&rsquo;absence d&rsquo;expression de la souffrance, est plut&ocirc;t une source de choc &eacute;motionnel car le spectacle reste brut. Il est &eacute;vident qu&rsquo;il y a l&agrave;, comme toujours, place pour un choix de mise en sc&egrave;ne, car l&rsquo;horreur pouss&eacute;e &agrave; l&rsquo;extr&ecirc;me peut aussi g&eacute;n&eacute;rer une forme de distanciation, qui prot&egrave;ge le public d&rsquo;une identification &eacute;motionnelle. N&eacute;anmoins, il est incontestable que la perte du regard compatissant des personnages internes &agrave; la fiction modifie radicalement la nature du spectacle repr&eacute;sent&eacute;, ainsi que sa r&eacute;ception.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cette ambigu&iuml;t&eacute; r&eacute;manente, qui laisse une place int&egrave;gre au choix du metteur en sc&egrave;ne, souligne la versatilit&eacute; du fonctionnement identificatoire dans le jeu de la compassion &agrave; partir d&rsquo;une repr&eacute;sentation sc&eacute;nique. L&rsquo;option de l&rsquo;association &eacute;motionnelle peut permettre le fonctionnement cathartique qui conduit &agrave; une forme de paix consolatrice. Ou bien, si l&rsquo;on choisit de forcer le trait de l&rsquo;horreur, il s&rsquo;op&egrave;re alors une forme d&rsquo;anesth&eacute;sie du c&oelig;ur, que l&rsquo;on peut qualifier d&rsquo;effet de sid&eacute;ration, dissociant au fond les spectateurs du sentiment d&rsquo;une commune humanit&eacute;. Un tel effet de sid&eacute;ration pour le spectateur, face &agrave; la violence crue de la repr&eacute;sentation priv&eacute;e de l&rsquo;effet d&rsquo;att&eacute;nuation du discours, ne laisse d&rsquo;&eacute;voquer le proc&eacute;d&eacute; coutumier des pi&egrave;ces&nbsp;<em>in-yer-face,</em> du th&eacute;&acirc;tre contemporain. En effet, dans ce type de repr&eacute;sentation contemporaine, le spectateur est expos&eacute; &agrave; une violence crue dont il doit s&rsquo;accommoder sans soutien narratif. Seul le choc de la violence sc&eacute;nique demeure.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Liste des pi&egrave;ces de Shakespeare cit&eacute;es dans l&rsquo;article</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><em><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">The Tragedy of King Richard the Second</span></span></span></em></p> <p style="text-align: justify;"><em><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">The History of King Lear</span></span></span></em></p> <p style="text-align: justify;"><em><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">The Tragedy of King Lear</span></span></span></em></p> <p style="text-align: justify;"><em><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">The Winter&rsquo;s Tale</span></span></span></em></p> <p style="text-align: justify;"><em><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">The Tempest</span></span></span></em></p> <p style="text-align: justify;"><em><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">The Second Part of Henry the Fourth&nbsp;</span></span></span></em></p> <p style="text-align: justify;"><em><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">The First Part of Henry VI</span></span></span></em></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h1 style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Bibliographie</span></span></span></strong><w:sdtpr></w:sdtpr></h1> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Audi&nbsp;Paul, 2011,&nbsp;<em>L&rsquo;Empire de la compassion</em>, Paris, Encre Marine.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Kundera&nbsp;Milan, 1989, <em>L&rsquo;insoutenable l&eacute;g&egrave;ret&eacute; de l&rsquo;&ecirc;tre</em>, trad. F. K&eacute;rel, revue par l&rsquo;auteur, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Folio&nbsp;&raquo;.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Levinas&nbsp;Emmanuel, 1994,&nbsp;&laquo;&nbsp;Une &eacute;thique de la souffrance&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Autrement</em>, s&eacute;rie &laquo;&nbsp;Mutations&nbsp;&raquo;, n&deg;142, f&eacute;vrier.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mintz&nbsp;Susannah B., 2013, <em>Hurt and Pain: Literature and the Suffering Body</em>, Londres: Bloomsbury.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Sticca&nbsp;Sandro, 1988, The &ldquo;Planctus Mariae&rdquo; in <em>the Dramatic Tradition of the Middle Ages</em>,&nbsp;trad. Joseph R. Berrigan, Londres, U of Georgia.</span></span></span></p> <div> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <hr size="1" /> <div id="ftn1"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span style="color:#000099;">[1]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;<strong>Marie-Christine Munoz-L&eacute;vi</strong>,&nbsp;Ma&icirc;tre de Conf&eacute;rences en litt&eacute;rature anglaise du XVIe si&egrave;cle,&nbsp;Universit&eacute; Paul Val&eacute;ry Montpellier III,&nbsp;ReSO UR 4582, email de contact&nbsp;:&nbsp;</span><a href="mailto:marie-christine.munoz@univ-montp3.fr"><span style="color:#000099;">marie-christine.munoz@univ-montp3.fr</span></a></span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span style="color:#000099;">[2]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;&laquo;&nbsp;The cult of the five sorrows and the wounds of the Virgin&mdash;the manifestation of her&nbsp;<em>compassion</em>&mdash;was a direct response to the needs of the consolatory emotionalism elaborated by the spirituality of the eleventh and twelfth centuries; it found expression not only in prose composition but also in lyrics&nbsp;&raquo; (Sticca, 1988, p. 60).</span></span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span style="color:#000099;">[3]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Ma traduction.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span style="color:#000099;">[4]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;[&hellip;] <em>Voyez&nbsp;/&nbsp;Afin que la compassion vous transforme en une ros&eacute;e / Qui le ravive de l&rsquo;eau de ses authentiques larmes d&rsquo;amour.</em></span></span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><span style="color:#000099;">[5]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;<em>Lorsque plus grand que nous partage nos souffrances, / A peine nos malheurs nous semblent ennemis / Qui souffre seul souffre davantage en esprit / Laissant derri&egrave;re lui bonheur et insouciance ; / Que de tourments s&rsquo;&eacute;pargne alors l&rsquo;esprit / Quand douleur et chagrin souffrent de compagnie / Que ma peine &agrave; pr&eacute;sent me semble supportable / Lorsque ce qui me courbe a fait plier le roi / Lui ses filles, moi mon p&egrave;re.</em>&nbsp;</span></span></span><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&laquo;&nbsp;When we see our superiors afflicted by our troubles, we find it easier to bear our own miseries. Edgar&rsquo;s first eight lines play variations on the proverb &lsquo;It is good to have company in misery&rsquo;&nbsp;&raquo; (Dent, C571), &eacute;dition The Arden Shakespeare, ed.&nbsp;R.A. Foakes, 1997.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn7"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><span style="color:#000099;">[6]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;<em>Oui, monsieur ; l&rsquo;ayant prise, elle l&rsquo;a lue en ma pr&eacute;sence / Et de temps en temps, une grosse larme coulait / Sur sa joue d&eacute;licate ; c&rsquo;&eacute;tait bien l&agrave; une reine / Ma&icirc;trisant son &eacute;moi, qui, en vrai rebelle, / Cherchait &agrave; &ecirc;tre son roi.</em></span></span></span></p> </div> <div id="ftn8"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><span style="color:#000099;">[7]</span></a><em><span style="color:#000000;">&nbsp;Pas jusqu&rsquo;&agrave; la fureur ; patience et douleur luttaient / A qui lui donnerait l&rsquo;expression la plus belle. Vous avez vu / Soleil et pluie ensemble ; ses sourires et ses larmes / Etaient semblables &agrave; cela, en mieux ; ses sourires heureux / Qui jouaient sur ses l&egrave;vres m&ucirc;res semblaient ignorer / Les h&ocirc;tes de ses yeux, qui s&rsquo;en allaient, / Pareils &agrave; des perles tombant de deux diamants. En bref, / La douleur serait pr&eacute;cieuse et ador&eacute;e / Si chacun pouvait ainsi l&rsquo;embellir.</span></em></span></span></p> </div> <div id="ftn9"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><span style="color:#000099;">[8]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;<em>En v&eacute;rit&eacute;, une ou deux fois elle exhala le mot &laquo;&nbsp;p&egrave;re&nbsp;&raquo; / En haletant comme s&rsquo;il oppressait son c&oelig;ur&nbsp;/&nbsp;Elle g&eacute;mit : &laquo;&nbsp;Mes s&oelig;urs! Mes s&oelig;urs! Honte des femmes&nbsp;! Mes s&oelig;urs! / Kent! Mon p&egrave;re! Mes s&oelig;urs! Quoi? Dans l&rsquo;orage! Dans la nuit? / Qu&rsquo;on ne croie plus &agrave; la piti&eacute;!&nbsp;&raquo; Alors elle essuya / L&rsquo;eau b&eacute;nie de ses yeux c&eacute;lestes / Que mouillaient ses plaintes, puis elle s&rsquo;&eacute;loigna / Pour lutter seule avec le chagrin.&nbsp;</em></span></span></span></p> </div> <div id="ftn10"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref10" name="_ftn10" title=""><span style="color:#000099;">[9]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;<em>&Ocirc; vous, tous les secrets b&eacute;nis,&nbsp;/&nbsp;Toutes les vertus m&eacute;dicinales inconnues des plantes&nbsp;/Surgissez gr&acirc;ce &agrave; mes larmes! Soyez une aide et un rem&egrave;de/&nbsp;A la d&eacute;tresse de cet homme bon!</em></span></span></span></p> </div> <div id="ftn11"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><span style="color:#000099;">[10]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;<em>Vous me faites du tort, de m&rsquo;arracher &agrave; la tombe ; / Toi, tu es une &acirc;me bienheureuse ; mais moi je suis attach&eacute; / Sur une roue de feu, mes propres larmes / Me br&ucirc;lent comme du plomb fondu.</em></span></span></span></p> </div> <div id="ftn12"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref12" name="_ftn12" title=""><span style="color:#000099;">[11]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;<em>Nous venons au monde en pleurant : / Tu le sais, la premi&egrave;re fois que nous humons l&rsquo;air / Nous vagissons et pleurons [&hellip;] / En naissant, nous pleurons de para&icirc;tre /&nbsp;&nbsp;Sur ce grand th&eacute;&acirc;tre des fous.</em></span></span></span></p> </div> <div id="ftn13"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref13" name="_ftn13" title=""><span style="color:#000099;">[12]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;<em>Lorsque fut cont&eacute;e la mort de la reine, avec les circonstances qui la caus&egrave;rent&mdash;vaillamment confess&eacute;es et d&eacute;plor&eacute;es par le roi : sa fille en fut bless&eacute;e par son attention m&ecirc;me, &agrave; tel point que glissant d&rsquo;une expression &agrave; l&rsquo;autre de sa douleur, elle g&eacute;mit &laquo;&nbsp;H&eacute;las!&nbsp;&raquo; tout en saignant&nbsp;des larmes, j&rsquo;ose le dire, car je suis s&ucirc;r que&nbsp;mon&nbsp;propre c&oelig;ur a pleur&eacute; du sang. Oui, les c&oelig;urs de pierre ont alors chang&eacute; de couleur ; quelques-uns s&rsquo;&eacute;vanouirent, tous se lament&egrave;rent; si le monde entier l&rsquo;avait vu, l&rsquo;affliction aurait &eacute;t&eacute; universelle.</em></span></span></span></p> </div> <div id="ftn14"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref14" name="_ftn14" title=""><span style="color:#000099;">[13]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;<em>Le th&egrave;me de&nbsp;</em>La Blessure<em> et la douleur&nbsp;est le traitement langagier de la douleur. Je m&rsquo;attache plus pr&eacute;cis&eacute;ment au fonctionnement de la forme litt&eacute;raire lorsqu&rsquo;elle fa&ccedil;onne la douleur d&rsquo;une mani&egrave;re unique. Quels sont les effets du genre sur la repr&eacute;sentation de la douleur? L&rsquo;expression concentr&eacute;e de la douleur en po&eacute;sie diff&egrave;re-t-elle de la douleur incarn&eacute;e sur sc&egrave;ne. Dans quelle mesure la douleur autobiographique diff&egrave;re-t-elle de la douleur de fiction? Que se passe-t-il lorsque la douleur est contempl&eacute;e plut&ocirc;t qu&rsquo;&eacute;prouv&eacute;e? [&hellip;] le genre influence probablement autant la signification de la douleur que l&rsquo;autorit&eacute; du&nbsp;discours m&eacute;dical ou d&rsquo;autres param&egrave;tres (tels que la famille et la religion) qui influencent notre compr&eacute;hension de l&rsquo;exp&eacute;rience en question.</em></span></span></span></p> </div> <div id="ftn15"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref15" name="_ftn15" title=""><span style="color:#000099;">[14]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;<em>Car toi qui n&rsquo;est qu&rsquo;une forme de l&rsquo;air, / Tu es &eacute;mu, leur affliction te touche ; et moi / Qui suis de leur esp&egrave;ce et ressens la souffrance / Aussi durement qu&rsquo;eux, je n&rsquo;aurais pas davantage de compassion ?</em></span></span></span></p> </div> <div id="ftn16"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref16" name="_ftn16" title=""><span style="color:#000099;">[15]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;<em>Le roi de Naples / Et son fr&egrave;re et le v&ocirc;tre continuent / Tous trois de d&eacute;lirer, au grand dam des autres / Qui d&eacute;bordent d&rsquo;angoisse et de d&eacute;sarroi ;/ Et parmi eux surtout celui que vous avez appel&eacute;, mon ma&icirc;tre,&nbsp;Le bon vieux seigneur Gonzalo&nbsp;&raquo;. Celui-l&agrave; / Ses pleurs trempent sa barbe comme en hiver / L&rsquo;eau de la pluie ruisselle des toits de chaume. Vos enchantements les travaillent si puissamment / que vous en auriez compassion / Si vous pouviez les voir en cette minute.</em></span></span></span></p> </div> <div id="ftn17"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref17" name="_ftn17" title=""><span style="color:#000099;">[16]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;<em>Et tu sais / Mieux que personne au sein de quelles affres Je t&rsquo;ai trouv&eacute;. Tes g&eacute;missements / Faisaient hurler les loups, ils touchaient le c&oelig;ur / Toujours furieux des ours.</em></span></span></span></p> </div> <div id="ftn18"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://1F7381D7-AA77-4245-BB65-BBE701A32F81#_ftnref18" name="_ftn18" title=""><span style="color:#000099;">[17]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;<em>[<u>Deuxi&egrave;me serviteur</u>&nbsp;: Je commettrais sans sourciller n&rsquo;importe quel crime / Si cet homme-l&agrave; finit bien.&nbsp;/&nbsp;<u>Troisi&egrave;me serviteur</u>&nbsp;: Et elle, si elle vit longtemps, / Et finit par mourir de mort naturelle, /Toutes les femmes vont se changer en monstres. /&nbsp;<u>Deuxi&egrave;me serviteur</u>&nbsp;: Suivons le vieux comte et demandons au fou de Bedlam / De le conduire o&ugrave; il voudra&nbsp;: sa folie vagabonde /&nbsp;Se pr&ecirc;te &agrave; tout. /<u>Troisi&egrave;me serviteur</u>&nbsp;: Va toi ; et moi j&rsquo;irai chercher de la charpie et des blancs d&rsquo;&oelig;uf / Pour les appliquer sur son visage en sang. Et que le ciel l&rsquo;assiste!]</em></span></span></span></p> </div> </div>