<p style="text-align: center;"><strong><span style="font-size:24px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;empathie comme levier de conscientisation spectatorielle dans les sc&egrave;nes contemporaines</span></span></strong></p> <p><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Sunga Kim<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span style="color:#000099;">[1]</span></a></span></span></p> <p><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le th&eacute;&acirc;tre contemporain (&agrave; comprendre dans ce texte en tant que genre hybride et multidisciplinaire et non en tant que th&eacute;&acirc;tre &laquo;&nbsp;de notre &eacute;poque&nbsp;&raquo;) depuis de nombreuses ann&eacute;es d&eacute;j&agrave; et &agrave; travers des sc&egrave;nes souvent controvers&eacute;es, place le spectateur face &agrave; des repr&eacute;sentations singuli&egrave;res du personnage dramatique. Plut&ocirc;t que de chercher une assimilation au personnage ou une transmission de ses &eacute;motions, la sc&egrave;ne se peuple de mod&egrave;les vari&eacute;s d&rsquo;un &ecirc;tre &laquo;&nbsp;autre&nbsp;&raquo; toujours plus &agrave; la marge. Ceux-ci sont alors incarn&eacute;s par des corps alt&eacute;r&eacute;s mis en sc&egrave;ne pour ce qu&rsquo;ils sont autant que pour ce qu&rsquo;ils repr&eacute;sentent (corps souffrants, ab&icirc;m&eacute;s, traumatis&eacute;s, hybrides, r&eacute;ifi&eacute;s, etc.) et qui font, du fait de leur nature m&ecirc;me, brutalement rejaillir leur r&eacute;alit&eacute; sous-jacente et une part d&rsquo;intimit&eacute; li&eacute;e.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;exposition de ces corps met &agrave; mal les conventions habituelles du th&eacute;&acirc;tre, car le quatri&egrave;me mur s&rsquo;effrite lorsque les spectateurs sont priv&eacute;s du confort li&eacute; &agrave; leur position d&rsquo;observateurs distanci&eacute;s. Cet article s&rsquo;attachera &agrave; interroger les ph&eacute;nom&egrave;nes empathiques alors mis en jeu par ces pr&eacute;sences sc&eacute;niques, probl&eacute;matiques en ce qu&rsquo;ils se pr&eacute;sentent comme autant de d&eacute;fis lanc&eacute;s &agrave; chaque spectateur&nbsp;: quelles sont les limites de ce qu&rsquo;il est pr&ecirc;t &agrave; voir, &agrave; interpr&eacute;ter&nbsp;? &Agrave; quoi est-il pr&ecirc;t &agrave; donner du sens, quitte &agrave; transgresser ses propres valeurs ? Afin, sinon de r&eacute;pondre &agrave; ces interrogations &agrave; la fronti&egrave;re entre &eacute;thique et esth&eacute;tique, au moins d&rsquo;y apporter une r&eacute;flexion &agrave; la lumi&egrave;re des recherches th&eacute;&acirc;trales actuelles, cet article m&ecirc;lera arguments th&eacute;oriques et analyse de sc&egrave;nes th&eacute;&acirc;trales figurant des visions marginales de l&rsquo;autre. Pour saisir l&rsquo;ampleur de ces ph&eacute;nom&egrave;nes empathiques, il conviendra d&rsquo;approcher dans un premier temps l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; du personnage fictif portant un fort caract&egrave;re r&eacute;el. Ces observations conduiront, dans un deuxi&egrave;me temps, &agrave; &eacute;tudier l&rsquo;une des r&eacute;actions &eacute;motionnelles provoqu&eacute;es par ces relations empathiques particuli&egrave;res, &agrave; savoir une forme de ressentiment, et la mani&egrave;re dont elle r&eacute;sonne chez le spectateur. Enfin, l&rsquo;&eacute;tude de r&eacute;alisations sc&eacute;niques mettant en &eacute;vidence le lien entre l&rsquo;acteur et le spectateur dans une confrontation tendue permettra d&rsquo;inscrire ces arguments dans la pratique. Les spectacles qui serviront, &agrave; ce titre, d&rsquo;appui &agrave; ces r&eacute;flexions sont les suivants&nbsp;: <em>Orph&eacute;e et Eurydice </em>(2014) de Romeo Castellucci mythifiant la souffrance et le handicap, <em>Exhibit B</em> (2013) de Brett Bailey exposant la diff&eacute;rence de l&rsquo;autre dans une dissonance entre r&eacute;el et repr&eacute;sentation, et <em>La vall&eacute;e de l&rsquo;&eacute;trange</em> (2018) de Rimini Protokoll jouant du corps objet pour surprendre le spectateur.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Du personnage &agrave; la personne&nbsp;: l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; du r&eacute;el sur sc&egrave;ne</span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le th&eacute;&acirc;tre semble s&rsquo;&eacute;vertuer, depuis qu&rsquo;il a &eacute;t&eacute; ceint de murs, &agrave; instaurer une distance certaine vis-&agrave;-vis de la r&eacute;alit&eacute; ext&eacute;rieure, non seulement pour favoriser la production de sc&egrave;nes imaginaires, mais aussi pour pouvoir se placer en retrait du monde, l&rsquo;observer et l&rsquo;aborder selon une vision parall&egrave;le qui permet un d&eacute;tachement et un recul par rapport aux faits. Dans les sc&egrave;nes contemporaines cependant, cette fronti&egrave;re entre le dedans et le dehors, est constamment franchie pour acc&eacute;der notamment aux lieux du quotidien, pour atteindre une forme d&rsquo;impr&eacute;visibilit&eacute; et d&rsquo;instantan&eacute;it&eacute;, ou encore pour introduire sur sc&egrave;ne une personne r&eacute;elle et son intimit&eacute;. Cela s&rsquo;observe la plupart du temps selon deux modalit&eacute;s qui, bien qu&rsquo;elles aient souvent lieu de mani&egrave;re concomitante, offrent une approche du r&eacute;el &agrave; la fois mat&eacute;rielle et dramatique&nbsp;: d&rsquo;une part le th&eacute;&acirc;tre documentaire, dans lequel le r&eacute;cit dramatique repose sur le fait historique ou personnel, et d&rsquo;autre part l&rsquo;exhibition du corps, de ses caract&egrave;res ph&eacute;notypiques &agrave; sa mat&eacute;rialit&eacute; organique int&eacute;rieure, offrant une visualisation imm&eacute;diate et concr&egrave;te des r&eacute;actions nerveuses et &eacute;motionnelles. Les corps alors mis en sc&egrave;ne, comme pour marquer plus fortement encore leur appartenance au r&eacute;el, sont souvent ab&icirc;m&eacute;s, d&eacute;form&eacute;s, malades ou portent les traces physiques de blessures psychologiques ou corporelles, et peuvent tout aussi bien &ecirc;tre des corps hybrides, des &laquo;&nbsp;corps-limite&nbsp;&raquo;, des corps-m&eacute;moire qui instaurent un sentiment d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. Qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de douleurs corporelles ou de dommages m&eacute;moriels, ils portent la charge leur histoire propre, et deviennent d&egrave;s lors objets sc&eacute;niques.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">De mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale, lorsque l&rsquo;acteur apparait en sc&egrave;ne en incarnant un personnage, son identit&eacute; propre est dissimul&eacute;e derri&egrave;re le r&ocirc;le qui lui est confi&eacute;, &agrave; travers les diff&eacute;rents attributs qui lui serviront &agrave; l&rsquo;endosser au mieux (maquillage, costume, masque, accessoire, etc.) et les techniques d&rsquo;interpr&eacute;tation dramatique (d&eacute;nomination, geste, mouvement, narration, etc.). La pr&eacute;sence d&rsquo;un individu actant expos&eacute; en son corps singulier sera au contraire comme une mise &agrave; nu de son intimit&eacute;, sa pr&eacute;sence reposant avant tout sur certains traits personnels et corporels diff&eacute;renciant et marquant. Certes, l&rsquo;acteur en personnage offre &eacute;galement &agrave; la vue des spectateurs une r&eacute;alit&eacute; de par son visage, sa voix, son allure, sa silhouette, ses habitudes comportementales, etc., tout comme il transmet des &eacute;motions en interagissant avec le regard spectatoriel, mais tout ceci vise n&eacute;anmoins &agrave; ne repr&eacute;senter qu&rsquo;un seul personnage englobant et &agrave; accorder du mieux possible ce qui est dit et ce qui est montr&eacute;. Lorsque l&rsquo;on met en sc&egrave;ne des corps &laquo;&nbsp;hors norme&nbsp;&raquo; ou alt&eacute;ris&eacute;s, ce n&rsquo;est plus le personnage qui est visible au premier abord, mais c&rsquo;est le corps qui est personnifi&eacute;, dramatis&eacute;, mythifi&eacute; et m&eacute;taphoris&eacute; jusqu&rsquo;&agrave; devenir lui-m&ecirc;me narrateur de sa propre r&eacute;alit&eacute;, renversant la r&egrave;gle du <em>jeu</em>. De l&agrave; surgit une ambigu&iuml;t&eacute; issue de la constante cohabitation entre la fiction et le r&eacute;el qui ne cesse de la d&eacute;noncer.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&Agrave; ce propos d&rsquo;ailleurs, Christian Biet et Chistophe Triau consacrent, dans leur ouvrage commun, une partie de leurs r&eacute;flexions &agrave; l&rsquo;acteur et &agrave; son corps, notamment au sujet du &laquo;&nbsp;corps expos&eacute;&nbsp;&raquo; dans une mise en sc&egrave;ne d&eacute;nu&eacute;e d&rsquo;illusion. Les auteurs &eacute;voquent alors la production d&rsquo;une &laquo;&nbsp;&eacute;motion th&eacute;&acirc;trale&nbsp;&raquo; issue de l&rsquo; &laquo;&nbsp;appr&eacute;ciation d&rsquo;une exhibition technique&nbsp;&raquo; mais aussi d&rsquo;une mani&egrave;re particuli&egrave;re &laquo;&nbsp;de rendre sensible de l&rsquo; &ldquo;humanit&eacute;&rdquo;&nbsp;&raquo; (Biet, Triau, 2006, p.805). L&rsquo;intimit&eacute; de l&rsquo;individu ainsi expos&eacute;e est, selon les deux chercheurs, source de complexit&eacute; &eacute;motionnelle, et par la surprise qu&rsquo;elle provoque, soumet au regard des spectateurs quelque chose qui d&eacute;passe ce qu&rsquo;ils pensaient voir, accentuant ce faisant l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; de ce qui est montr&eacute; et de ce qui est per&ccedil;u. Cette apparition brute de l&rsquo;individualit&eacute; corporelle de l&rsquo;acteur contribue &agrave; faire, autant que possible de la &laquo; pr&eacute;sence humaine &raquo; le moyen d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; l&rsquo; &laquo; &eacute;preuve intime et partag&eacute;e &raquo; (<em>ibid</em>., p. 811) dont parle les auteurs&nbsp;:</span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ni construction spectaculaire ni pur retrait, mais exp&eacute;rience intime, celle-ci se proposerait au spectateur pour qu&rsquo;il s&rsquo;y reconnaisse et en fasse, de sa propre mani&egrave;re, l&rsquo;exp&eacute;rience d&eacute;stabilisatrice &ndash; singuli&egrave;re et commune. Il s&rsquo;agirait donc, dans ce type de th&eacute;&acirc;tre, de faire de la pr&eacute;sence de l&rsquo;acteur le lieu d&rsquo;une d&eacute;possession et d&rsquo;une mise &agrave; nu.&nbsp;(<em>ibid</em>., p. 809)</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Lorsqu&rsquo;il est question de pr&eacute;sences sc&eacute;niques hors-normes, le t&eacute;moignage du r&eacute;el est port&eacute; par la seule pr&eacute;sence de l&rsquo;autre et par ce qu&rsquo;il repr&eacute;sente, en termes d&rsquo;extr&eacute;mit&eacute;, par son corps lui-m&ecirc;me, son histoire, sa m&eacute;moire, tout ce qui est v&eacute;hicul&eacute; par le simple fait qu&rsquo;il soit l&agrave;, expos&eacute; au regard des spectateurs.&nbsp; Parfois mise en exergue par le texte et la narration, c&rsquo;est par cette pr&eacute;sence en collision frontale avec le principe d&rsquo;imitation (&agrave; comprendre ici comme la <em>mimesis</em> aristot&eacute;licienne fondamentale au th&eacute;&acirc;tre et non selon les principes d&rsquo;indentification empathique d&eacute;velopp&eacute;s dans les champs psychologiques ou psychanalytique), et par l&rsquo;empathie dont elle est la cible, que se d&eacute;clencheront chez les spectateurs l&rsquo;ensemble des processus empathiques &eacute;tudi&eacute;s ici. Cette empathie par int&eacute;gration du r&eacute;el repose sur une projection complexe du soi dans l&rsquo;autre, semble-t-il, et sur un processus de renversement conduisant <em>in fine </em>jusqu&rsquo;au retour sur soi de son propre regard. L&rsquo;autre ne repr&eacute;sentant plus en effet un &ecirc;tre &agrave; voir, mais plut&ocirc;t &agrave; reconnaitre, &agrave; faire r&eacute;sonner en soi, pour finir par se voir soi-m&ecirc;me &agrave; travers lui. Ainsi, de la prise de conscience de la diff&eacute;rence de l&rsquo;autre na&icirc;tra un sentiment d&rsquo;appartenance &agrave; une communaut&eacute; d&rsquo;&ecirc;tres sensibles, ce que Jacques Hochmann d&eacute;crit comme la reconnaissance d&rsquo;un &laquo;&nbsp;semblable &eacute;tranger&nbsp;&raquo; permettant la construction d&rsquo;une conscience commune&nbsp;:</span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&#39;autre, en moi, se constitue &agrave; la fois comme semblable et comme &eacute;tranger dans une r&eacute;ciprocit&eacute; constitutive de notre &ldquo;accouplement&rdquo; (que Ric&oelig;ur traduit par &ldquo;appariement&rdquo;) et, par-del&agrave;, de la communaut&eacute; des semblables, o&ugrave; l&#39;autre me constitue, &agrave; son tour, comme semblable &eacute;tranger. C&#39;est d&#39;ailleurs de cet accouplement (appariement) que jaillit la conscience d&#39;un moi appartenant &agrave; ce que Montaigne appelait &ldquo;l&#39;humaine condition&rdquo;, une conscience co-produite avec la conscience de l&#39;autre. Ce que je d&eacute;couvre dans cette &ldquo;intersubjectivit&eacute; transcendantale&rdquo; c&rsquo;est la possibilit&eacute; d&rsquo;un monde objectif. Per&ccedil;ue empathiquement, l&rsquo;exp&eacute;rience de l&rsquo;alter ego me donne un autre point de vue sur le monde. [&hellip;] L&rsquo;objectivit&eacute; du monde, et la g&eacute;n&eacute;ralisation de la conscience de cette objectivit&eacute;, est le r&eacute;sultat de cette correspondance empathique &eacute;largie &agrave; la communaut&eacute; des hommes qui devient comme une conscience collective sur laquelle cette objectivit&eacute; s&rsquo;inscrit.&nbsp;(Hochmann, 2015, p. 30-31)</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cette acceptation de l&rsquo;&ecirc;tre sc&eacute;nique, malgr&eacute; toutes les diff&eacute;rences physiques qui le s&eacute;parent du spectateur, comme un autre semblable &agrave; soi instaure les conditions n&eacute;cessaires au d&eacute;veloppement d&rsquo;une forme d&rsquo;empathie particuli&egrave;re, que Fr&eacute;d&eacute;rique de Vignemont nomme l&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;empathie reconstructive&nbsp;&raquo; (Vignemont (de), 2008, p. 341) et qui repose sur la mise en jeu de ses &laquo;&nbsp;propres ressources &eacute;motionnelles pour comprendre autrui&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>., p. 342). En effet, contrairement &agrave; une r&eacute;action bas&eacute;e sur la seule identification/reconnaissance des &eacute;motions et des sensations de l&rsquo;autre selon des indices corporels ext&eacute;rieurs (grimaces, r&eacute;flexes, etc.), il s&rsquo;agit l&agrave; plut&ocirc;t de la compilation d&rsquo;informations tir&eacute;es du contexte ext&eacute;rieur et des ressentis aboutissant &agrave; une &laquo;&nbsp;simulation de la situation &eacute;motionnelle de l&rsquo;autre&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>.), et donc &agrave; une plus grande compr&eacute;hension de ce qu&rsquo;il ressent et de ce qu&rsquo;il est.&nbsp; Elle implique un important processus intellectuel de collecte et de tri des donn&eacute;es per&ccedil;ues lors de la confrontation &agrave; l&rsquo;autre. La vision de ce corps portant les stigmates d&rsquo;une exp&eacute;rience de la douleur met ainsi en &eacute;moi les spectateurs, et les conduit &agrave; une r&eacute;action empathique r&eacute;v&eacute;lant tout &agrave; la fois la fragilit&eacute; et la r&eacute;silience propres &agrave; l&rsquo;homme. En effet, selon Luc Boltanski, c&rsquo;est par un effort d&rsquo;imagination et de projection que le spectateur se fera sa propre &laquo;&nbsp;repr&eacute;sentation des sentiments et des sensations du souffrant&nbsp;&raquo; (Boltanski, 1993, p. 62), sans pour autant s&rsquo;identifier &agrave; lui ou se mettre &agrave; sa place, mais en imaginant ses ressentis et ses &eacute;motions, dans un acte semblant d&eacute;nu&eacute; d&rsquo; &laquo;&nbsp;int&eacute;r&ecirc;t &eacute;go&iuml;ste&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>., p. 63). Il n&rsquo;est en effet pas envisageable que le spectateur ressente une quelconque douleur &agrave; la place du souffrant, mais il est plut&ocirc;t question de celle que ce dernier ressent et avec laquelle le spectateur entre en empathie.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cette pr&eacute;sence sc&eacute;nique peut de ce fait &ecirc;tre source d&rsquo;une certaine g&ecirc;ne pour le spectateur, qui aura &agrave; voir avec les pr&eacute;jug&eacute;s moraux ou sociaux que la diff&eacute;rence suscite parfois chez l&rsquo;observateur n&rsquo;y &eacute;tant pas habitu&eacute;. De l&agrave; pourra na&icirc;tre un questionnement &eacute;thique, quant &agrave; cette pr&eacute;sence et le positionnement moral du spectateur vis-&agrave;-vis de celle-ci. Il serait en effet compr&eacute;hensible de mettre en doute les motivations justifiant l&rsquo;exposition sc&eacute;nique de la douleur ou de ses r&eacute;miniscences, et d&rsquo;interroger sa n&eacute;cessit&eacute; artistique comme son &laquo;&nbsp;utilisation&nbsp;&raquo; &agrave; des fins de communication ou de sensationnalisme. Car il est ind&eacute;niable que le corps alt&eacute;r&eacute; puisse &ecirc;tre compris, selon les sensibilit&eacute;s de chacun, comme une forme d&rsquo;expression sc&eacute;nique tout autant que comme la cible d&rsquo;une curiosit&eacute; sinon malsaine, au moins d&eacute;plac&eacute;e. Ces interrogations pourront, &agrave; partir des relations empathiques d&eacute;crites jusqu&rsquo;ici, initier des r&eacute;actions de l&rsquo;ordre de la r&eacute;sistance &eacute;motionnelle chez le spectateur, sur lesquels il conviendra de se pencher dans les paragraphes suivants.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;indignation ou le premier pas vers un retour sur soi</span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Il ne s&rsquo;agit donc plus ici de la question de la perception ou non des choses relevant de l&rsquo;empathie vis-&agrave;-vis d&rsquo;un personnage fictif, mais plut&ocirc;t de la mani&egrave;re de percevoir l&rsquo;autre dans une monstration crue de son intime et des possibles surprises, d&eacute;rangements ou inqui&eacute;tudes qu&rsquo;elle peut susciter. C&rsquo;est ce que semble confirmer Paul Ardenne lorsqu&rsquo;il aborde les m&eacute;canismes d&rsquo;une r&eacute;ception engendr&eacute;e par une &laquo;&nbsp;forme <em>autre</em>&nbsp;&raquo; du corps, en dehors des normes et de la recherche du beau, visant &agrave; &laquo;&nbsp;faire valoir que le corps en soi est une construction aberrante&nbsp;&raquo;, et par lequel les artistes chercheraient &agrave; affirmer que &laquo;&nbsp;l&rsquo;image du corps la plus proche de la v&eacute;rit&eacute; est [&hellip;] l&rsquo;image du corps anormal&nbsp;&raquo; (Ardenne, 2001, p. 381). D&egrave;s lors que cette forme extr&ecirc;me de r&eacute;alit&eacute; corporelle fait irruption sur sc&egrave;ne, elle vient heurter les limites de l&rsquo;illusion sc&eacute;nique, et de fait met en p&eacute;ril la position du spectateur in&eacute;vitablement devenue pr&eacute;caire, d&eacute;stabilis&eacute; par ce que cette d&eacute;monstration de corps interroge quant &agrave; ses propres limites. Dans le m&ecirc;me ouvrage, Paul Ardenne insiste en effet sur la notion de &laquo;&nbsp;figure d&eacute;doubl&eacute;e&nbsp;&raquo;, sur le fait qu&rsquo;un autre puisse &laquo;&nbsp;me repr&eacute;senter sans &ecirc;tre moi&nbsp;&raquo;, car dans la monstruosit&eacute; de l&rsquo;autre, c&rsquo;est bien souvent sa propre intol&eacute;rance et ses propres limites empathiques qui s&rsquo;affichent. &laquo;&nbsp;L&rsquo;individu en apparence normal, le voil&agrave; sans doute, le monstre vrai&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>., p. 384), ponctue-t-il. Chacun est par l&agrave; mis face &agrave; lui-m&ecirc;me, et la vision de la sc&egrave;ne le ram&egrave;ne &agrave; sa propre personne, &agrave; son propre corps, ou selon les mots de Pierre Ancet dans un ouvrage d&eacute;di&eacute; aux &laquo;&nbsp;monstres humains&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span style="color:#000099;">[2]</span></a>, &agrave; sa &laquo;&nbsp;propre difformit&eacute; int&eacute;rieure&nbsp;&raquo; (Ancet, 2006, p.&nbsp;V). Le m&ecirc;me auteur d&eacute;veloppe par ailleurs, dans un article d&eacute;di&eacute; &agrave; un sujet connexe, une id&eacute;e similaire en indiquant&nbsp;que lorsqu&rsquo;un observateur fixe son regard sur un corps difforme, &laquo;&nbsp;pris au pi&egrave;ge par sa pulsion scopique&nbsp;&raquo; (Ancet, 2018, p.&nbsp;46), il finit par l&rsquo;en d&eacute;tourner, et c&rsquo;est alors en lui-m&ecirc;me qu&rsquo;il le dirige, pour mieux se jauger et se placer &eacute;thiquement vis-&agrave;-vis de l&rsquo;autre. Ainsi, c&rsquo;est vers ses propres faiblesses et ses propres peurs, par des expressions inconscientes d&rsquo;attraction ou de d&eacute;go&ucirc;t, que le regard du spectateur sera dirig&eacute;, par l&rsquo;interm&eacute;diaire de cette pr&eacute;sence sc&eacute;nique &eacute;crasante de r&eacute;el et par la douleur qu&rsquo;elle repr&eacute;sente. Le corps abim&eacute; ou marqu&eacute; de l&rsquo;autre renvoie donc le spectateur &agrave; ce qu&rsquo;il cache et refoule en lui-m&ecirc;me.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">C&rsquo;est ainsi le caract&egrave;re r&eacute;el des &eacute;motions et des situations transmises par la sc&egrave;ne qui sera &agrave; m&ecirc;me de g&eacute;n&eacute;rer et d&rsquo;agglom&eacute;rer diff&eacute;rents &eacute;l&eacute;ments tels que le choc, la peur, la piti&eacute;, la compassion, ind&eacute;pendants les uns des autres mais pouvant se combiner ou se superposer en ce que Catherine Naugrette nomme &laquo;&nbsp;un processus d&rsquo;intellection&nbsp;&raquo; (Naugrette, 2011, p. 175) proche de la <em>simulation </em>&eacute;voqu&eacute;e pr&eacute;c&eacute;demment par Fr&eacute;d&eacute;rique de Vignemont et menant au final &agrave; un ressentiment de la part du spectateur, ou plus pr&eacute;cis&eacute;ment &agrave; une forme d&rsquo; &laquo;&nbsp;indignation&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>., p. 177). Ce m&eacute;canisme repose sur un ph&eacute;nom&egrave;ne de l&rsquo;ordre de la r&eacute;v&eacute;lation pouvant aboutir &agrave; une forme de devenir acteur du spectateur, c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; une interpr&eacute;tation consciente de ce qu&rsquo;il voit et qui va &agrave; l&rsquo;encontre du poncif habituel pla&ccedil;ant le spectateur dans une position inactive de torpeur et de passivit&eacute;. Mettant en jeu les valeurs de chacun, l&rsquo;indignation pousse le spectateur &agrave; s&rsquo;interroger, aussi bien sur les sujets port&eacute;s par les pr&eacute;sences sc&eacute;niques que sur les limites de ce qu&rsquo;il accepte de consid&eacute;rer comme relevant de la cr&eacute;ation artistique. C&rsquo;est ici d&rsquo;une r&eacute;action &agrave; diverses formes de transgression dont il est question, et de ce que Mathilde Arrigoni d&eacute;crit dans son ouvrage <em>Le th&eacute;&acirc;tre contestataire</em>, comme des &laquo;&nbsp;choc[s] mora[ux]&nbsp;&raquo; (Arrigoni, 2017, p. 114). Cette notion, que l&rsquo;auteure emprunte &agrave; James Macdonald Jasper, repose sur une &laquo; r&eacute;action visc&eacute;rale&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>.) dont l&rsquo;origine serait un trop fort d&eacute;calage entre la r&eacute;alit&eacute; visible et les valeurs de l&rsquo;observateur. Transpos&eacute;e dans le contexte dramatique, le choc moral prend le r&ocirc;le d&rsquo;un &laquo;&nbsp;r&eacute;v&eacute;lateur &raquo; ayant pour objectif de &laquo;&nbsp;provoquer &eacute;motionnellement&nbsp;&raquo; le spectateur pour qu&rsquo;il &laquo;&nbsp;s&rsquo;implique dans ce qu&rsquo;il voit&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>., p. 115).</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;indignation pourra donc se produire dans le th&eacute;&acirc;tre lorsqu&rsquo;un &eacute;l&eacute;ment quelconque entrera en collision avec les pr&eacute;conceptions et les pr&eacute;jug&eacute;s du spectateur sur ce qui ne peut ou ne doit pas &ecirc;tre fait, dit ou montr&eacute; en termes d&rsquo;&eacute;thique, de morale, de conventions ou de r&egrave;gles institutionnelles. Ainsi son impact, sa force et sa violence en somme sont-elles d&eacute;pendantes des rep&egrave;res du spectateur, de ces origines sociales ou culturelles par exemple. C&rsquo;est une forme de transgression qui s&rsquo;appuie sur les individualit&eacute;s, leurs singularit&eacute;s et leurs perceptions. Lorsqu&rsquo;elle est d&rsquo;ordre intellectuelle, elle renvoie chacun &agrave; ses propres limites, et met ce faisant les spectateurs face &agrave; eux-m&ecirc;mes, les amenant &eacute;ventuellement &agrave; supporter ce qu&rsquo;ils consid&egrave;rent comme intol&eacute;rable. C&rsquo;est &eacute;galement ce que souligne &Eacute;milie Combes, &agrave; savoir qu&rsquo;en soumettant le spectateur &agrave; une situation &eacute;tonnante ou d&eacute;rangeante, la transgression v&eacute;cue au th&eacute;&acirc;tre pourrait conduire le &laquo;&nbsp;lecteur-spectateur [&agrave;] acc&eacute;der &agrave; une nouvelle prise de conscience du soi&nbsp;&raquo; (Combes, 2017, p. 55-56).</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Pour faire suite &agrave; ces d&eacute;veloppements th&eacute;oriques, et ancrer les r&eacute;flexions sur les relations empathiques dont il &eacute;tait jusqu&rsquo;ici question ainsi que le ph&eacute;nom&egrave;ne d&rsquo;indignation dans la r&eacute;alit&eacute; des interactions th&eacute;&acirc;trales, les paragraphes suivants s&rsquo;appuieront sur trois cr&eacute;ations contemporaines qui serviront d&rsquo;&eacute;tude de cas. En s&rsquo;appuyant sur la dramatisation de personnages r&eacute;els, soit pr&eacute;sents en sc&egrave;ne soit existant ou ayant exist&eacute;, les trois spectacles cit&eacute;s donneront non seulement un aper&ccedil;u de la diversit&eacute; de ces repr&eacute;sentations de l&rsquo;autre, mais aussi des modalit&eacute;s mises en &oelig;uvre pour provoquer l&rsquo;indignation chez le spectateur. Ainsi sera-t-il plus ais&eacute; de d&eacute;crire les m&eacute;canismes par lesquels l&rsquo;empathie caus&eacute;e par ces pr&eacute;sences &agrave; forte charge r&eacute;aliste agit sur la r&eacute;ception du spectateur, en &eacute;branlant ses valeurs et en entrant en dissonance avec le contexte fictif attendu.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Une relation empathique construite sur la dramatisation de l&rsquo;intimit&eacute;</span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans l&rsquo;op&eacute;ra <em>Orph&eacute;e et Eurydice</em> (2014), mis en sc&egrave;ne &agrave; la Monnaie de Bruxelles, Romeo Castellucci fait intervenir sur un &eacute;cran dispos&eacute; au sein de la sc&egrave;ne une patiente atteinte du syndrome d&rsquo;enfermement (<em>locked-in syndrome</em>)<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span style="color:#000099;">[3]</span></a><span new="" roman="" times="">. Comme pour marquer l&rsquo;importance primordiale de cette pr&eacute;sence, l&rsquo;op&eacute;ra d&eacute;bute avec l&rsquo;affichage du pr&eacute;nom de la jeune femme, Els, seule indication dans le noir de l&rsquo;ouverture du spectacle. Lorsque la chanteuse incarnant le personnage d&rsquo;Orph&eacute;e entame sa partition, la vid&eacute;o d&eacute;crit, en temps r&eacute;el, la route menant jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;h&ocirc;pital dans lequel Els est trait&eacute;e, pla&ccedil;ant ainsi le spectateur &agrave; la premi&egrave;re personne, en lieu et place de son conjoint, pendant que les surtitres lui r&eacute;v&egrave;lent quelques d&eacute;tails sur sa vie, de sa naissance &agrave; son accident. Ainsi sont-ils impliqu&eacute;s &eacute;motionnellement du simple fait de leur statut de regardant, endossant par procuration le r&ocirc;le d&rsquo;Orph&eacute;e cheminant pour retrouver sa jeune &eacute;pouse &laquo;&nbsp;m&eacute;taphoriquement&nbsp;&raquo; emprisonn&eacute;e, partageant la responsabilit&eacute; du regard du h&eacute;ros mythique transpos&eacute;e sous la forme d&rsquo;une interrogation sur le regard spectatoriel. Par la suite, Els occupera l&rsquo;&eacute;cran et l&rsquo;attention, alit&eacute;e dans sa chambre d&rsquo;h&ocirc;pital. &Eacute;coutant l&rsquo;op&eacute;ra en direct, elle repr&eacute;sente une figure d&eacute;doubl&eacute;e de l&rsquo;Eurydice du mythe interpr&eacute;t&eacute;e par une autre chanteuse sur sc&egrave;ne. Ce qui tient r&eacute;ellement lieu de rencontre frontale entre Els et les spectateurs ne surviendra pourtant qu&rsquo;&agrave; la fin de la repr&eacute;sentation, pendant un assez court moment de confrontation &laquo;&nbsp;&agrave; distance&nbsp;&raquo;, dans les limites physiques de l&rsquo;&eacute;cran : son visage, film&eacute; en gros plan, immobile except&eacute;s les quelques fr&eacute;missements de paupi&egrave;res et de pupilles, empli l&rsquo;&eacute;cran et la sc&egrave;ne. Le mouvement de va-et-vient ainsi op&eacute;r&eacute; entre les deux histoires permet au mythe et &agrave; la r&eacute;alit&eacute; de s&rsquo;appuyer l&rsquo;un sur l&rsquo;autre pour amplifier leurs sens respectifs, et ainsi aboutir &agrave; une compr&eacute;hension par rebonds successifs du r&eacute;cit global. La souffrance d&rsquo;Els, l&rsquo;enfermement dans son propre corps, la communication minimaliste &agrave; laquelle elle est contrainte, repr&eacute;sentent autant de mati&egrave;res r&eacute;elles amenant sur sc&egrave;ne un contraste intense avec le r&eacute;cit tragique. C&rsquo;est alors la th&eacute;&acirc;tralit&eacute; elle-m&ecirc;me qui est remise en question par la force de repr&eacute;sentation aussi crue qu&rsquo;esth&eacute;tique de ce corps ainsi contextualis&eacute;.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La pr&eacute;sence d&rsquo;Els fait en effet surgir un espace parall&egrave;le de r&eacute;alit&eacute;, soigneusement juxtapos&eacute; &agrave; l&rsquo;espace sc&eacute;nique de la fiction, jusqu&rsquo;&agrave; ce que le premier impr&egrave;gne quasi parfaitement le r&eacute;cit dramatique. Les surtitres projet&eacute;s &agrave; l&rsquo;&eacute;cran, v&eacute;ritables didascalies donnant acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;intimit&eacute; &laquo;&nbsp;dramatis&eacute;e&nbsp;&raquo; d&rsquo;Els, instaurent une distance d&eacute;lib&eacute;r&eacute;e entre la r&eacute;alit&eacute; de la vie de la patiente et la trag&eacute;die d&rsquo;Eurydice, sans aucun enchev&ecirc;trement narratif, ce qui aura pour effet d&rsquo;induire une complexit&eacute; &eacute;motionnelle faisant osciller les spectateurs entre bouleversement sensible et la r&eacute;v&eacute;lation critique de leur regard. Ainsi le spectateur pourra-t-il envisager cette pr&eacute;sence en d&eacute;passant tout sentiment de curiosit&eacute; ou de superficialit&eacute;. Car c&rsquo;est en effet, comme l&rsquo;expliquent Jean-Pierre Ryngaert et Julie Sermon, la somme des informations connues sur un personnage qui permet un &laquo;&nbsp;sentiment de familiarit&eacute;&nbsp;&raquo; (Ryngaert, Sermon, 2006, p. 135) chez le spectateur, donnant d&egrave;s lors acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;intimit&eacute; du personnage. Aussi paradoxal que cela puisse sembler, la r&eacute;v&eacute;lation de l&rsquo;intimit&eacute; est ici ce qui lib&egrave;re du sentiment de voyeurisme ou d&rsquo;exhibitionnisme, du fait de la proximit&eacute; affective qui s&rsquo;instaure entre le regardant et le regard&eacute;. D&egrave;s lors, c&rsquo;est d&rsquo;une part le caract&egrave;re du regard spectatoriel qui sera modifi&eacute; par la r&eacute;action empathique, mais celui-ci sera &eacute;galement &agrave; son tour source d&rsquo;un changement de qualit&eacute; de son objet. Une boucle d&rsquo;&eacute;changes &eacute;motionnels entre regardant et regard&eacute; est ainsi entretenue par cette confrontation ambigu&euml; (physiquement distante, mais affectivement proche) qui brouille les positions de chacun autant qu&rsquo;elle annule la distance psychologique qui les s&eacute;pare habituellement.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Sans changer de position ni de statut, en demeurant face &agrave; l&rsquo;&eacute;cran et en soutenant le regard d&rsquo;Els, le spectateur par sa fonction de regardant se superpose au r&ocirc;le d&rsquo;Orph&eacute;e. L&rsquo;accentuation du statut spectatoriel habituellement qualifi&eacute; de passif, immobile et silencieux, cr&eacute;e un parall&egrave;le entre sa condition et la suj&eacute;tion forc&eacute;e d&rsquo;Orph&eacute;e face &agrave; la fatalit&eacute;. Ainsi, comme le personnage mythique confront&eacute; &agrave; la disparition in&eacute;luctable de son amour, le spectateur doit composer avec le fait d&rsquo;&ecirc;tre incapable de faire quoi que ce soit pour la personne r&eacute;elle qu&rsquo;il observe depuis le d&eacute;but du spectacle et avec laquelle il noue in&eacute;vitablement un lien empathique. C&rsquo;est de cet inconfort et de cette situation inextricable que pourra na&icirc;tre le sentiment d&rsquo;indignation &eacute;voqu&eacute; plus haut, de la confrontation avec une personne qui &agrave; la fois peut para&icirc;tre exploit&eacute;e et souffrante tout en &eacute;tant volontairement l&agrave; pour la regarder et ne pouvant rien faire pour elle.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Susciter l&rsquo;indignation par le corps fait Autre</span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans un tout autre registre, il est &agrave; pr&eacute;sent plut&ocirc;t question de l&rsquo;indignation que peut provoquer une certaine image de l&rsquo;autre contextualis&eacute;e, th&eacute;&acirc;tralis&eacute;e et spectacularis&eacute;e, &agrave; certains degr&eacute;s m&ecirc;me manipul&eacute;e pour faire de lui un &ecirc;tre alt&eacute;r&eacute;. C&rsquo;est notamment le cas pour <em>Exhibit B</em> (2013) de Brett Bailey, une installation-performance constitu&eacute;e de douze tableaux vivants visant &agrave; d&eacute;noncer le syst&egrave;me colonial, en &eacute;tablissant un &laquo;&nbsp;lien entre les repr&eacute;sentations d&eacute;shumanisantes des Noirs &agrave; l&rsquo;&eacute;poque coloniale&nbsp;&raquo; (Perrier, 2013, p. 53) et la situation pr&eacute;sente, par l&rsquo;&eacute;vocation brute des zoos humains, dont le sombre apog&eacute;e s&rsquo;&eacute;tend du milieu du XIXe au milieu du XXe s. Douze statues vivantes, d&eacute;crites par des cartels d&eacute;taill&eacute;s respectant les formules mus&eacute;ographiques (titre, techniques et mat&eacute;riaux utilis&eacute;s, nom, &acirc;ge, &eacute;tat de sant&eacute;, etc.) composent cette installation. Ici comme dans l&rsquo;exemple pr&eacute;c&eacute;dent les corps sont expos&eacute;s, mais cette fois directement par les performeurs qui jouent les personnages de plusieurs sc&eacute;nettes, &agrave; proximit&eacute; directe du spectateur, pour instaurer un climat de tension entre ce dernier et l&rsquo;image difficilement supportable que le performeur lui renvoie.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La discrimination raciale, qu&rsquo;elle repose sur des ressorts anthropologiques, mus&eacute;ologiques, &eacute;rotiques, ou m&ecirc;me zoologiques, y est mise au jour et critiqu&eacute;e directement, soulign&eacute;e par l&rsquo;artificialit&eacute; et l&rsquo;&eacute;tranget&eacute; que suscite la vision successive de ces tableaux. L&rsquo;image du corps de l&rsquo;autre, &laquo;&nbsp;souvent r&eacute;duits &agrave; l&rsquo;&eacute;tat de chiffres, de statistiques ou d&rsquo;objets&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>.), se trouve ici refabriqu&eacute;e, class&eacute;e et sc&eacute;nographi&eacute;e pour reproduire plus ou moins fid&egrave;lement les images d&rsquo;un pass&eacute; souvent imagin&eacute;, et informer litt&eacute;ralement le spectateur sur les exactions commises sous couvert de civilisation. Ces personnages expos&eacute;s servent tous &agrave; leur mani&egrave;re d&rsquo;all&eacute;gorie d&rsquo;une violence pass&eacute;e mais toujours vivante dans les m&eacute;moires, figurant tout autant le traitement qui &eacute;tait fait au corps humain &agrave; l&rsquo;&eacute;poque que l&rsquo;affligeante banalit&eacute; de ce traitement, et d&eacute;voilant par l&agrave; une consid&eacute;ration de l&rsquo;autre semblant absolument d&eacute;nu&eacute;e d&rsquo;empathie. Cette charge symbolique et historique est permanente lors de chaque confrontation du performeur et du visiteur, d&rsquo;un corps-objet face &agrave; un regardant, d&rsquo;une cruaut&eacute; pass&eacute;e face &agrave; une reconnaissance consciente permise par le regard contemporain. La discordance entre l&rsquo;image cens&eacute;e repr&eacute;senter &agrave; la fois l&rsquo;&eacute;tranger et l&rsquo;&eacute;trange, et la pr&eacute;sence qui l&rsquo;incarne (qui n&rsquo;est plus &eacute;videmment per&ccedil;ue ainsi aujourd&rsquo;hui), est une forme de transgression en elle-m&ecirc;me, une autocritique de la repr&eacute;sentation qui implique une r&eacute;&eacute;valuation de l&rsquo;objet visuel en tant que tel.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La vision de ce corps r&eacute;ifi&eacute; et historiquement recontextualis&eacute;, pour &ecirc;tre &agrave; nouveau expos&eacute;, a pour effet de conscientiser le regard du spectateur et de lui transmettre une certaine responsabilit&eacute; quant &agrave; son regard. Cela, de fait, le rend plus attentif &agrave; son comportement, et le pousse &agrave; remettre en question sa position de regardant, ainsi que l&rsquo;influence qu&rsquo;il peut avoir en tant qu&rsquo;observateur sur l&rsquo;objet de son regard. Faisant partie int&eacute;grante de l&rsquo;&oelig;uvre, le regard du spectateur ne peut plus, d&egrave;s qu&rsquo;il se pose sur les performeurs, se vouloir na&iuml;f et devient imm&eacute;diatement sujet &agrave; une auto-interrogation. L&rsquo;inconfort et le malaise sont palpables, issu du m&eacute;lange d&rsquo;&eacute;motions diverses, de la col&egrave;re &agrave; la culpabilit&eacute;, en passant par la sid&eacute;ration ou la responsabilit&eacute;. La d&eacute;ambulation &agrave; travers cette &oelig;uvre offre &agrave; chacun des spectateurs l&rsquo;occasion d&rsquo;&ecirc;tre &agrave; la fois regardant et regard&eacute; par les performeurs, et donc au final de se projeter dans le regard de l&rsquo;autre. Qu&rsquo;il soit r&eacute;ifiant ou accusateur, cet &eacute;change sera &agrave; l&rsquo;origine d&rsquo;une r&eacute;flexion sur le regard lui-m&ecirc;me et agira, par identification ou par intellection, comme un acte de d&eacute;nonciation.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cette responsabilisation du regard ne se borne pas au contexte dramatique, &eacute;tendant la r&eacute;flexion du spectateur &agrave; des questionnements &eacute;thiques ou sociaux. Confrontant son auditoire &agrave; un sujet sensible de la r&eacute;alit&eacute;, amen&eacute; brutalement et sans aucun filtre face &agrave; lui dans un contexte fictif, l&rsquo;&oelig;uvre interroge le droit et le pouvoir du regard spectatoriel. Ce rapport &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; incite le spectateur &agrave; se positionner par rapport &agrave; cette image caricaturale de l&rsquo;autre, et donc forc&eacute;ment &agrave; concevoir mentalement les limites de ce qu&rsquo;il accepte de consid&eacute;rer comme expression artistique, mais aussi &agrave; se retourner sur ses singularit&eacute;s propres qui peuvent &ecirc;tre per&ccedil;ues par les autres comme une diff&eacute;rence. Le statut de spectateur se trouve alors transcend&eacute; par l&rsquo;identit&eacute; et les valeurs de chacun, et la perception esth&eacute;tique se m&ecirc;le &agrave; une perception &eacute;thique de l&rsquo;&oelig;uvre.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Empathie par procuration ou &eacute;tranget&eacute; comme garde-fou</span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le troisi&egrave;me et dernier exemple qui sera trait&eacute; dans cet article met lui aussi en jeu des relations empathiques complexes entre le spectateur et un sujet sc&eacute;niques hors-normes, et dont les r&eacute;percussions influeront directement sur la perception que le spectateur a du spectacle d&rsquo;une part, mais aussi de son acte de regard d&rsquo;autre part. En effet, contrairement aux exemples pr&eacute;c&eacute;dents reposant sur la pr&eacute;sence d&rsquo;&ecirc;tres vivants, les paragraphes suivants s&rsquo;attacheront &agrave; examiner la confrontation entre les spectateurs et une machine humano&iuml;de visant &agrave; se substituer &agrave; la personne qu&rsquo;elle repr&eacute;sente, incapable de se pr&eacute;senter elle-m&ecirc;me sur sc&egrave;ne. Le collectif Rimini Protokoll met en effet en sc&egrave;ne, dans <em>La vall&eacute;e de l&rsquo;&eacute;trange</em>, un robot hyperr&eacute;aliste (de par les expressions de son visage, ses mouvements musculaires ou m&ecirc;mes les tensions nerveuses pr&eacute;cis&eacute;ment simul&eacute;es), une copie quasi exacte de l&rsquo;&eacute;crivain allemand Thomas Melle, l&rsquo;auteur de cette pi&egrave;ce. Rempla&ccedil;ant la pr&eacute;sence humaine sur sc&egrave;ne, le robot g&eacute;mino&iuml;de est l&rsquo;incarnation de son &ecirc;tre originel, volontairement absent du fait des souffrances caus&eacute;es par sa d&eacute;pression chronique et ses difficult&eacute;s maladives &agrave; rencontrer le public. L&rsquo;&eacute;crivain prend vie sur sc&egrave;ne &agrave; travers son double. Le robot solitaire, assis sur un fauteuil au milieu de la sc&egrave;ne, emprunte la voix de l&rsquo;auteur pour en narrer longuement la biographie &agrave; la premi&egrave;re personne, mais aussi des informations sur la vie du brillant et tortur&eacute; math&eacute;maticien Alan Turing, &eacute;voquant notamment avec espi&egrave;glerie le &laquo;&nbsp;test de Turing&nbsp;&raquo; (qui permet en th&eacute;orie de d&eacute;terminer si une intelligence artificielle peut &ecirc;tre capable de simuler l&rsquo;intelligence humaine). D&egrave;s le d&eacute;but du spectacle, le narrateur robotique annonce le sujet central de cette &laquo;&nbsp;conf&eacute;rence&nbsp;&raquo; au spectateur, &agrave; savoir &laquo;&nbsp;comment d&eacute;passer l&rsquo;obstacle de la vall&eacute;e de l&rsquo;&eacute;trange&nbsp;&raquo;, portant par-l&agrave; l&rsquo;attention des spectateurs sur le lien empathique qui se tisse progressivement envers cette pr&eacute;sence machinique et l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; de l&rsquo;&ecirc;tre qu&rsquo;elle repr&eacute;sente, &agrave; la fois pr&eacute;sent et absent, &agrave; la fois r&eacute;el et artificiel.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tout au long de la pi&egrave;ce, l&rsquo;auteur s&rsquo;amuse de la multiplicit&eacute; de ses propres apparitions (photos, vid&eacute;os, enregistrements audios et bien s&ucirc;r, pr&eacute;sence robotique) et joue d&rsquo;un soi pr&eacute;enregistr&eacute;, morcel&eacute; et fragmentaire, qui ne suffira pourtant jamais &agrave; &eacute;galer l&rsquo;unit&eacute; du soi original, mais qui rend parfaitement compte des afflictions mentales dont il souffre. Le narrateur trace d&rsquo;ailleurs lui-m&ecirc;me le parall&egrave;le entre le robot et son &eacute;tat psychologique. Il compare en effet son comportement, notamment lorsqu&rsquo;il est atteint de crises de panique, &agrave; celui d&rsquo;une machine, indiquant la souffrance que lui procure le fait d&rsquo;appara&icirc;tre en public ou dans les m&eacute;dias, de donner des interviews ou des conf&eacute;rences de mani&egrave;re r&eacute;p&eacute;titive. Dans ces moments-l&agrave;, pr&eacute;cise-t-il, agir &laquo; comme une machine&nbsp;&raquo; lui permet de cr&eacute;er une distance psychologique avec la r&eacute;alit&eacute; et de rompre les liens relationnels et &eacute;motionnels. Ainsi parvient-il &agrave; se rendre absent d&rsquo;esprit quand il est pr&eacute;sent de corps. Sur la sc&egrave;ne de <em>La vall&eacute;e de l&rsquo;&eacute;trange</em>, c&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment l&rsquo;inverse qui se produit, ce qui facilite le partage de sujets plus intimes.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Pour cerner les liens empathiques qui peuvent se tisser entre les spectateurs et la machine &agrave; laquelle ils font face, il peut &ecirc;tre utile de s&rsquo;int&eacute;resser &agrave; la diff&eacute;rence d&eacute;velopp&eacute;e par Serge Tisseron entre &laquo;&nbsp;l&rsquo;anthropomorphisme (je projette mes &eacute;motions et mes pens&eacute;es sur un objet ou un animal, mais je sais qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;une projection)&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;l&rsquo;animisme (je pr&ecirc;te &agrave; l&rsquo;objet en question des capacit&eacute;s cognitives et &eacute;motionnelles identiques aux miennes)&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span style="color:#000099;">[4]</span></a><span new="" roman="" times="">. D&rsquo;apr&egrave;s le psychiatre, la conscience humaine, lorsqu&rsquo;elle a affaire &agrave; des objets, n&rsquo;est pas toujours capable d&rsquo;une gestion &eacute;motionnelle efficace, et peut aboutir &agrave; des ph&eacute;nom&egrave;nes de dissonance cognitive, c&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo; &laquo;&nbsp;on a beau savoir que ce sont des machines, on ne peut pas s&rsquo;emp&ecirc;cher de d&eacute;velopper avec elles la m&ecirc;me relation qu&rsquo;avec des humains&nbsp;&raquo;</span><a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span style="color:#000099;">[5]</span></a><span new="" roman="" times=""><span style="color:#000099;">&nbsp;</span>et donc de leur imaginer des sentiments. Dans le m&ecirc;me ordre d&rsquo;id&eacute;e, Laurence Devillers nous explique que d&egrave;s lors qu&rsquo;un robot semble nous gratifier de son attention ou ressentir une forme de souffrance, &laquo;&nbsp;nous nous surprenons &agrave; d&eacute;velopper des sentiments empathiques pour lui [et] nous &eacute;prouvons tr&egrave;s naturellement de la compassion&nbsp;&raquo; (Devillers, 2020, p. 149) &agrave; son &eacute;gard.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans <em>La vall&eacute;e de l&rsquo;&eacute;trange</em>, cette relation empathique sera encore renforc&eacute;e par la voix que l&rsquo;auteur pr&ecirc;te &agrave; la machine, et qui la rend plus proche encore de son original. Appara&icirc;t cependant un paradoxe empathique, une &eacute;tranget&eacute; r&eacute;v&eacute;l&eacute;e par une familiarit&eacute; &laquo;&nbsp;en n&eacute;gatif&nbsp;&raquo;&nbsp;: plus l&rsquo;apparence du robot s&rsquo;humanise, plus il para&icirc;t familier pour l&rsquo;observateur, mais cette proximit&eacute; corporelle et comportementale peut paradoxalement faire surgir un certain inconfort, ph&eacute;nom&egrave;ne que le roboticien Masahiro Mori a nomm&eacute; &laquo;&nbsp;la vall&eacute;e de l&rsquo;&eacute;trange&nbsp;&raquo; (Mori, [1970] 2012, p. 26) et qui a donn&eacute; son nom &agrave; ce spectacle. Il s&rsquo;av&egrave;re en effet que les r&eacute;actions parfois surprenantes et inattendues des machines humano&iuml;des peuvent brusquement briser le sentiment de familiarit&eacute;, comme par exemple la perception d&rsquo;une mimique faciale non naturelle et tr&egrave;s machinique. C&rsquo;est notamment ce qui survient quand, vers la fin du spectacle le robot, alors contr&ocirc;l&eacute; par l&rsquo;image du &laquo;&nbsp;vrai&nbsp;&raquo; Thomas Melle apparue &agrave; l&rsquo;&eacute;cran, effectue un geste grotesque et d&eacute;rangeant, une rotation de son pied sur l&rsquo;axe de la cheville, qu&rsquo;accompagne le d&eacute;sagr&eacute;able son d&rsquo;un craquement. Cette s&eacute;quence est imm&eacute;diatement source d&rsquo;une &eacute;tranget&eacute; extr&ecirc;me car ce mouvement rel&egrave;ve clairement de l&rsquo;anomalie, et s&rsquo;av&egrave;rerait sans aucun doute dangereux pour n&rsquo;importe quel humain. C&rsquo;est une application directe du concept de vall&eacute;e de l&rsquo;&eacute;trange dont le spectateur ne peut qu&rsquo;&ecirc;tre t&eacute;moin, et d&egrave;s lors recentrer son attention sur son propre ressenti et sa position en tant qu&rsquo;humain face &agrave; cet &ecirc;tre artificiel.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;inclusion dans les sc&egrave;nes contemporaines de ces personnages machiniques in&eacute;dits donne lieu &agrave; des possibilit&eacute;s nouvelles. N&rsquo;&eacute;tant pas consid&eacute;r&eacute;es comme de simples artefacts, ils sont souvent assimil&eacute;s au genre humain, de par leur apparence ou leur comportement paraissant autonomes et mu&eacute;s par une volont&eacute; propre. Ces pr&eacute;sences sont pour le spectateur la cible d&rsquo;une relation complexe dans le sens o&ugrave;, conscient d&rsquo;&ecirc;tre face &agrave; une pr&eacute;sence artificielle et &laquo;&nbsp;non-vivante&nbsp;&raquo;, il peut s&rsquo;&eacute;manciper des &eacute;motions qu&rsquo;elle provoque chez lui sans pour autant pouvoir les ignorer compl&eacute;tement. Ce spectacle en est un exemple frappant dans le sens ou le robot est la cible d&rsquo;une empathie double&nbsp;: l&rsquo;une repose sur l&rsquo;identification directe des mouvements et des expressions faciales, tenant de l&rsquo; &laquo;&nbsp;empathie miroir&nbsp;&raquo; (Vignement (de), 2008, p. 338) &eacute;voqu&eacute;e par Fr&eacute;d&eacute;rique de Vignemont &agrave; partir des th&eacute;ories de Theodor Lipps du d&eacute;but du XXe s. dans l&rsquo;ouvrage cit&eacute; pr&eacute;c&eacute;demment&nbsp;; l&rsquo;autre bas&eacute;e sur l&rsquo;histoire et les souffrances personnelles de Thomas Melle et ayant trait &agrave; l&rsquo;empathie reconstructive d&eacute;crite plus haut. Cependant, lorsque le robot effectue son geste &eacute;trange, le spectateur reprend soudainement et violemment conscience du caract&egrave;re artificiel de ce personnage qui lui fait face, brisant de ce fait automatiquement l&rsquo;empathie miroir et excluant le robot de la &laquo;&nbsp;communaut&eacute; des semblables&nbsp;&raquo; vant&eacute;e par Hochmann, et affirmant du m&ecirc;me coup sa propre appartenance &agrave; celle-ci.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Conclusion</span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ces trois exemples de pr&eacute;sences sc&eacute;niques hors du commun, alt&eacute;ris&eacute;es et volontairement marginales, ont permis d&rsquo;illustrer le cheminement qui conduit le spectateur de l&rsquo;empathie &agrave; un retour sur soi, une prise de conscience de son &eacute;tat, de sa fonction, et des implications profondes de ce que peut signifier l&rsquo;acte du regard, le fait d&rsquo;&ecirc;tre spectateur. Et ce qui place le th&eacute;&acirc;tre au rang de medium particulier &agrave; ce titre, c&rsquo;est qu&rsquo;il est, par essence, l&rsquo;art de la simultan&eacute;it&eacute;, du pr&eacute;sent et de l&rsquo;ici et maintenant. M&ecirc;me lorsque la copr&eacute;sence, si importante soit-elle, est mise en doute comme sur la sc&egrave;ne d&rsquo;<em>Orph&eacute;e et Eurydice</em> ou m&ecirc;me, dans une certaine mesure, celle de <em>La vall&eacute;e de l&rsquo;&eacute;trange</em>, le fait de vivre un instant insaisissable et non reproductible agit comme un catalyseur des &eacute;motions ressenties lors de la repr&eacute;sentation.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ainsi, par ces exp&eacute;riences reposant sur la confrontation &agrave; une pr&eacute;sence hors norme de l&rsquo;autre, le th&eacute;&acirc;tre peut-il &ecirc;tre le lieu d&rsquo;un renouvellement de la pens&eacute;e du soi en lien avec ces pairs, par ce qu&rsquo;il en voit, ce qu&rsquo;il pense en voir et en savoir. Qu&rsquo;elle soit infus&eacute;e dans le drame par son entrem&ecirc;lement &agrave; la trag&eacute;die ou utilis&eacute;e comme mati&egrave;re premi&egrave;re d&rsquo;une &eacute;criture pseudo-dramatique, la r&eacute;alit&eacute; expos&eacute;e sur la sc&egrave;ne d&rsquo;<em>Orph&eacute;e et Eurydice</em>, <em>Exhibit B</em> ou <em>La vall&eacute;e de l&rsquo;&eacute;trange</em> semble &ecirc;tre source d&rsquo;un retour sur soi qui remet en question de la place que le spectateur pense occuper, non pas seulement dans la salle, mais aussi au sein de la soci&eacute;t&eacute;.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ces fragments de r&eacute;el seront la base d&rsquo;une conscientisation reposant sur une implication &eacute;motionnelle et intellectuelle dans l&rsquo;&oelig;uvre, et dont le ferment sera l&rsquo;empathie envers les pr&eacute;sences sc&eacute;niques. Bien que faisant intervenir des concepts g&eacute;n&eacute;raux, les ph&eacute;nom&egrave;nes &eacute;tudi&eacute;s engagent les individus dans leur particularit&eacute;, pour les atteindre dans leur intimit&eacute; soit en tant qu&rsquo;&eacute;metteur, soit en tant que r&eacute;cepteur, selon un processus auto-r&eacute;flexif dont l&rsquo;axe de sym&eacute;trie est le regard, non pas celui venant de la sc&egrave;ne, mais bien celui du spectateur. Ainsi ce dernier devient-il, par l&rsquo;interm&eacute;diaire de la sc&egrave;ne th&eacute;&acirc;trale, observateur du monde et de ses propres contradictions et paradoxes repr&eacute;sentationnels.</span></span></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Bibliographie</span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ancet Pierre, 2006, <em>Ph&eacute;nom&eacute;nologie des corps monstrueux,</em> Paris, Presses Universitaires de France.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ancet Pierre, 2018, &laquo;&nbsp;Handicap et visibilit&eacute;. De l&rsquo;outrance involontaire du corps &agrave; l&rsquo;outrance volontaire de l&rsquo;apparence&nbsp;&raquo;, <em>Revue des sciences sociales</em>, n&deg;59, p. 46-53.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ardenne Paul, 2001, <em>L&rsquo;image corps</em>, Paris, &Eacute;ditions du regard.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Arrigoni Mathilde, 2017, <em>Le th&eacute;&acirc;tre contestataire</em>, Paris, Presses de Sciences Po.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Biet Christian, Triau Christophe, 2006, <em>Qu&rsquo;est-ce que le th&eacute;&acirc;tre</em>, Paris, Gallimard.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Boltanski Luc, 1993, <em>La Souffrance &agrave; distance. Morale humanitaire, m&eacute;dias et politique</em>, Paris, M&eacute;taili&eacute;.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Castellucci Claudia, Castellucci Romeo, 2001, <em>Les p&egrave;lerins de la mati&egrave;re. Th&eacute;orie et praxis du th&eacute;&acirc;tre</em>, Besan&ccedil;on, Les solitaires intempestifs.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Combes &Eacute;milie, 2017, &laquo;&nbsp;Le d&eacute;passement de soi par la transgression des interdits chez Arrabal : quand l&rsquo;&eacute;rotisme brutal devient vecteur de communion avec le sacr&eacute;&nbsp;&raquo;, <em>Aletria</em>, vol. 27, n&deg;1, p. p. 53-71.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Devillers Laurence, 2020, <em>Les robots &eacute;motionnels. Sant&eacute;, surveillance, sexualit&eacute;&hellip;&nbsp;: et l&rsquo;&eacute;thique dans tout &ccedil;a&nbsp;?</em>, Paris, &Eacute;ditions de l&rsquo;Observatoire.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">F&eacute;ral Josette, 2012, &laquo;&nbsp;Les paradoxes de la th&eacute;&acirc;tralit&eacute;&nbsp;&raquo;, <em>Th&eacute;&acirc;tre/Public</em>, n&deg;205, p. 8-11.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Hochmann Jacques, 2012, <em>Une histoire de l&#39;empathie</em>, Paris, Odile Jacob.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Hochmann Jacques, 2015, &laquo;&nbsp;Une histoire de l&rsquo;empathie&nbsp;&raquo;, dans Botbol M. et al. (dir.), <em>L&rsquo;empathie au carrefour des sciences et de la clinique</em>, Doin, p. 13-46.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">MacDorman Karl,&nbsp;2019, &laquo;&nbsp;La Vall&eacute;e de l&rsquo;&Eacute;trange de Mori Masahiro&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>e-Pha&iuml;stos</em>, VII-2 [En ligne]&nbsp;:</span></span><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">URL&nbsp;: <a href="http://journals.openedition.org/ephaistos/5333">http://journals.openedition.org/ephaistos/5333</a> (consult&eacute; le 20 juin 2021).&nbsp;</span></span><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">DOI&nbsp;: <a href="https://doi.org/10.4000/ephaistos.5333">https://doi.org/10.4000/ephaistos.5333</a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mori Masahiro, [1970]2012, &laquo; La vall&eacute;e de l&rsquo;&eacute;trange &raquo;, <em>Gradhiva</em>, n&deg;15, p. 26-33.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Naugrette Catherine, 2011, &laquo; Une nouvelle dimension du cathartique &raquo;, <em>&Eacute;tudes th&eacute;&acirc;trales</em>, n&deg;51-52, p. 172-179.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Naugrette Catherine, 2010, &laquo;&nbsp;Cathartique (mat&eacute;riau)&nbsp;&raquo;, dans Sarrazac J-P. (dir.), <em>Lexique du drame moderne et contemporain</em>, Paris, Circ&eacute;, p. 33-36.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Perrier Jean-Fran&ccedil;ois, 2013, &laquo;&nbsp;Entretien avec Brett Bailey&nbsp;&raquo;, <em>Festival d&rsquo;Avignon 67e &eacute;dition</em> [dossier de presse], p. 53-55.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Perrier Jean-Louis, 2014, <em>Ces ann&eacute;es Castellucci</em>, Besan&ccedil;on, Les Solitaires Intempestifs.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Picon-Vallin B&eacute;atrice, Magris Erica (dir.), 2019, <em>Les th&eacute;&acirc;tres documentaires</em>, Montpellier, Deuxi&egrave;me &eacute;poque.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Pluta Izabella, 2012, &laquo; La performance de la machine, ou comment les cyborgs et les robots jouent sur la sc&egrave;ne &raquo;, <em>Ligeia</em>, n&deg;117-120, p. 169-184.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Poirson Martial, 2015, &laquo; Tristes spectacles : exhibitions fin-de-si&egrave;cle &raquo;, dans Moindrot I. et Coutelet N. (dir.), <em>L&#39;alt&eacute;rit&eacute; en spectacle 1789-1918</em>, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 67-81.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Quinchez Emmanuel, 2015, &laquo;&nbsp;&Eacute;cran total sur la distraction&nbsp;&raquo;, <em>Specimen</em>, n&deg;8, p. 37-42.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ryngaert Jean-Pierre, Sermon Julie, 2006, <em>Le personnage th&eacute;&acirc;tral contemporain&nbsp;: d&eacute;composition, recomposition</em>, Montreuil, &Eacute;ditions Th&eacute;&acirc;trales.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Saisons Maryvonne, 1998, <em>Les th&eacute;&acirc;tres du r&eacute;el. Pratiques de la repr&eacute;sentation dans le th&eacute;&acirc;tre contemporain</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tackels Bruno, 2005, Les Castellucci. &Eacute;crivains de plateau I, Besan&ccedil;on, Les Solitaires Intempestifs.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tisseron Serge, 1996, &laquo; La catharsis purge ou th&eacute;rapie ? &raquo;, <em>Les cahiers de m&eacute;diologie</em>, n&deg;1, p. 181-191.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tisseron Serge, 2011, <em>L&rsquo;intimit&eacute; surexpos&eacute;e,</em> Paris, Hachette.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tisseron Serge, 2011, &laquo;&nbsp;Intimit&eacute; et extimit&eacute;&nbsp;&raquo;, <em>Communication</em>s, n&deg;88, p. 83-91.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tisseron&nbsp;Serge, 2018,<em> Robots, de nouveaux partenaires de soins psychiques</em>,&nbsp;Toulouse, &Eacute;r&egrave;s.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tisseron&nbsp;Serge, 2018, <em>Petit trait&eacute; de cyberpsychologie</em>,&nbsp;Paris, Pommier.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Vignemont (de)&nbsp;Fr&eacute;d&eacute;rique, 2008, &laquo;&nbsp;Empathie miroir et empathie reconstructive&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Revue philosophique de la France et de l&#39;&eacute;tranger</em>, vol. 133, n&deg;3, p. 337-345.</span></span></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <hr size="1" /> <div id="ftn1"> <p><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://7F2952DC-9110-4241-8B26-757F06DDFCA0#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span style="color:#000099;">[1]</span></a>&nbsp;<strong>Sunga Kim</strong>,&nbsp;Docteure en esth&eacute;tique, sciences et technologies des Arts,&nbsp;Charg&eacute;e de cours en &eacute;tudes th&eacute;&acirc;trales,Universit&eacute; Paris 8,&nbsp;Sc&egrave;nes du monde, cr&eacute;ation, savoirs critiques - EA 1573, email de contact&nbsp;:&nbsp;<a href="mailto:kkimsunga@gmail.com">kkimsunga@gmail.com</a></span></span></p> </div> <div id="ftn1"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://6D9562F8-C3D2-4E70-BB0D-CC0B79654E16#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span style="color:#000099;">[2]</span></a>&nbsp;L&rsquo;auteur avertit le lecteur en pr&eacute;ambule de cet ouvrage quant &agrave; l&rsquo;usage de ce terme tendancieux et possiblement blessant&nbsp;: &laquo;&nbsp;Cette difficult&eacute; [de percevoir l&rsquo;autre] se retrouve dans l&rsquo;usage m&ecirc;me du terme de &ldquo;monstre&rdquo; : il est inacceptable &eacute;thiquement de qualifier ainsi un &ecirc;tre humain r&eacute;el, m&ecirc;me mort-n&eacute;, et pourtant ce terme s&rsquo;impose &agrave; l&rsquo;esprit au-del&agrave; d&rsquo;un certain degr&eacute; de difformit&eacute;.&nbsp;&raquo;&nbsp;<span style="color:#000000;">(Ancet, 2006,</span>&nbsp;p.&nbsp;V).</span></span></p> <div id="ftn1"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://4D86DEF7-302F-4B6B-A075-B3645B0C7AF0#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span style="color:#000099;">[3]</span></a>&nbsp;Romeo Castellucci&nbsp;a fait intervenir deux jeunes femmes lors des repr&eacute;sentations de ce spectacle, Karin au Museumquartier dans le cadre du festival Wiener Festwochen de Vienne (dans la version de 1762 en italien de Gluck) et Els &agrave; la Monnaie de Bruxelles (dans la version fran&ccedil;aise de 1859 remani&eacute;e par Hector Berlioz).</span></span></p> <div id="ftn1"> <p><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://9FC767F4-3709-461E-B611-66184E57CD41#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span style="color:#000099;">[4]</span></a>&nbsp;Vincent Catherine,&nbsp;<em>LeMonde.fr</em>, &laquo;&nbsp;Serge Tisseron&nbsp;: &ldquo;Les robots vont modifier la psychologie humaine&rdquo; &raquo;, consult&eacute; le 20 juin 2021, URL :&nbsp;<a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/07/12/serge-tisseron-les-robots-vont-modifier-la-psychologie-humaine_5330469_3232.html">https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/07/12/serge-tisseron-les-robots-vont-modifier-la-psychologie-humaine_5330469_3232.html</a></span></span></p> <div id="ftn1"> <p><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://AA53C7B6-E6B7-48B2-8993-FA1C4CF01565#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span style="color:#000099;">[5]</span></a>&nbsp;<em>Ibidem</em>.</span></span></p> </div> </div> </div> </div>